Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Réunion du mercredi 2 juin 2021 à 16h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION D'ENQUÊTE SUR LA LUTTE CONTRE L'ORPAILLAGE ILLÉGAL EN GUYANE

Mercredi 2 juin 2021

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de M. Lénaïck Adam, président de la commission d'enquête)

La commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane procède à l'audition de M. Fernand Gontier, directeur central de la police aux frontières (DCPAF) au Ministère de l'Intérieur et du commissaire divisionnaire Laurent Astruc, chef d'état-major adjoint de la DCPAF.

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Monsieur Gontier, nous comptons sur votre expertise pour nous indiquer les pistes d'amélioration du dispositif de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane, afin de combattre plus efficacement ce fléau qui menace aussi bien la biodiversité de notre territoire que sa population.

L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(MM. Fernand Gontier et Laurent Astruc prêtent serment.)

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Fernand Gontier, directeur central de la police aux frontières (DCPAF)

Il m'a paru intéressant que M. Laurent Astruc, chef d'état-major adjoint de la DCPAF et ancien directeur de la PAF en Guyane, intervienne également lors de cette audition.

La PAF, principal corps de gardes-frontières en France, emploie un peu plus de 12 000 agents. Deux territoires outre-mer nous occupent particulièrement en raison de leurs particularités : Mayotte et la Guyane. La PAF a pour principale mission de contrôler le flux des personnes qui entrent sur notre territoire, en jugeant de la conformité de leur entrée et de leur séjour avec notre législation.

En Guyane, 300 agents de la PAF contrôlent les frontières, longues de 1 260 kilomètres, avec le Suriname et Brésil. Essentiellement fluviales, ces frontières sont d'autant plus poreuses qu'il n'existe pas de point de passage naturel d'un pays à l'autre, en dehors d'un pont à Saint-Georges de l'Oyapock. À l'intérieur du territoire guyanais, la PAF lutte contre les filières d'immigration irrégulière, interpelle les étrangers en situation irrégulière, les place en rétention et les reconduit à leur pays d'origine.

Les flux migratoires en Guyane se caractérisent depuis de nombreuses années par leur extrême densité. La PAF procède à un nombre d'interpellations annuel allant de 10 000 à 15 000. En 2020, nous avons refusé l'entrée sur le territoire guyanais à 7 000 étrangers et y avons dénombré 2 500 étrangers en situation irrégulière.

La PAF a surtout affaire à des ressortissants des deux pays voisins du département. Depuis plusieurs années, la proportion des Haïtiens parmi les clandestins augmente toutefois. Transitant par le Brésil, ils viennent en Guyane demander l'asile. Mentionnons également les Dominicains et les Vénézuéliens et, récemment, quelques Syriens, dont la présence nous a, dans les premiers temps, beaucoup inquiétés. Le fait qu'ils viennent d'un territoire en guerre comporte en effet des risques liés à la sécurité intérieure.

L'étendue du territoire guyanais et les difficultés à en surveiller la frontière présentent un défi à la PAF, pourtant implantée au plus près de cette frontière, à Saint-Laurent-du-Maroni et Saint-Georges-de-l'Oyapock.

Je crois possible d'établir un lien direct entre l'orpaillage clandestin et l'immigration irrégulière, puisque 95 % de l'or extrait illégalement de Guyane est exploité par des Brésiliens. Nous dénombrons environ 8 000 garimpeiros actifs sur le territoire du département.

La PAF concourt directement à la lutte contre l'orpaillage clandestin. Revenons sur l'évolution des opérations Anaconda puis Harpie. Assez autonomes sur les sites miniers, voici plus d'une dizaine d'années, ces opérations de prévention et de lutte apparaissent davantage coordonnées depuis 2014 et surtout 2018. La PAF n'intervient désormais plus seule mais avec les Forces armées de Guyane (FAG), la gendarmerie nationale, les agents du parc amazonien et toutes les administrations qui protègent le territoire.

La PAF se transporte sur les sites miniers pour viser directement, par des interpellations, ceux qui détruisent le paysage du parc guyanais. D'autres approches mettent l'accent sur la destruction du matériel ou la protection du patrimoine forestier, mais l'objectif de la PAF reste avant tout d'éloigner les clandestins. En vérité, des opérations ne portant que sur les outils, les moyens de transport ou la matière première, et de fait incomplètes, ne suffisent pas à lutter contre l'orpaillage illégal. Seule y parvient une action cumulative à l'encontre des filières d'immigration clandestine sur lesquelles repose cette activité minière. Il me semble impératif, pour cette raison, de donner une suite, judiciaire ou administrative peu importe, aux interpellations des garimpeiros, délinquants en situation irrégulière.

En une dizaine d'années, nous avons éloigné 1 529 orpailleurs par voie administrative et 287 dans un cadre judiciaire. La PAF n'assume donc pas une part insignifiante dans ce combat. Il nous est toutefois difficile d'éloigner les étrangers en situation irrégulière à la distance qui nous paraît souhaitable. L'approche du territoire guyanais, qu'on ne saurait comparer à aucun autre en France, reste éminemment complexe.

D'abord, la PAF doit anticiper son approche des sites miniers et neutraliser les guetteurs avant d'interpeller tous ceux qui y travaillent. Le recours à des moyens héliportés notamment nous évite de nous laisser repérer à l'avance.

Ramener des orpailleurs clandestins du Brésil ou du Suriname à la frontière avec leur pays suffit-il, ou faudrait-il les repousser plus loin encore de la Guyane ?

