Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du mercredi 9 décembre 2020 à 16h30
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, ancien ministre de l'Intérieur :

Monsieur le président, merci infiniment de vos propos introductifs et de m'offrir l'hospitalité au sein de votre commission d'enquête. C'est pour moi un très grand plaisir et un très grand honneur de revenir devant le Parlement – même si je dois dire qu'il est plus difficile de le faire lorsque l'on n'est plus ministre : on a certes moins de pression, mais aussi moins de moyens administratifs et de collaborateurs pour préparer l'audition avec toute la rigueur nécessaire. Malgré tout, j'ai un peu de mémoire et quelques éléments que j'ai pris en note lorsque j'étais aux responsabilités et que j'utilise parfois quand j'écris mes ouvrages, pour rendre compte de mon action. Je vais donc puiser dans mes souvenirs pour vous restituer le fruit de l'expérience qui a été la mienne pendant trois ans place Beauvau.

Le premier point sur lequel je voudrais insister est le fait que, comme vous l'avez vous-même souligné, nous avons été soumis pendant ces trois années à une juxtaposition d'événements particulièrement difficiles qui ont mis à l'épreuve les forces de l'ordre. D'abord, bien entendu, les attentats terroristes de 2015 et 2016, sur lesquels je ne m'attarderai pas car ils ne sont pas le sujet de votre commission d'enquête, mais qui – vous le savez parfaitement, monsieur le président – ont singulièrement mobilisé l'énergie des forces de l'ordre, y compris de fonctionnaires et de militaires qui ne faisaient pas partie des forces d'intervention que sont le groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), le RAID (Recherche, assistance, intervention, dissuasion) ou la brigade de recherche et d'intervention (BRI) et qui ont pu être confrontés à des situations très difficiles.

Nous avons aussi fait face à des formes de contestation nouvelles – qui relèvent, elles, du sujet qui vous occupe, le maintien de l'ordre – avec la constitution des zones à défendre. À Sivens ou à Nantes, à proximité du projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, pendant des semaines, voire des mois, des groupes de plusieurs centaines de personnes ont occupé des terrains au motif qu'ils étaient hostiles à des projets d'infrastructures ayant fait l'objet des procédures légales en vue de leur réalisation, considérant que, la cause étant bonne, ils pouvaient se permettre d'outrepasser toutes les règles de droit, y compris en organisant des manifestations violentes ; la violence était alors théorisée comme le moyen légitime de s'opposer à la volonté de la puissance publique, y compris lorsque celle-ci appliquait des décisions qui avaient été prises, je le répète, dans le respect rigoureux de toutes les procédures de droit. La relation que certaines formes nouvelles de contestation entretiennent ainsi avec le droit et l'État de droit pose un problème très sérieux, politique et philosophique.

Enfin, des manifestations particulièrement violentes, notamment contre la « loi travail », ont mobilisé les forces de l'ordre. Les modalités d'intervention y rappelaient l'action des autonomes à une autre époque : des groupes très mobiles se constituant en commandos, petits d'abord, plus nourris ensuite, se déguisant ou se masquant pour opérer de façon dissimulée et se livrer à des violences sur les personnes, notamment les forces de l'ordre, et sur les biens publics. Très récemment, lors des manifestations qui se sont déroulées à Paris, on a vu à l'œuvre ces mêmes phénomènes, notamment à l'égard des forces de l'ordre, illustrés par des images très choquantes montrant que la violence se déploie désormais sans limites.

Quand on parle de maintien de l'ordre, il faut donc englober non seulement les manifestations et les formes nouvelles de contestation, mais aussi cette violence urbaine, également nouvelle, qui peut appeler le maintien ou le rétablissement de l'ordre dans des circonstances parfois imprévisibles et mettre à l'épreuve l'autorité de l'État et les forces de l'ordre.

