Intervention de Gabriel Serville

Réunion du mercredi 7 avril 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville, rapporteur :

Je continue de m'interroger sur l'existence d'une réelle volonté politique de régler le problème de l'orpaillage illégal. Comment le gouvernement s'organiserait-il pour le combattre en métropole ? Je ne suis pas certain que la nation y laisserait prospérer une activité menée par des personnes en situation illégale sur le territoire national, ce qui pose la question du respect de la souveraineté nationale et de l'intégrité du territoire français.

Considère-t-on que la Guyane en fait partie en tant que département à part entière ? Ou l'assimile-t-on à une espèce de colonie où l'on peut se permettre de laisser courir certaines pratiques ?

Les Brésiliens se sont organisés pour faire reculer l'orpaillage dans leur pays. Or c'est au plus fort de cette lutte orchestrée par les militaires qu'ont déferlé des garimpeiros dans la forêt guyanaise, où ils se sentent plus en sécurité et plus à l'aise pour travailler qu'au Brésil. Les stratégies de répression adoptées par l'État français sont-elles à la hauteur des enjeux ?

Lors de son audition, Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer, a laissé entendre que le gouvernement ne comptait pas aller jusqu'au bout de sa logique de combat contre l'orpaillage illégal, celle-ci se heurtant à une limite : le respect de l'État de droit. J'avais objecté que celui-ci ne doit prévaloir que face à des individus respectant un tant soit peu la loi. L'ampleur des méfaits perpétrés sur le territoire guyanais incite à se demander s'il ne faudrait pas mener une répression plus intense. Je ne suggère pas de tirer sur des hommes qui, à ce titre, méritent que l'on respecte leur vie. Simplement, détruire l'équipement des garimpeiros qui, dès le départ des autorités, remettent en service du matériel de remplacement caché, comme si de rien n'était, ne paraît pas une tactique adéquate. Qui plus est, les hommes en mission en forêt guyanaise, régulièrement relevés, ne consacrent pas moins d'un tiers de leur temps sur place à s'adapter au terrain.

Ne vous êtes-vous jamais dit que l'État devrait mener une véritable guerre contre les garimpeiros ? Certes, le terme a de quoi effrayer. Néanmoins, il se justifie par l'ampleur des conséquences de leur action : aujourd'hui, des femmes et des hommes meurent d'un empoisonnement au méthylmercure et l'on observe chez des jeunes des comportements suicidaires liés à l'imprégnation au méthylmercure. Les garimpeiros font figure d'ennemis de l'économie guyanaise, à laquelle l'extraction légale de l'or pourrait à terme profiter. Nous sommes en train d'hypothéquer les chances de développement de notre territoire.

Face à un ennemi, il faut déployer les moyens quantitatifs et qualitatifs de mener une guerre, comme la France s'en est montrée capable sur des théâtres d'opérations extérieurs, en Afrique subsaharienne ou au Sahel. Je n'admets pas que l'on se contente, sur le territoire national, de juguler un tel fléau, plutôt que de chercher à l'éradiquer une bonne fois pour toutes.

Une filière chinoise passant par le Suriname fournit les orpailleurs en matériel, des Chinois fortunés ayant choisi de placer leur richesse dans l'or comme valeur refuge.

Je suis conscient qu'en tant que directeur de recherche et non membre du gouvernement vous trouverez peut-être malaisé de me répondre. Néanmoins, j'aurais souhaité connaître vos impressions à l'issue de vos enquêtes sur le terrain, où vous avez vu opérer les forces armées.

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