Intervention de Fernand Gontier

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 16h30
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Fernand Gontier, directeur central de la police aux frontières (DCPAF) :

Il m'a paru intéressant que M. Laurent Astruc, chef d'état-major adjoint de la DCPAF et ancien directeur de la PAF en Guyane, intervienne également lors de cette audition.

La PAF, principal corps de gardes-frontières en France, emploie un peu plus de 12 000 agents. Deux territoires outre-mer nous occupent particulièrement en raison de leurs particularités : Mayotte et la Guyane. La PAF a pour principale mission de contrôler le flux des personnes qui entrent sur notre territoire, en jugeant de la conformité de leur entrée et de leur séjour avec notre législation.

En Guyane, 300 agents de la PAF contrôlent les frontières, longues de 1 260 kilomètres, avec le Suriname et Brésil. Essentiellement fluviales, ces frontières sont d'autant plus poreuses qu'il n'existe pas de point de passage naturel d'un pays à l'autre, en dehors d'un pont à Saint-Georges de l'Oyapock. À l'intérieur du territoire guyanais, la PAF lutte contre les filières d'immigration irrégulière, interpelle les étrangers en situation irrégulière, les place en rétention et les reconduit à leur pays d'origine.

Les flux migratoires en Guyane se caractérisent depuis de nombreuses années par leur extrême densité. La PAF procède à un nombre d'interpellations annuel allant de 10 000 à 15 000. En 2020, nous avons refusé l'entrée sur le territoire guyanais à 7 000 étrangers et y avons dénombré 2 500 étrangers en situation irrégulière.

La PAF a surtout affaire à des ressortissants des deux pays voisins du département. Depuis plusieurs années, la proportion des Haïtiens parmi les clandestins augmente toutefois. Transitant par le Brésil, ils viennent en Guyane demander l'asile. Mentionnons également les Dominicains et les Vénézuéliens et, récemment, quelques Syriens, dont la présence nous a, dans les premiers temps, beaucoup inquiétés. Le fait qu'ils viennent d'un territoire en guerre comporte en effet des risques liés à la sécurité intérieure.

L'étendue du territoire guyanais et les difficultés à en surveiller la frontière présentent un défi à la PAF, pourtant implantée au plus près de cette frontière, à Saint-Laurent-du-Maroni et Saint-Georges-de-l'Oyapock.

Je crois possible d'établir un lien direct entre l'orpaillage clandestin et l'immigration irrégulière, puisque 95 % de l'or extrait illégalement de Guyane est exploité par des Brésiliens. Nous dénombrons environ 8 000 garimpeiros actifs sur le territoire du département.

La PAF concourt directement à la lutte contre l'orpaillage clandestin. Revenons sur l'évolution des opérations Anaconda puis Harpie. Assez autonomes sur les sites miniers, voici plus d'une dizaine d'années, ces opérations de prévention et de lutte apparaissent davantage coordonnées depuis 2014 et surtout 2018. La PAF n'intervient désormais plus seule mais avec les Forces armées de Guyane (FAG), la gendarmerie nationale, les agents du parc amazonien et toutes les administrations qui protègent le territoire.

La PAF se transporte sur les sites miniers pour viser directement, par des interpellations, ceux qui détruisent le paysage du parc guyanais. D'autres approches mettent l'accent sur la destruction du matériel ou la protection du patrimoine forestier, mais l'objectif de la PAF reste avant tout d'éloigner les clandestins. En vérité, des opérations ne portant que sur les outils, les moyens de transport ou la matière première, et de fait incomplètes, ne suffisent pas à lutter contre l'orpaillage illégal. Seule y parvient une action cumulative à l'encontre des filières d'immigration clandestine sur lesquelles repose cette activité minière. Il me semble impératif, pour cette raison, de donner une suite, judiciaire ou administrative peu importe, aux interpellations des garimpeiros, délinquants en situation irrégulière.

En une dizaine d'années, nous avons éloigné 1 529 orpailleurs par voie administrative et 287 dans un cadre judiciaire. La PAF n'assume donc pas une part insignifiante dans ce combat. Il nous est toutefois difficile d'éloigner les étrangers en situation irrégulière à la distance qui nous paraît souhaitable. L'approche du territoire guyanais, qu'on ne saurait comparer à aucun autre en France, reste éminemment complexe.

D'abord, la PAF doit anticiper son approche des sites miniers et neutraliser les guetteurs avant d'interpeller tous ceux qui y travaillent. Le recours à des moyens héliportés notamment nous évite de nous laisser repérer à l'avance.

Ramener des orpailleurs clandestins du Brésil ou du Suriname à la frontière avec leur pays suffit-il, ou faudrait-il les repousser plus loin encore de la Guyane ?

Nombre de nos difficultés viennent des moyens à notre disposition pour nous déplacer en Guyane et transporter les personnes que nous interpellons. La progression dans la forêt par voie terrestre s'avère malaisée. Nous disposons pour l'heure de 4 pirogues, mais il me paraît impératif que la PAF se dote de moyens de transport aériens et fluviaux, aussi bien individuels que collectifs, adaptés à la lutte contre des orpailleurs rétifs et de plus en plus aguerris à la violence. L'armée joue, par sa présence, un rôle fondamental pour assurer notre protection.

La PAF compte aujourd'hui 50 policiers formés par l'armée à intervenir en pleine forêt amazonienne.

Les sites d'orpaillage illégal recensés, dont le nombre dépasse les 500, détruisent des milieux forestiers et polluent des écosystèmes. La PAF participe chaque année à une trentaine de missions de lutte contre ce fléau écologique. Depuis le 1er janvier dernier, nous en avons déjà conduit 28. Chacune débouche sur des interpellations. Nous ne cherchons pas à effaroucher les orpailleurs clandestins, mais à les identifier, puis les éloigner. Une fois réunis les éléments caractérisant leur infraction, nous les présentons aux autorités judiciaires, en récupérant au passage leur matériel.

La PAF apporte une plus-value de taille aux différents dispositifs de lutte. Nous aurions tort de ne pas traiter les orpailleurs clandestins comme des étrangers en situation irrégulière, qu'il faut reconduire à la frontière.

Si vous le souhaitez, nous formulerons ensuite des propositions d'amélioration de la lutte, aussi bien sur le plan opérationnel ou juridique qu'au titre de la coopération policière avec les États voisins.

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