Intervention de Gabriel Serville

Réunion du mardi 25 mai 2021 à 18h30
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville, rapporteur :

L'État a déjà investi beaucoup d'argent dans la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane. Pour autant, je rappelle que le président Chirac avait déclaré en 2005, à l'occasion de la conférence de Paris sur la biodiversité, que cette activité serait définitivement éradiquée dans le parc amazonien. Je veux prendre cette déclaration comme base de ma réflexion. Les acteurs du PAG nous ont indiqué qu'en 2017 et 2018, 177 et 148 sites d'orpaillage illégal étaient recensés au cœur du parc, soit un tiers des sites illégaux.

Cette situation nuit à la crédibilité du parc amazonien, dont je rappelle qu'il couvre une superficie de 3,4 millions d'hectares, sur les 5,5 millions d'hectares que représentent l'ensemble des parcs nationaux de France hexagonale et d'outre-mer. Alors qu'il représente environ 70 % de la superficie globale des parcs nationaux de France, ses personnels ne correspondent qu'à 10 % de l'effectif global. Il y a donc une profonde disparité entre la superficie à protéger en temps normal, qui est en outre souillée et détruite par l'orpaillage illégal, et les moyens alloués.

Face à ces constats, la stratégie menée jusqu'à maintenant est-elle la bonne ? Certes, un investissement annuel de 70 millions d'euros semble très élevé. Mais la question est de savoir si la stratégie définie par l'état-major de lutte contre l'orpaillage illégal est adaptée à l'action contre cette organisation mafieuse – il faut appeler un chat un chat, nous combattons une véritable organisation mafieuse, avec des garimpeiros qui se comportent parfois comme des guerriers. Il m'est déjà arrivé d'employer le terme de « guerre » pour évoquer ce qu'on aurait dû mettre en place pour éradiquer le phénomène. Je sais que ce vocabulaire n'est pas toujours très apprécié, mais certains garimpeiros n'ont pas hésité à ouvrir le feu sur les gendarmes chargés de la lutte contre ce phénomène, et des gangs armés très violents viennent sur le territoire pour piller l'or recueilli par les garimpeiros – sans compter qu'ils déversent des tonnes de mercure dans les eaux des rivières et empoisonnent les populations locales. Des comportements suicidaires ont été détectés chez les jeunes Amérindiens, dont les psychiatres considèrent qu'ils peuvent être liés à l'absorption de méthylmercure. On a aussi parlé de la destruction de la forêt, véritable crime d'écocide. Alors que la France entend affirmer au monde qu'elle est capable de préserver sa part d'Amazonie, contrairement au Brésil, ne faudrait-il pas, à défaut de déclarer la guerre aux garimpeiros, revoir la stratégie déclinée par l'état-major afin de renforcer son efficacité ?

L'article 5 de la Constitution dispose que le Président de la République est le garant de l'intégrité du territoire national. On pourrait valablement se demander ce qu'il devrait faire pour que cette obligation constitutionnelle soit respectée et suivie d'effet.

Au vu des moyens importants mobilisés pour la lutte contre l'orpaillage illégal, nous devrons rendre compte aux contribuables français et leur expliquer pourquoi nous avons échoué dans cette entreprise. Même si la doctrine consiste à limiter la casse, c'est-à-dire à limiter les effets de l'orpaillage illégal plutôt que d'éradiquer définitivement cette pratique, je ne suis pas certain que les contribuables seraient ravis d'apprendre que, chaque année, autant d'argent est, non pas jeté par les fenêtres, mais consacré à des actions dont le résultat n'est pas à la hauteur des espérances. Madame la ministre, je sais bien qu'il n'y a pas de solution miracle et qu'il ne suffira pas de claquer des doigts, mais ne devrions-nous pas nous interroger sur la pertinence de la stratégie menée jusqu'à présent et trouver, à moyens constants, un cheminement différent pour aboutir aux résultats que nous escomptons ?

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