Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du jeudi 3 décembre 2020 à 18h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Monsieur le garde des Sceaux, vous avez rappelé un certain nombre d'évidences concernant la procédure et le fonctionnement de la justice, en tout cas tel qu'il devrait être. Mais, vous l'aurez bien compris, au fur à mesure des auditions, qu'il y a parfois un hiatus entre ce qui devrait être et ce qui se passe sur le terrain.

Samedi dernier, par exemple, j'aurais bien aimé avoir des lunettes de piscine. J'étais place de la République, à Lille, dans une manifestation autorisée. La veille, à vingt-trois heures, la marche avait été interdite – ce qui pose d'ailleurs la question de la possibilité de recours : à Paris, il a été possible d'en former un, mais pas à Lille. Quoi qu'il en soit, je suis donc resté place de la République pendant toute la durée de la manifestation. Certains participants ont voulu se mettre en mouvement, car c'est pour cela qu'ils étaient venus. En définitive, je me suis retrouvé entouré de gaz lacrymogène. Heureusement, j'avais sur moi du sérum physiologique – j'en prends toujours, car le gaz lacrymogène, ce n'est pas très agréable.

Au regard du nouveau schéma national du maintien de l'ordre, prévoyez-vous d'envoyer aux procureurs une circulaire de politique pénale précisant la manière dont vous concevez le rôle de l'autorité judiciaire – en l'occurrence, plus précisément, celui du ministère public ? J'ai bien compris que vous ne pouviez pas donner d'ordre à Rémy Heitz, même s'il est placé sous votre autorité hiérarchique… Quoi qu'il en soit, va-t-on dire aux procureurs d'aller, non pas seulement dans les salles de commandement, qui ne reflètent qu'une partie de la réalité, mais sur le terrain ? Vont-ils contrôler les fouilles opérées par les policiers sur le fondement de l'article 78-2-2 du code de procédure pénale ? Prendront-ils le pouls des manifestations ? Bref, s'impliqueront-ils pleinement dans le nouveau schéma national du maintien de l'ordre ?

Et puis, vous pourriez aussi leur rappeler qu'on ne place pas une personne en garde à vue lorsqu'on n'a pas d'éléments contre elle – ce que vous venez d'ailleurs de nous dire. Il faut avoir un moyen de contrôler ce qui se passe. Le taux de classement sans suite très élevé s'explique certes par le fait que l'autorité judiciaire fait son travail – heureusement –, mais il montre aussi que la police a interpellé assez largement, et sur la base d'éléments peu probants. Certes l'autorité judiciaire fait son travail, mais entre-temps vous aurez été retenu jusqu'à vingt-quatre heures – pour ne pas dire plus : je pense à ce cameraman de France 3 qui a passé trente-six heures en garde à vue après la manifestation devant l'Assemblée nationale, il y a deux semaines.

Je comprends donc les principes que vous avez énoncés, et nous les partageons tous, mais la difficulté réside dans leur application : prévoyez-vous une circulaire d'application en la matière ?

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