Intervention de Francis Lamy

Réunion du mercredi 9 décembre 2020 à 14h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Francis Lamy, président adjoint de la section de l'intérieur du Conseil d'État :

Dans mes anciennes fonctions préfectorales, j'ai eu à gérer quelques opérations de maintien de l'ordre. En France, ce dernier relève de la responsabilité du préfet, de l'autorité civile de l'État, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays. Ça me paraît être un des fondements de l'ordre public républicain. La distinction entre l'autorité préfectorale et l'autorité de police est essentielle. Il y a une répartition des rôles. L'autorité de police ou le colonel de gendarmerie est le professionnel de la manœuvre, sur lequel s'appuie le préfet. Ce dernier – ou son directeur de cabinet – dimensionne le dispositif, négocie avec les interlocuteurs ou essaie de les trouver. Avec le procureur, il décide de l'organisation de la judiciarisation, qui est devenue un élément fondamental alors que, pendant de nombreuses années, elle était absente. C'est même devenu une exigence, car des atteintes sont portées non seulement aux biens et aux personnes, mais aussi à la liberté de manifestation, par les groupes s'introduisant dans les cortèges pour semer le désordre. La réponse judiciaire est très importante, et doit être parfaitement adaptée et ciblée. Elle ne doit pas créer de tensions avec les manifestants.

Il y a huit ou neuf ans, déjà, nous étions confrontés à la difficulté de trouver un interlocuteur dans certaines manifestations sur la voie publique. La mode était alors aux « apéros géants », par exemple sur la plage ou en plein centre-ville, dans les Alpes-Maritimes, ou à Rennes, ce qui causait des désordres publics majeurs. La question était de savoir comment responsabiliser celui qui était en train de préparer la « manifestation », au sens du code de la sécurité intérieure. J'avais créé un profil Facebook, ce qui avait permis d'entrer en contact avec des gens qui ne lisent pas la presse et ne regardent pas les communiqués de la préfecture. Cela nécessite une certaine dose d'imagination et d'improvisation.

Le préfet, ou son représentant, doit être très présent pour déterminer le dimensionnement de l'opération, cerner le profil de la manifestation. Son rôle est essentiel au moment de lever le dispositif et quand des changements de posture interviennent. Par exemple, la décision de lancer des grenades lacrymogènes est très importante et ne peut incomber au responsable de la police : elle relève du préfet. Celui-ci doit s'impliquer tout en faisant confiance au directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), qui est généralement concerné. Le DDSP est le professionnel de la manœuvre, qui doit faire des propositions au préfet. Ce tandem est essentiel, comme celui qui associe le préfet et le procureur. Dans les années 2008 et 2009 ont été créés les états-majors de sécurité, pour traiter les questions de sécurité générale, qui trouvent leur prolongement naturel, aujourd'hui, lorsqu'il s'agit de préparer une manifestation.

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