Le second point sur lequel je voudrais insister, et que le président de la commission d'enquête a parfaitement à l'esprit pour avoir alors été un acteur opérationnel – au demeurant talentueux –, est le suivant. Les décisions prises par le pouvoir exécutif concernant l'organisation, les effectifs, les moyens de la police peuvent avoir des effets très déstabilisants pour les forces de l'ordre pendant de très nombreuses années. Il est très long et très compliqué de construire un dispositif de maintien et de rétablissement de l'ordre qui soit solide, qui permette à l'autorité de l'État de s'exprimer et de s'incarner ; il est également très long d'établir des relations de confiance entre la police et la population en instillant au cœur de la police nationale l'ensemble des principes qui font sa grandeur et son honneur, c'est-à-dire les principes républicains ; il est très long de donner à la police et à la gendarmerie les moyens d'accomplir leurs missions. En revanche, quand on prend de mauvaises décisions, c'est très rapidement que les équilibres sont remis en cause et les forces de sécurité affaiblies, de surcroît dans un contexte de montée de la menace.

Je sais que vous avez évoqué ces questions au cours des précédentes auditions, pour en avoir suivi plusieurs parce que je m'y intéressais. Je voudrais donc saisir l'occasion de celle-ci pour rappeler plusieurs éléments, en m'en tenant aux seuls faits et avec une grande précision, car les sujets dont il s'agit sont trop sérieux pour être livrés au plaisir de la polémique, des joutes politiciennes ou des mises en cause personnelles de tel ou tel ministre, trop sérieux aussi pour que celui qui en parle se laisse aller aux facilités de l'imprécision.

D'abord, la révision générale des politiques publiques, sur le contenu de laquelle je ne veux pas m'exprimer ; si j'ai, bien entendu, mon avis sur la question, je peux tout à fait comprendre qu'un gouvernement ait souhaité, pour des raisons tenant à la nécessité de rétablir les comptes publics ou à sa vision de la modernisation de l'administration, procéder à des déflations massives d'effectifs et à la diminution significative des budgets alloués aux forces de sécurité, hors titre 2 – c'est-à-dire des budgets de fonctionnement courant ; toujours est-il que de telles décisions ont naturellement des conséquences.

Lorsque sont supprimés 13 000 postes dans la police et dans la gendarmerie, cela se traduit par exemple – c'est un élément qui n'a pas été évoqué devant votre commission d'enquête et que vous retrouverez aisément dans les rapports parlementaires élaborés au cours des dernières années – par la suppression de près de 13 unités de force mobile. Or on sait que seule la moitié des forces mobiles est susceptible d'être employée chaque jour, puisqu'on ne peut utiliser que 50 % de leur nombre total afin que celles précédemment appelées sur le terrain puissent reconstituer leurs forces, ce qui, compte tenu de la multiplication et de la juxtaposition des crises, n'a pas toujours été possible au cours des dernières années. Notre pays en comptant environ 130, ce sont donc à peu près 20 % des effectifs de forces mobiles disponibles dont on a privé les préfets et le ministre de l'Intérieur lorsqu'il est confronté à des tensions extrêmes sur le terrain. Cela n'est pas sans effet sur les conditions opérationnelles du maintien de l'ordre.

Vous avez également évoqué la mobilisation, en renfort, d'autres effectifs que ceux des unités de force mobile de la gendarmerie et de la police, notamment les brigades anti-criminalité (BAC) ou les pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG), en critiquant d'ailleurs les conditions dans lesquelles on est parfois contraint de les employer. Mais eux aussi ont été très fortement affectés par les déflations d'effectifs.

J'ajoute à cela que la diminution des crédits hors titre 2, de 17 % entre 2008 et 2013 pour la police et la gendarmerie, a aussi affecté le fonctionnement des services, compliquant l'acquisition de matériels.

Enfin, vous avez beaucoup parlé de la formation – le ministre de l'Intérieur actuel a eu grandement raison d'évoquer le sujet devant la commission des Lois. Sur ce point également, il faut être très précis. Toujours pour des raisons liées à la révision générale des politiques publiques, les moyens alloués à la formation des policiers et des gendarmes ont connu une diminution très significative. Plutôt que m'en tenir à un propos général, je vais vous donner des éléments précis, car je ne suis pas sûr qu'ils aient été portés à la connaissance de votre commission d'enquête – même si vous les retrouverez eux aussi dans les rapports parlementaires de ces dernières années.

