Intervention de Gabriel Serville

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville, rapporteur :

Général, je suis surpris par un certain nombre d'éléments que vous avez soulevés dans votre réponse. Comme vous l'avez rappelé, au Brésil, les garimpeiros sont tous Brésiliens alors qu'en Guyane, 95 % des garimpeiros ont cette nationalité. Nous sommes donc confrontés au défi de faire respecter la souveraineté du territoire français. Vous avez indiqué que si la situation venait à se dégrader, vous seriez capables d'apporter une réponse de très haut niveau. Or il me semble que la situation est d'ores et déjà de nature à justifier une telle réaction de la part des autorités.

Vous avez rappelé que Manoelzihno a tué des militaires en 2012 et qu'il a été nécessaire de tirer 70 cartouches d'arme lourde pour protéger une gendarmerie d'une attaque par une bande armée.

Par ailleurs, une partie de la population est empoisonnée au méthyle mercure. Ce niveau d'empoisonnement est à mettre en parallèle avec les conséquences des essais nucléaires en Polynésie ou celles qui découlent de l'utilisation du chlordécone en Martinique, en Guadeloupe et, dans une moindre mesure, en Guyane.

Enfin, 700 millions d'or sont volés chaque année, sans parler de la criminalité qui en découle puisque ces délinquants s'entretuent, dans un contexte totalement délétère. Dans ces conditions, quand considèrerons-nous la situation comme suffisamment grave pour apporter la réponse de très haut niveau que nous attendons ?

Peut-être ne partageons-nous pas la même perception de la situation, même si je répète que mon propos ne constitue pas un déni des efforts réalisés. Toutefois, ce que nous recherchons au travers de cette commission parlementaire, c'est d'envisager comment bousculer l'ordre établi. Il ne s'agit pas, évidemment, de demander à l'État d'intervenir militairement pour éradiquer de manière brutale l'orpaillage illégal sur le territoire guyanais. Toutefois, si des hommes en situation irrégulière dans la forêt s'en prennent aux forces de l'ordre sur le territoire national, alors nous sommes peut-être en situation de guerre. Je me permets d'employer ce terme, parce que le Président avait indiqué que nous étions en guerre contre un virus qui était encore mal identifié. Lorsque des hommes sont identifiés sur le territoire national et qu'ils se permettent de telles exactions, notre vocabulaire mériterait peut-être d'évoluer en conséquence pour changer notre perception du phénomène et les mesures à mettre en place pour y répondre.

J'ai bien conscience que toute la responsabilité n'est pas entre les mains de la gendarmerie. D'autres partenaires seront d'ailleurs auditionnés et d'autres pistes de solution seront explorées. Néanmoins, il me semblerait opportun de faire évoluer notre stratégie d'intervention dans cet environnement hostile afin de mettre un terme à ce phénomène. Il ne s'agit pas de bafouer les droits de l'homme, mais de changer de braquet dans notre action durant les 2 ou 3 années à venir afin d'obtenir des résultats conformes aux espérances affichées par les différentes parties prenantes.

La planète sera en crise d'accès à l'eau douce dans quelques années. Je rappelle que la Guyane est le deuxième territoire sur la planète de par sa ressource renouvelable en eau douce par habitant. Cependant, si nous laissons les garimpeiros poursuivre leurs activités, déverser du mercure, labourer le sol et détruire la forêt, il pourrait en résulter une incapacité à valoriser la ressource en eau douce dont dispose la Guyane. D'où l'intérêt de réfléchir dès aujourd'hui à des solutions qui nous permettraient de préserver cet aspect du patrimoine national, mondial et local, afin de nous épargner des regrets de n'avoir pas réagi avec la sévérité suffisante et en temps voulu pour lutter contre l'orpaillage illégal.

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