Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h30
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Il y a une quinzaine de jours à peine, nous avons entendu le dernier cri d'alarme d'une forêt qui se meurt. Par la faute des hommes, l'Amazonie brésilienne émet davantage de carbone qu'elle n'en séquestre. Un cri d'alarme est poussé, car cette forêt millénaire à l'agonie est un véritable coffre-fort qui recèle une biodiversité inouïe. C'est un trésor culturel pour des millions de femmes et d'hommes. C'est un morceau de nous-mêmes.

La France a la chance inouïe d'avoir, sur son sol, un pan significatif de la forêt amazonienne. C'est une chance, mais c'est aussi un devoir, celui de tout faire pour le protéger et de ne renoncer à rien pour préserver ce patrimoine commun de l'humanité. Aussi vais-je le redire clairement devant vous : face aux orpailleurs illégaux, pas de cadeau ! Nous n'en avons plus le temps. Nous savons combien cette pratique aberrante de l'orpaillage illégal saccage la forêt, ravage les écosystèmes, souille la terre et détériore la santé des habitants exposés au poison du mercure. Chaque année, pour tirer 10 tonnes d'or de la forêt, 500 hectares sont détruits.

Je veux rendre hommage aux femmes et aux hommes qui se battent sur le terrain, chaque jour et chaque minute, pour mettre un terme à ce fléau : la force Harpie, qui mène une lutte acharnée depuis 2008, les gendarmes, les services des douanes, la police aux frontières, ainsi que les agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), de l'Office national des forêts (ONF) et du parc amazonien de Guyane (PAG). Ces femmes et ces hommes effectuent un travail remarquable au quotidien – et douloureusement, au prix de la vie de nombreux militaires français. Malheureusement, neuf militaires sont décédés depuis 2010. Leur engagement nous oblige. Il nous oblige à déployer tous les moyens légaux de mener à bien cette bataille pour la forêt, pour la biodiversité et pour les gens qui y vivent. Il nous oblige à faire peser la pression maximale sur les orpailleurs illégaux.

C'est ce que nous faisons, depuis le premier jour du quinquennat. En 2018, nous avons déployé le dispositif Harpie 2 pour renforcer cette pression et donner aux forces engagées les moyens adaptés à leur lutte. Plus de 500 agents sont ainsi mobilisés chaque jour dans la lutte contre l'orpaillage illégal, et 70 millions d'euros sont consacrés chaque année à l'opération Harpie. Ainsi que je l'ai indiqué lors de l'examen du projet de loi « climat et résilience », je mobiliserai les financements nécessaires pour augmenter de 50 % les interventions par hélicoptère en 2021 et 2022, car c'est le moyen le plus efficace pour repérer, traquer et appréhender les orpailleurs illégaux. Nous avons également déployé en Guyane un détachement de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP).

Dans cette lutte, la France n'est pas seule. Elle peut compter sur ses amis, qui ont également la forêt en partage. Je me réjouis de l'accord de coopération signé avec le Suriname, il y a deux mois, pour coordonner nos efforts dans la lutte contre ce fléau. Malgré la complexité de la lutte dans un territoire aussi vaste que celui de la Guyane et recouvert à 95 % d'une forêt dense et difficile d'accès, ce dispositif a démontré son efficacité. Ainsi, entre 2018 et 2020, plus de 3 000 patrouilles ont été effectuées, plus de 1 700 chantiers ont été détruits et plus de 380 kilos de mercure et 28 kilos d'or ont été saisis.

Certes, le nombre global de chantiers alluvionnaires actifs – 315 sites – demeure trop élevé, en particulier dans le PAG qui accueille une diversité biologique exceptionnelle. Mais l'évolution globale du nombre de sites reste contenue, malgré une augmentation de plus de 50 % du cours de l'or depuis 2015, ce qui ne facilite pas la tâche.

Pour améliorer nos outils de lutte contre l'orpaillage illégal, il nous a aussi fallu examiner avec lucidité les faiblesses de notre droit, avant de le transformer. Ainsi, j'ai défendu la réforme du code minier dont notre pays avait tant besoin et qui était devenue un vieux serpent de mer dont on ne voyait jamais le bout. Nous avons doté la France d'un nouveau cadre réglementaire, adapté à notre époque et à ses défis si singuliers. Nous nous donnons les moyens de tirer parti des ressources de la terre dont nous avons besoin, tout en protégeant notre planète. Cette ambition est inscrite dans le marbre du projet de loi « climat et résilience », que vous avez voté en première lecture et que la majorité a même renforcé en adoptant de nombreux amendements – je pense notamment aux amendements déposés par les parlementaires guyanais, notamment par le président et le rapporteur de votre commission d'enquête, qui permettent une amélioration de la réponse pénale.

Nous avons besoin d'un droit taillé sur mesure afin de mener ce combat pour la forêt guyanaise, pour les Amérindiens qui y vivent et pour la santé de tous les habitants de la Guyane. C'est chose faite, avec le renforcement des sanctions. Les orpailleurs illégaux pourront dorénavant être punis de cinq ans d'emprisonnement au lieu de deux ans auparavant, et de 100 000 euros d'amende au lieu de 30 000 auparavant. En outre, s'ils sont étrangers, ils pourront être interdits d'accès au territoire. Dans les cas les plus graves, notamment en cas d'atteinte à l'environnement, les sanctions pourront être portées à dix ans de prison et 4,5 millions d'euros d'amende.

Renforcer notre droit, c'est aussi adapter les conditions de la lutte aux spécificités du terrain. Hier, lorsqu'un orpailleur était placé en garde à vue, celle-ci débutait le plus souvent au milieu de la forêt, sans prise en compte du temps de transfert vers la gendarmerie. Aujourd'hui, la loi prévoit la possibilité de reporter le point de départ de la garde à vue de vingt heures, pour donner aux membres des forces de sécurité le temps dont ils ont besoin pour mener à bien leur mission.

Renforcer notre droit pour lutter contre ce fléau, c'est encore investir les agents de l'OFB et de l'ONF de pouvoirs de police judiciaire afin qu'ils puissent constater les infractions dans l'ensemble du territoire guyanais.

Ces avancées décisives que vous avez inscrites au cœur de la loi sont autant de victoires face à l'orpaillage illégal, autant d'hectares de forêt préservés et autant de mercure en moins dans l'environnement.

Ce combat contre l'orpaillage, cette pratique qui abîme l'environnement, est une cause personnelle pour l'écologiste que je suis. Vous savez que c'est un sujet dans lequel je suis investie depuis longtemps. Vous pouvez compter sur moi pour continuer le travail, pour aller encore plus loin et pour tout mettre sur la table. J'espère que nous pourrons prochainement affecter les produits de la cession de l'or saisi à la lutte contre l'orpaillage, car chaque once d'or arrachée à la forêt ne peut avoir qu'un seul but : la protéger.

Vous le voyez, ma ligne est très claire : protéger l'Amazonie, lutter contre l'orpaillage illégal qui empoisonne, souille et saccage la forêt, la terre et les hommes. Je sais, pour avoir travaillé avec vous, que nous partageons le même sens de l'urgence et la même résolution. Je vous remercie pour votre invitation à témoigner devant cette commission et je me tiens à votre disposition pour répondre à vos questions.

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