En 2009, huit centres de formation de la police ont été supprimés et trois ont été transformés ou intégrés à des établissements plus importants. En 2010, ce sont deux écoles nationales de police, à Marseille et à Vannes, qui ont été fermées. En 2011, deux écoles nationales de police, à Paris et Draveil, ont été transformées en centres de formation régionaux. En 2012, les écoles de police de Châtel-Guyon et de Fos-sur-Mer ont elles aussi été fermées. En 2013, l'École nationale supérieure des officiers de police de Cannes-Écluse a fusionné avec l'École nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or dans le cadre de la création d'un établissement public administratif unique.

Surtout – car c'est décisif pour les moyens de formation de la police et de la gendarmerie –, le 1er septembre 2010, la direction de la formation de la police nationale a fusionné avec la direction de l'administration de la police nationale, cessant ainsi d'être une direction centrale de l'administration de Beauvau pour devenir une sous-direction. Or on sait parfaitement, quand on a été en poste au sein du ministère de l'Intérieur, que ce n'est pas la même chose de se battre pour les crédits d'une sous-direction que pour ceux d'une direction d'administration centrale. On sait aussi qu'une sous-direction n'a pas la même capacité d'impulsion et de conception politique, qu'elle ne traduit pas de la même manière la priorité absolue accordée par le ministère de l'Intérieur à la formation.

C'est la raison pour laquelle j'ai décidé en juin 2016 de consacrer de nouveau à la formation une direction d'administration centrale, dotée de 2 500 collaborateurs et dirigée par un excellent haut fonctionnaire, M. Philippe Lutz. Nous avons choisi de mettre l'accent sur la nécessité de renforcer la formation initiale des policiers – et des gendarmes, puisque nous avons implanté des écoles de formation, notamment à Dijon, au profit de la gendarmerie. Cet accroissement des moyens s'est articulé à la réforme du code de déontologie entreprise par mon prédécesseur, Manuel Valls. La direction de la formation avait également pour objectif de renforcer considérablement la formation continue des policiers ainsi que des gendarmes.

J'ai entendu dire ou lu – en tout cas, j'ai bien vu que le sujet faisait débat – qu'il aurait été décidé en 2016, pour des raisons liées au terrorisme, de ramener de douze à dix mois la durée de formation des gardiens de la paix. Ce n'est pas exact ; je veux, sur ce point aussi, être très précis. Il a effectivement été décidé de ramener la durée de formation de douze à dix mois, mais pour une toute petite catégorie de fonctionnaires de police, les adjoints de sécurité (ADS) ayant passé le concours de gardien de la paix, et pour un an seulement, parce qu'ils avaient déjà reçu une formation avant de passer le concours et qu'il fallait déployer des effectifs sur le terrain face à une menace terroriste alors très forte. Cette décision prise pour un an ne remettait pas du tout en cause la volonté et l'impulsion qui s'étaient matérialisées par la renaissance de la direction de la formation. Plus tard, en 2020, il a été décidé de ramener à huit mois la durée de formation initiale des policiers, le reste de la période – deux ans au total – étant consacré à des stages. C'est un choix sur lequel les ministres qui ont eu à prendre cette décision se sont exprimés, j'imagine.

Dans la mesure où le sujet s'est emparé subitement des esprits, il est important de rétablir les faits, car c'est ce faisant, dans la plus grande rigueur et avec la plus grande volonté d'exactitude, que le Parlement peut jouer son rôle de contrôle et de restitution aux citoyens de la vérité sur les choix faits par les différents acteurs politiques. Il est important de remettre ces faits en perspective pour une raison très simple : ma conviction profonde est que le confortement de la relation entre la police et la population, dans un esprit de confiance mutuelle, et la montée en gamme de nos services de sécurité, au nom des exigences déontologiques et de rigueur opérationnelle qui doivent s'attacher notamment aux opérations de maintien de l'ordre, dépendent de la capacité de l'État à s'inscrire dans la continuité des politiques publiques et à persévérer s'agissant des questions porteuses d'enjeux stratégiques nationaux. C'est important pour la vie démocratique et la nécessaire confiance entre les institutions et les citoyens.

