Avec plaisir. Merci monsieur le député pour votre question. Je suis de façon très attentive les sujets de maintien de l'ordre, que j'ai pratiqué il y a très longtemps maintenant. Même si les opérations pouvaient être violentes, ce n'était pas comparable avec ce à quoi peuvent être confrontées les forces de l'ordre depuis l'avènement des Gilets jaunes. Vous comprendrez bien que ces manifestations – qui sont hors cadre, inorganisées et sans service d'ordre – ont posé beaucoup de problèmes à nos forces de l'ordre, y compris pour celles qui sont considérées dans le monde entier comme des exemples en matière de maintien de l'ordre (comme c'est le cas des CRS ou des escadrons de gendarmerie mobile). Il est vrai que le Gouvernement et la préfecture de police (si nous nous focalisons sur Paris, quand bien même des problématiques ont été rencontrées à Toulouse et dans d'autres grandes agglomérations) ont eu des difficultés à gérer le maintien de l'ordre et les groupuscules profitant de manifestations non autorisées et inorganisées – il est important de le souligner – pour venir en découdre avec les policiers et vandaliser des magasins. Nous avons eu le mouvement des blacks blocs mais aussi des groupuscules d'extrême gauche et d'extrême droite. En tout état de cause, il s'agit de groupes incontrôlables et incontrôlés.
Dans les premières opérations de maintien de l'ordre qui se sont déroulés dans ces conditions, je pense que la police a été réellement surprise. Je suppose que d'autres personnes entendues vous ont indiqué avant moi qu'il était compliqué de répondre à ces groupes, que les forces de l'ordre n'avaient pas l'habitude de voir dans ces manifestations. La réponse de la préfecture de police a été de renforcer les effectifs de forces de l'ordre en faisant venir des équipes de BAC, qui sont des unités qui sont habituées à faire du « saute dessus » comme on le dit. Ce sont des policiers qui sont très compétents dans leur domaine, c'est-à-dire pour aller chercher des voyous, les repérer et les appréhender lorsque c'est nécessaire. Ils ont un vrai rôle et un savoir-faire en la matière. Il paraît certain que les rôles et les missions ont été confondus, avec comme aboutissement des actions désordonnées qui ont même dû gêner des équipes comme celles de la compagnie de sécurisation et d'intervention de Paris (la CSI 75), qui font un très bon travail en soutien des compagnies de gendarmes mobiles et de CRS. Ces dispositifs ont créé un certain nombre de problèmes et une réorganisation a été opérée, le préfet de police alors en place en faisant d'ailleurs les frais. L'arrivée du Préfet Lallement s'est accompagnée de la création des détachements d'action rapide (DAR) puis des brigades de répression de l'action violente (BRAV), ce qui me semble être une véritable réponse pour faire face aux agissements des groupuscules ultra-violents qui sont très mobiles, comme j'ai pu le constater dans des manifestations à Toulouse. Pour les policiers et les équipes légères de la gendarmerie, il est très difficile d'agir vis-à-vis de ces individus sans risquer des contacts avec les manifestants, parmi lesquels ils arrivent à se mouvoir. Je pense sincèrement que les BRAV ont aussi amené quelque chose d'intéressant d'un point de vue psychologique. Lorsque vous voyez arriver dans des secteurs insécurisés des motos en doublettes avec dessus des équipes préparées, c'est assez marquant au niveau psychologique, voire répressif si nécessaire, les BRAV ayant vocation à intervenir contre des éléments subversifs et violents. Ils ne sont évidemment pas là pour taper sur des manifestants, vous vous en doutez bien.
Je pense qu'un travail a été fait pour renforcer la capacité d'action pour faire face à des formes de manifestations auxquelles les forces de l'ordre n'étaient pas habituées. Lorsque je suis devenu CRS en 1981, j'ai couvert des manifestations des marins-pêcheurs notamment. Même si elles pouvaient aboutir à certaines violences, l'encadrement par les organisations syndicales permettait qu'elles se déroulent relativement bien dans l'ensemble. Je trouve que la préfecture de police et plus généralement le ministère de l'Intérieur ont su réagir dans une période où les manifestations se succédaient chaque semaine dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes. Il reste à mon sens du travail à effectuer dans le domaine de la formation, mais il me semble que l'État a pris les devants sur ce sujet. La formation continue paraît elle aussi essentielle pour les forces de l'ordre, dans le sens où elle peut leur permettre de s'entraîner et d'anticiper ce à quoi elles pourraient être confrontées en manifestations, en prenant en compte surtout ces éléments ultra-violents qui sont très compliqués à cerner et à intercepter pour les forces de police.
Je ne sais pas si j'ai répondu précisément à votre question. Le travail réalisé par la préfecture de police – si je prends l'exemple des manifestations parisiennes – en faisant en sorte de réaliser des bouclages sur des secteurs bien précis et des contrôles d'identité avec des fouilles de sac me semblait primordial et nécessaire. Malgré tout, des groupuscules étaient assez malins pour anticiper ces mesures et pour cacher du matériel. Comme j'ai pu le constater à Toulouse, le niveau d'organisation de ces groupuscules extrémistes était assez impressionnant et ils connaissent parfaitement les techniques de guérilla urbaine. C'est un élément auquel nos forces de l'ordre n'étaient pas vraiment habituées, les compagnies de CRS étant avant tout vouées à se former un barrage, à éviter que les foules avancent et à les repousser lorsque c'est nécessaire. Nous n'étions pas habitués à voir des groupuscules capables de se mouvoir en permanence et de venir au contact des forces de l'ordre comme ils l'ont fait dans le cadre de ces manifestations.