Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 17h00
Commission d'enquête relative à l'état des lieux, la déontologie, les pratiques et les doctrines de maintien de l'ordre

Gérald Darmanin, ministre :

Les images d'interventions de la police et de la gendarmerie au cours de manifestations qui se passent mal, dans lesquelles sévissent des casseurs, sont toujours violentes. On y voit généralement des scènes confuses, où des pavés sont jetés, où des gens cassent des vitrines à coups de barre de fer, frappent des policiers à terre, s'en prennent à des journalistes. Les images sont nécessairement violentes, dès lors que l'on maintient l'ordre public face aux casseurs. Or, parfois, l'image nous empêche de penser ; c'est sans doute un problème assez répandu au sein de notre société. Il m'est arrivé, en voyant des images, de me dire que la scène avait été extrêmement violente, avant de constater, après avoir regardé le film sous plusieurs angles et lu le rapport des services de police, qu'elle l'était moins qu'elle ne le paraissait. Inversement, il arrive que l'image ne rende pas compte de la violence des événements.

Je voudrais rappeler aussi que le maintien de l'ordre est une activité dangereuse et sensible et qu'en conséquence, les manœuvres doivent être ordonnées. La manifestation se transforme parfois en champ de bataille. C'est pourquoi les chefs ont une responsabilité particulière, en ce qu'ils doivent veiller à l'usage proportionné de la force et à la bonne organisation des moyens sur le terrain. Il ne s'agit pas simplement d'intervenir parce que des méfaits sont commis : il faut le faire dans des conditions qui respectent, le plus possible, l'intégrité physique des personnes interpellées comme des membres des forces de l'ordre.

On peut se satisfaire qu'au cours des 52 000 manifestations de Gilets jaunes, qui ont parfois été très violents, les forces de l'ordre, qui ont été très sollicitées et qui ont compté au total pas moins de 2 000 blessés dans leur rang, n'aient à aucun moment fait usage de leurs armes de poing. Rappelons-nous ce policier à terre, roué de coups, qui, grâce à sa présence d'esprit et à son calme – je ne sais pas si tout le monde aurait eu la même maîtrise – a fait le choix de ne pas se saisir de son arme, de ne pas tirer en l'air, pour ne pas prendre le risque de toucher un de ses agresseurs.

Il faut accepter le fait que le commandement soit parfois un peu lent mais ordonné. En voyant certaines images, on peut s'étonner du fait que la police n'intervienne pas, mais cela permet aussi d'éviter que les choses se terminent dans le sang, notamment pour les forces de l'ordre.

Vous évoquez avec raison la question de la déconcentration des décisions. Dans le schéma du maintien de l'ordre, nous expliquons la répartition des attributions entre le préfet, qui est responsable des opérations, le commandant, qui a pour mission d'appliquer la décision préfectorale, et les chefs d'unité, qui sont sur le terrain. Les moyens technologiques, le recours à la vidéo sont mis au service des objectifs visés. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, le ministère de l'Intérieur est à votre disposition pour vous apporter des précisions sur le réseau radio du futur. Nous développons ce dispositif en prévision, notamment, des Jeux olympiques de Paris et de la Coupe du monde de rugby.

Les policiers n'auront plus seulement entre leurs mains des talkies-walkies mais auront accès à des images, à de la 3D, pour comprendre ce qui se passe sur les théâtres d'opération et intervenir. Cela leur permettra d'agir plus rapidement et laissera peut-être – vous avez raison – une marge d'appréciation aux chefs, sur le terrain. Encore faut-il avoir accès à un terminal numérique pour localiser ses collègues, ce qui n'est pas toujours évident dans la confusion. À l'heure actuelle, seule la salle de commandement dispose des images. Ce ne sera le cas demain, ce qui autorisera la déconcentration du commandement.

J'appelle toutefois votre attention sur le fait que la personne responsable de la manifestation et de l'ordre public a une vision globale de l'événement, sait où se trouvent les individus violents, connaît les rues, les impasses, les caractéristiques urbanistiques, l'existence de travaux. Elle sait qu'il ne faut pas mener de charge à tel moment, que les forces de l'ordre ne peuvent faire 100 mètres de plus, parce qu'elles se trouveraient, par exemple, prises en étau, et donc contraintes d'utiliser leurs armes. Je suis favorable à une plus grande déconcentration, grâce à un meilleur renseignement, mais cela ne peut aller jusqu'à l'autoentreprise – et ce n'est pas ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur. Il faut parfois accepter que les images donnent une vision passive de la police, en ayant à l'esprit le caractère dangereux et sensible des manœuvres de maintien de l'ordre, qui doivent être ordonnées. Samedi dernier, les images ont pu être très violentes alors que la manifestation s'est soldée par un très faible nombre de blessés, aucune voiture brûlée, aucun commerce attaqué, et beaucoup d'interpellations. Il ne fallait pas s'arrêter à l'image prise à un instant t et diffusée sur les réseaux sociaux, mais regarder le bilan.

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