Je me permettrai donc de former devant votre commission d'enquête le souhait que, sur ces sujets essentiels, on observe moins d'instrumentalisation politique et plus de continuité dans l'action de l'État ; que les acteurs publics, par-delà leurs différences politiques, soient davantage capables, par adhésion commune à l'idéal républicain, de valoriser mutuellement ce qu'ils font au lieu de profiter des circonstances ou des commissions d'enquête parlementaires pour s'engager dans des démonstrations parfois très hasardeuses.

J'en viens aux opérations de maintien de l'ordre. Vous le savez, lorsque j'étais ministre de l'Intérieur, un événement tragique est survenu dans le cadre d'une de ces opérations, à Sivens. Le ministère s'en est trouvé fortement ébranlé car le décès d'un jeune militant, lors d'une manifestation où il entendait défendre sa conception et ses convictions, constitue ce qu'il faut bien appeler un échec. Tout débordement, toute violence, a fortiori un décès est un échec, pour le ministère de l'Intérieur, et pour celui qui le dirige.

Il nous fallait comprendre les raisons pour lesquelles cette tragédie était survenue, alors que des consignes de maîtrise, d'apaisement et de proportionnalité avaient été données et que les instructions et les ordres d'opération étaient très clairs. J'ai missionné l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN), mais aussi l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), pour faire la lumière sur ce drame et analyser les difficultés qui se posaient en matière de maintien de l'ordre. Je me suis fondé sur leurs conclusions pour réformer ou améliorer les dispositifs existants. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de rendre compte de mes décisions devant les Français et la représentation nationale – j'ai notamment été auditionné dans le cadre de la commission d'enquête créée à la suite du drame de Sivens et présidée par Noël Mamère.

Ces décisions reposaient sur trois principes : améliorer la prévention en amont des manifestations afin que celles-ci se déroulent dans les meilleures conditions ; moderniser le cadre juridique ; communiquer, dans la transparence, les informations aux citoyens. Par ailleurs, les propositions du préfet Christian Lambert, que j'avais chargé d'une mission sur la formation du corps préfectoral en matière de maintien de l'ordre, ont été fort utiles.

Pour ce qui est de la prévention et de l'information des manifestants, j'ai préconisé de créer un lien permanent entre les responsables civils, notamment préfectoraux, et les organisateurs, de manière à envisager en amont la façon d'assurer le bon déroulement des manifestations. Même si j'ai constaté combien il pouvait être difficile d'atteindre ces objectifs, notamment lors des manifestations contre la « loi travail », je crois qu'il est nécessaire de chercher à tout prix à entrer en contact avec les organisateurs et à organiser les choses de façon scrupuleusement honnête.

En matière de renseignement, j'ai souhaité que nous puissions identifier, avec le concours des services de renseignement de la préfecture de police et des autres départements – ce qui était plus difficile car le renseignement y avait été asséché par la fusion des renseignements généraux et de la direction de la surveillance du territoire – les individus susceptibles de contribuer aux violences, afin de les empêcher de prendre part aux manifestations. C'est ainsi que chaque manifestation contre la « loi travail » a fait l'objet de réunions très spécifiques entre le préfet Cadot, mon cabinet et moi-même.

Pour ce qui est de la modernisation du cadre juridique, nous avons été amenés à créer les conditions de l'intervention d'une autorité civile – cela figure dans le rapport de l'IGPN de 2014, comme dans les travaux parlementaires. Parce que les personnels autorisés à utiliser des moyens de défense peuvent commettre des actes aux conséquences graves faute d'une vision globale de la manifestation, la présence d'un superviseur nous a semblé fondamentale.

Nous avons également modifié les règles relatives aux sommations avant l'intervention des forces de l'ordre afin d'avertir ceux qui seraient désireux de commettre des violences, et de limiter les risques pour les manifestants pacifiques.

Ayant constaté les blessures potentiellement mortelles que les moyens de défense pouvaient occasionner et soucieux de marquer très clairement la volonté du ministère à la suite du décès de Rémi Fraisse, j'ai décidé d'interdire les grenades offensives.

