Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h30
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Barbara Pompili, ministre :

Merci pour vos encouragements. Je ne suis pas compétente pour vous répondre s'agissant de la vétusté du matériel : comme vous l'avez dit vous-même, ce sujet concerne le ministère des armées, vers lequel je vous renvoie. Pour ma part, je paie des hélicoptères civils supplémentaires avec le budget de mon ministère pour aider la force Harpie dans sa lutte contre l'orpaillage illégal.

S'agissant de l'élévation du cours de l'or et des différents moyens de faire passer la frontière à ce métal précieux, vous soulevez un sujet important. Le cours de l'or a augmenté de plus de 50 % depuis 2015. Associée au prix bas du pétrole, cette hausse améliore la rentabilité de l'extraction. En effet, les coûts de fonctionnement sont réduits, l'ouverture de nouveaux chantiers est de facto encouragée et les orpailleurs développent une forme de résilience face à l'asphyxie financière de la lutte contre l'orpaillage illégal. En outre, les bénéfices des activités économiques et commerciales liées à l'orpaillage, en l'occurrence l'approvisionnement, la logistique et les services, augmentent : s'engager dans les activités périphériques de l'orpaillage clandestin présente donc un intérêt accru. Les gisements les plus pauvres et éloignés peuvent être exploités, parce qu'ils sont désormais rentables. Les chantiers n'ont plus à se regrouper pour faire des économies d'échelle : la répression est donc plus difficile. Qui plus est, la hausse du cours de l'or a un impact négatif pour les populations locales. Puisque les commerçants locaux acceptent d'être payés en or, la hausse du cours de l'or et du pouvoir d'achat des orpailleurs entraîne une inflation des prix pour les populations locales non orpailleuses. Les populations locales se trouvent ainsi poussées à s'investir dans l'orpaillage clandestin.

Ce contexte est à mettre en regard des actions menées pour lutter contre cet orpaillage et des résultats que nous obtenons. Le nombre de sites est encore beaucoup trop élevé, mais il reste stable alors même que le cours de l'or a augmenté. La situation n'est plus la même. Bien qu'il existe une incitation forte à faire de l'orpaillage illégal, nous avons réussi à contenir la hausse de cette activité. Ce n'est en rien de l'autosatisfaction, d'autant que nous sommes encore loin du compte. Mais force est de constater que les résultats sont là.

Vous me demandez quelles propositions je peux formuler pour améliorer encore la lutte contre l'orpaillage illégal. Je crois beaucoup à la coopération transfrontalière, à laquelle nous œuvrons tous de longue date.

Je suis très satisfaite de la signature, le 15 mars dernier, d'un accord bilatéral avec le Suriname délimitant la frontière entre nos deux pays sur tout le linéaire habité. Il s'agit d'une avancée diplomatique majeure. Nous avons aussi signé une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et une déclaration conjointe pour la gestion commune du fleuve transfrontalier permettant de développer la coopération avec le Suriname dans le domaine de la sécurité et la lutte contre les trafics, particulièrement contre l'orpaillage illégal. Ces progrès dans le domaine diplomatique ont déjà permis des avancées importantes. Depuis novembre 2020, la France apporte le concours de ses moyens aux missions surinamaises visant à faire cesser l'activité des barges fluviales sur le Maroni. L'activité est réduite, mais l'effort est maintenu pour obtenir le démantèlement des équipements. Une coopération policière se développe aussi dans le cadre d'un accord plus ancien de 2006, notamment en matière d'échanges de renseignements et d'actions communes destinées à contrôler les flux transfrontaliers.

Nous travaillons également au renforcement de la coopération militaire et policière avec le Brésil. La crise sanitaire a permis d'identifier quelques points d'amélioration de la coopération transfrontalière sur l'Oyapock, mais les accords existants rendent déjà possible une certaine coopération entre les services. Les forces armées brésiliennes et françaises se coordonnent périodiquement pour conduire des opérations synchrones de part et d'autre de la frontière, à l'exemple de l'opération Horus menée en février 2021 à l'initiative du Brésil. Les forces de police développent les échanges pour améliorer le partage de renseignements et la compréhension mutuelle des enjeux liés à l'orpaillage illégal, tels qu'ils sont perçus au Brésil et en France.

Une grande partie de la solution réside dans cette coopération transfrontalière. Quiconque s'est déjà rendu en Guyane a pu constater que la porosité des frontières permet aux orpailleurs de s'approvisionner très facilement dans les pays voisins. Il faut réussir à endiguer et à éradiquer ce phénomène. Nous devons donc poursuivre ce travail avec le Brésil. Avec le Suriname, nous avons obtenu une avancée majeure qu'il faut faire vivre dans le temps – c'est tout l'enjeu des mois et des années à venir. Telle est la piste principale d'amélioration que j'identifie, en dehors de celles qui ont certainement déjà été évoquées lors de vos auditions.

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