Le Parc amazonien occupe une petite partie des forces Harpie. Nous saluons l'action forte de nos partenaires gendarmes et militaires, ainsi que de nos collègues de l'ONF. Nous devons néanmoins nous donner les moyens de mesurer les résultats de cette action. Des priorités stratégiques doivent être affichées.
Une réunion interministérielle du 14 février 2020 avait conclu que nous devions conserver un objectif de réduction de l'orpaillage illégal sur l'ensemble du territoire de la Guyane, mais que nous devions aussi fixer des priorités locales. Ce point est très important, car il nous donne des arguments pour discuter avec les populations. Des priorités locales doivent être fixées en cœur de parc, mais aussi dans les bassins de vie. Nous devons être en phase avec les populations locales pour lutter efficacement contre l'orpaillage illégal. La population est potentiellement une source de renseignements. La question du pilotage stratégique nous semble importante. Nous avons soumis des propositions sur des zones prioritaires pour les bassins de vie de Maripa-Soula, Papaïchton, la rivière Camopi et son bassin versant. Nous enregistrons des résultats satisfaisants dans un rayon de 20 km autour de Saül, permettant le développement d'une activité écotouristique.
Pour un meilleur pilotage de la stratégie, il faudrait renforcer la mise en œuvre de l'EMOPI (État-major contre l'Orpaillage et la Pêche Illicite). Cet État-major assure aujourd'hui des missions de conseil et d'évaluation. Il pilote notamment l'observatoire de l'activité minière. De notre point de vue, il pourrait davantage piloter la stratégie d'éradication. L'objectif d'éradication a été atteint autour du bourg de Saül. Nous pensons donc que cet objectif est réalisable à des échelles très locales.
L'éradication à moyen terme sur l'ensemble de la Guyane sera en revanche difficile à atteindre. Nous proposons donc de remettre en place un suivi de l'orpaillage à l'échelon local et à l'échelon national. La baisse significative du nombre de chantiers actifs entre 2010 et 2012 s'était expliquée par un pilotage national élyséen. La volonté politique d'atteindre des résultats était extrêmement forte. Tous les six mois, un rendez-vous était pris avec l'ensemble des partenaires. Il nous semble nécessaire de remettre en place un tel suivi en le complétant par un pilotage assuré par l'EMOPI.
Le suivi, la coordination de l'ensemble des moyens et la mesure de résultats sont importants. Nous publions a minima deux fois par an, à la demande des membres du conseil d'administration du Parc, les résultats observés sur le territoire. Ces résultats ne sont pas toujours satisfaisants, mais il est important de les connaître. Les chiffres sont territorialisés. Aussi, nous savons comment évolue la pression de l'orpaillage.
Selon nous, il convient de renforcer les moyens humains et matériels. Quand nous proposons d'agir simultanément à plusieurs endroits, il nous est souvent indiqué que ce n'est pas possible, car les équipes sont mobilisées ailleurs. Nous déplaçons donc les sujets au lieu d'appliquer une pression complémentaire.
Nous proposons également que des forces opérationnelles Harpie soient en place plus longtemps. Les équipes de gendarmes mobiles changent tous les trois mois. Les équipes de militaires restent également sur de courtes durées puis changent de territoire. Des cadres militaires ou gendarmes restent en revanche plusieurs années ; il serait pertinent d'augmenter cette population d'experts de la lutte contre l'orpaillage illégal.
Nous suggérons par ailleurs de faire de l'observatoire de l'activité minière un outil plus efficace au service de l'analyse stratégique.
Enfin, nous sommes en attente de réponses judiciaires plus sévères. Nous souhaitons que la coopération judiciaire se développe avec les pays voisins. D'une manière générale, la dimension diplomatique de la lutte contre l'orpaillage illégal est stratégique. Des avances semblent se concrétiser avec le Suriname depuis l'arrivée au pouvoir d'un nouveau gouvernement. La coopération est en revanche en panne avec le Brésil. Or, si nous pouvions supprimer les bases arrière situées au Brésil ou au Suriname, nos résultats seraient meilleurs sur le territoire français.
Enfin, nous devons travailler sur le long terme. À l'instar du travail réalisé sur les bois tropicaux, la traçabilité de l'or permettrait de mettre en place un commerce international de l'or plus vertueux. La certification de l'origine de l'or et l'absence de mercure dans son processus de production sont technologiquement possibles. S'il était obligatoire de justifier de l'origine vertueuse de l'or, le cours de l'or « propre » serait élevé. Les banques comptent sur la valeur refuge de l'or et elles y trouveraient donc leur intérêt. Une telle traçabilité permettrait par ailleurs de dévaloriser l'or « sale ». L'activité illégale d'orpaillage serait découragée. Cette piste nécessite un travail d'une vingtaine d'années, mais des initiatives ont déjà été lancées par des ONG.