Pour renforcer la transparence, nous avons décidé que les opérations seraient filmées afin que les images puissent, en cas de contestation, restituer les conditions dans lesquelles les forces de l'ordre avaient été amenées à intervenir. D'ailleurs, j'ai toujours été très favorable à ce que les commissions d'enquête puissent avoir accès à l'ensemble des ordres d'opération donnés par les préfets, ainsi qu'à l'ensemble des instructions données par les ministres ou leur cabinet préalablement aux opérations. Cette transparence est susceptible d'améliorer le contrôle par le Parlement des missions conduites par les forces de l'ordre sous l'autorité des préfets. L'obligation pour le Gouvernement de rendre ainsi compte de son action est facteur de vérité, dans un univers où les questions liées au maintien de l'ordre sont instrumentalisées à des fins politiques – nous en sommes témoins aujourd'hui.

Je voudrais, pour conclure, évoquer le contexte actuel. Nous sommes tous ici ardemment républicains, et nous vivons comme une blessure pour le pays et la République la dégradation de la relation entre la population et les policiers, ou du moins ce que des acteurs politiques ou médiatiques relatent de cette perte de confiance. Ceux qui exercent, ou ont exercé, des responsabilités politiques doivent faire en sorte que ce lien ne soit pas davantage abîmé, qu'il puisse se décliner selon les modalités de la confiance et du respect, mais aussi de la gratitude.

Lorsque j'étais ministre de l'Intérieur, j'ai souvent été amené, en raison des événements auxquels la France a été confrontée, à me tenir derrière les cercueils de policiers et de gendarmes, aux côtés de leurs enfants. Je veux dire mon immense gratitude aux forces de l'ordre pour le travail qu'elles accomplissent. Je n'oublierai jamais ni leur courage ni le sacrifice de leur vie pour assurer notre sécurité. Je n'oublierai jamais non plus les échanges que j'avais presque quotidiennement avec les camarades d'un policier, dans le coma après avoir été attaqué par un multirécidiviste, lorsque j'allais lui rendre visite : ils me disaient leur quotidien, leurs souffrances, les épreuves auxquelles ils étaient confrontés dans leur mission de fonctionnaires de l'État.

Il existe aujourd'hui une tendance à théoriser une consubstantialité de la violence à la police. On parle aisément de violences policières, moins facilement du travail accompli par les policiers. Pour ma part, je ne parle pas de violences policières, non parce que j'ignore qu'il existe des policiers violents qui manquent à leurs obligations déontologiques – ils doivent être rigoureusement sanctionnés, sans la moindre concession, car ils portent atteinte à la réputation de la police dans son ensemble – mais parce que je pense qu'utiliser l'expression « violences policières », c'est laisser accroire qu'il existe une violence consubstantielle à la police, que l'État serait organisé, avec des instructions données au plus haut niveau de la hiérarchie policière et préfectorale, pour reléguer ou réprimer des citoyens. Si tel était le cas, il faudrait résolument se dresser et lutter pour que l'emportent les valeurs et les principes de la République.

De même qu'il ne faut jamais, dans les opérations de maintien de l'ordre ou dans la lutte contre le terrorisme, rompre l'équilibre entre la sécurité des Français et les libertés fondamentales, on doit toujours rechercher l'équilibre entre la plus grande fermeté à l'égard de ceux qui manquent à leur devoir et la nécessité d'exprimer aux forces de l'ordre notre gratitude pour le travail qu'elles accomplissent. Lorsque l'esprit de nuance s'efface, lorsque par des mots ou des expressions on procède à des instrumentalisations politiques hasardeuses, on contribue à faire mal à la République.

Cette relation de confiance, je l'ai vue s'exprimer de façon spectaculaire à l'occasion de la manifestation du 11 janvier 2015, lorsque des policiers furent acclamés par les Français. Il y avait alors un amour partagé du pays, la conscience aiguë des épreuves auxquelles il était confronté, l'idée que nous faisions tous ensemble nation, le sentiment puissant d'appartenir à une même communauté que le terrorisme cherchait à mettre à genoux.

Nous sommes aujourd'hui dans un contexte où tout peut basculer, où les crises qui se juxtaposent engendrent des tensions extrêmes. Je ne peux que vous remercier d'avoir créé cette commission d'enquête. Par le débat, la confrontation des points de vue et des expériences, la mise en évidence de faits, vous vous attachez à éclairer la représentation nationale, la presse et les Français sur la complexité de la mission des forces de l'ordre et sur la nécessité de leur donner les moyens de l'accomplir dans les meilleures conditions.

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