Intervention de Général Jean-Marc Descoux

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Général Jean-Marc Descoux :

En toute franchise, nous n'adhérons pas au modèle brésilien et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, il n'existe pas au Brésil de dispositif interministériel comparable à Harpie qui serait dédié en permanence à la lutte contre l'orpaillage illégal. Les forces de sécurité au Brésil assurent le maintien de l'ordre et la sécurité publique.

Deuxièmement, nous n'avons pas affaire à la même population, puisqu'aucune immigration guyanaise n'est à signaler au Brésil. Dans la lutte contre l'orpaillage illégal, nous devons en revanche composer avec le fait que les délinquants sont des étrangers en situation irrégulière et non des ressortissants du territoire national.

Troisièmement, nous disposons d'éléments matériels attestant de la réalité de la déforestation liée aux activités économiques illégales au Brésil. Sur la base de photos satellites, nous estimons que le territoire des Yanomani au Brésil compte 20 000 garimpeiros, soit un effectif qui représente près de trois fois celui qui se trouve dans la forêt guyanaise. Depuis 2018, une véritable ruée vers l'or a été constatée sur ce territoire dont l'armée brésilienne est désormais absente et qui a été complètement pillé.

Enfin, je mets un point d'honneur à ce que la gendarmerie fasse preuve d'humanité face aux orpailleurs illégaux, en cohérence avec les valeurs de la République, ce qui n'est pas synonyme de faiblesse pour autant. Nous sommes extrêmement déterminés, puissants, capables d'apporter une réponse de très haut niveau si la dégradation de la situation le justifie. Par principe, nous veillons cependant à conserver une approche que je qualifierai de républicaine de l'action de police, même au plus profond de la forêt amazonienne. Cela explique la motivation des gendarmes pour se porter volontaires à cette mission qui honore notre action.

Peut-être que malgré tout, notre action ne répond pas au même standard que celle des forces de sécurité brésiliennes. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous demandons des moyens numériques qui nous permettront de gagner en efficacité au cœur de la forêt. Actuellement, il reste difficile pour la gendarmerie de déterminer la nationalité brésilienne des individus que nous interpellons en forêt. Au Brésil, les forces de sécurité locales sont confrontées uniquement à des orpailleurs brésiliens. Dans un contexte singulier, nous veillons donc à ce que le garimpeiros ou le tueur que nous interpellons bénéficient des mêmes droits dans la forêt amazonienne que sur le reste du territoire national.

Concernant la contribution active de la population locale, nous avons bien compris la nécessité d'adosser notre dispositif de lutte contre l'orpaillage illégal à toutes les parties prenantes de la mission de sauvegarde de la forêt. Pour rappel, la gendarmerie est la première administration de l'État à s'être saisie de la problématique de la forêt amazonienne. Ensuite, il est apparu que cette mission nécessitait des moyens, des savoir-faire spécifiques et l'appui d'autres administrations. Le fait d'avoir des gendarmes affectés dans la forêt amazonienne avec leurs familles permet d'assurer un maillage territorial et représente aussi une manière d'obtenir du renseignement. Nous intégrons aussi de jeunes Guyanais, dont certains sont originaires de la forêt, à notre dispositif comme officiers, sous-officiers ou gendarmes volontaires. Par ailleurs, nous recherchons des réservistes opérationnels à temps partiel possédant une connaissance précieuse de l'environnement qui seront dédiés uniquement à la mission « forêt » avec nos gendarmes. Ce dispositif produit donc des résultats et contribue à renforcer la cohésion au sein de notre effectif.

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