Intervention de Général Jean-Marc Descoux

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Général Jean-Marc Descoux :

Etant basée dans un département français, la gendarmerie agit selon les lois et règlements en vigueur – Code de procédure pénale, Code minier – dans un environnement complexe, celui de la forêt amazonienne. Nous sommes confrontés à des délinquants de niveaux différents. L'orpailleur est généralement un Brésilien très pauvre cherchant à subsister dans la forêt amazonienne, sans aucune conscience écologique.

À la manière de la harpie qui fond sur sa proie, nos hélicoptères arrivent sur le camp et nos hommes s'en emparent. Le droit français exige cependant d'établir la preuve et de vérifier à quel titre l'individu appréhendé dans le camp s'y trouve, afin de lier ce dernier à un fait de délinquance. Dans la pratique, lorsque les hélicoptères s'approchent, cette population s'échappe dans la forêt et il est difficile de la rattraper. Nous nous concentrons donc sur la destruction du site et la saisie des moyens matériels.

Si nous parvenons à capturer certains individus, il convient d'effectuer des contrôles d'identité et de recouper les données avec nos fichiers. En plein cœur de la forêt amazonienne, il est très difficile pour les forces de gendarmerie d'accéder à ces différents moyens. C'est pour cette raison que notre volonté est de numériser la forêt afin de gagner en efficacité.

Ensuite, il convient d'établir l'infraction : l'individu a-t-il coupé un arbre, creusé un trou ou déversé du mercure dans une rivière ? Dans ce dernier cas de figure, nous devons réaliser un prélèvement de l'eau et disposer du matériel d'analyse pour établir l'infraction et engager des poursuites. Couper un arbre est passible d'une contravention, alors que l'empoisonnement constitue un délit. Compte tenu de la particularité de l'écosystème de la forêt amazonienne, nous estimons qu'il serait nécessaire d'instaurer une circonstance aggravante permanente. Ainsi, les faits de dégradation d'un environnement protégé auraient un caractère délictuel et devraient nous autoriser à faire commencer la garde à vue après être sortis de la forêt amazonienne et avoir rallié le poste de gendarmerie, comme sur le reste du territoire national. Faute de moyens judiciaires adéquats, nos actions se soldent dans le meilleur des cas par des relaxes, voire par des peines de principe. Il serait insensé de condamner à de lourdes peines de prison des familles brésiliennes paupérisées que nous arrêtons au milieu de la frontière.

Autour des orpailleurs se crée un véritable écosystème, sous la forme de villages abritant une véritable communauté : épicier, prostituée, ou encore cuisinière. Il est difficile d'engager des poursuites contre cette catégorie d'individus, sachant qu'ils peuvent déclarer avoir suivi leur conjoint et que cela ne constitue pas un motif d'emprisonnement recevable. Par conséquent, il convient de délimiter des zones protégées et interdites aux activités d'orpaillage afin d'être en mesure de procéder à des saisies, à des destructions et de réclamer des peines applicables. Il s'agirait de prononcer une sanction et, pour les étrangers en situation irrégulière, un retour effectif au pays. C'est ainsi que nous parviendrons à limiter l'activité d'orpaillage illégal.

La problématique des bandes organisées n'est pas nouvelle. En 2012, un accrochage sérieux à Dorlin avec une bande de Brésiliens avait causé la mort d'un militaire français et des blessures par balles parmi les gendarmes. Ces bandes armées attaquent des activités d'extraction minière légales ou illégales afin de s'emparer de l'or. Il ne s'agit pas de délinquants de facture ordinaire, mais de bandes brésiliennes d'une extrême violence qui n'hésite pas à aller à la confrontation avec les forces de gendarmerie.

Il y a moins d'un an, 8 gendarmes avaient été déployés afin de défendre plusieurs mines légales qui avaient été attaquées par des bandes. Lorsque ce dispositif de gendarmerie a été pris d'assaut par une bande brésilienne, plus de 70 cartouches d'arme automatique ont dû être tirées pour défendre le site. L'assaillant s'est replié dans la forêt et nous n'avons pu évaluer les dégâts causés dans les rangs adverses.

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