Nombre de nos difficultés viennent des moyens à notre disposition pour nous déplacer en Guyane et transporter les personnes que nous interpellons. La progression dans la forêt par voie terrestre s'avère malaisée. Nous disposons pour l'heure de 4 pirogues, mais il me paraît impératif que la PAF se dote de moyens de transport aériens et fluviaux, aussi bien individuels que collectifs, adaptés à la lutte contre des orpailleurs rétifs et de plus en plus aguerris à la violence. L'armée joue, par sa présence, un rôle fondamental pour assurer notre protection.

La PAF compte aujourd'hui 50 policiers formés par l'armée à intervenir en pleine forêt amazonienne.

Les sites d'orpaillage illégal recensés, dont le nombre dépasse les 500, détruisent des milieux forestiers et polluent des écosystèmes. La PAF participe chaque année à une trentaine de missions de lutte contre ce fléau écologique. Depuis le 1er janvier dernier, nous en avons déjà conduit 28. Chacune débouche sur des interpellations. Nous ne cherchons pas à effaroucher les orpailleurs clandestins, mais à les identifier, puis les éloigner. Une fois réunis les éléments caractérisant leur infraction, nous les présentons aux autorités judiciaires, en récupérant au passage leur matériel.

La PAF apporte une plus-value de taille aux différents dispositifs de lutte. Nous aurions tort de ne pas traiter les orpailleurs clandestins comme des étrangers en situation irrégulière, qu'il faut reconduire à la frontière.

Si vous le souhaitez, nous formulerons ensuite des propositions d'amélioration de la lutte, aussi bien sur le plan opérationnel ou juridique qu'au titre de la coopération policière avec les États voisins.

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Estimez-vous suffisants les moyens humains sur le terrain et les outils législatifs à votre disposition, au regard de la situation très particulière de la Guyane ?

Vous avez évoqué de nouveaux flux migratoires provenant d'Haïti, ainsi que l'arrivée inopinée de Syriens, dont beaucoup rejoignent les États-Unis via l'Amérique du Sud, sans oublier les Vénézuéliens. L'Amérique du Sud est le continent qui compte le plus de déplacés au monde. La Guyane serait-elle en passe de devenir, si ce n'est un Eldorado, une zone sûre pour les migrants en transit, ce qui compliquerait votre travail ? Pensez-vous que la situation s'aggravera de ce point de vue ou qu'à l'inverse, à présent stabilisée, elle ne durera pas ?

Jugez-vous perfectible votre collaboration avec la gendarmerie et les douanes ? Auquel cas, selon quels axes l'améliorer ?

Vous avez évoqué la protection du patrimoine forestier, bien qu'elle ne relève pas directement de la mission de la PAF. Vous n'interpellez que des individus, sans vous attaquer à leur matériel. L'impact de la pollution au mercure me tient à cœur. La convention de Minamata me paraît insuffisamment appliquée. Intervenez-vous dans la lutte contre le trafic de mercure ? L'orpaillage légal a d'ailleurs également recours à ce métal. À défaut d'empêcher l'extraction de l'or, nous pourrions au moins la rendre plus propre.

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Fernand Gontier, directeur central de la police aux frontières (DCPAF)

Les moyens humains pèsent d'un poids fondamental dans la lutte. Nous souhaiterions une augmentation de l'effectif présent à Saint-Georges-de-l'Oyapock et à Saint-Laurent-du-Maroni, qui ne nous semble pas à la hauteur des enjeux. Cet effectif a diminué depuis quelques années, pour la simple raison que les policiers ne souhaitent pas s'installer dans ces zones. Il faudrait remédier à ce défaut d'attractivité pour que plus de volontaires viennent en Guyane. Les agents de la PAF doivent se loger sur place avec leur famille. Leurs conjoints ont besoin de trouver un travail.

Nous devrions en outre exercer sur ces secteurs une surveillance continue, y compris la nuit, ce que ne nous permet pas notre effectif actuel.

L'affectation des agents en Guyane devrait tenir compte de leur profil pour s'assurer qu'ils s'adapteront aux spécificités de ce territoire, à nul autre pareil en France. Une partie de nos effectifs manque de préparation aux conditions de travail et de vie qui les attendent dans le département.

Le dispositif de lutte contre l'orpaillage illégal devrait, selon moi, davantage mettre l'accent sur la surveillance de la frontière, pour l'heure insuffisante.

La lutte contre la forte criminalité présente en Guyane requiert un droit positif adapté aux enjeux d'une violence sans pareille sur le territoire national et liée à l'orpaillage. La création d'un crime d'écocide relève à mon sens d'une bonne idée. De même, l'existence d'un délit aggravé, facile à constater et à caractériser par des éléments matériels, moraux et juridiques, simplifierait le travail de la police et de la gendarmerie. Un tel délit permettrait d'interpeller tous ceux qui contribuent directement ou indirectement à l'orpaillage illégal, comme les guetteurs, ou ceux qui fournissent du matériel ou des produits aux mineurs.

S'attaquer, sur le plan juridique, aux moyens de transport, permettrait de mieux repérer les passages des clandestins à la frontière. Il suffirait d'imposer l'immatriculation systématique des pirogues, soit en France, soit dans le cadre d'un système binational coordonné avec les pays voisins, puis de saisir les pirogues non identifiées, généralement utilisées par des orpailleurs pour le transit de personnes ou de matériel.

Il me semble en outre important de punir les personnes qui traversent les fleuves frontaliers sans les permis requis. En somme, nous appelons de nos vœux des mesures concrètes. N'oublions pas non plus les contrôles d'identité. Même si le procureur de la République délivre assez aisément des réquisitions aux fins de contrôle d'identité, des facilités à en mener, comme sur d'autres parties du territoire français, dont les zones frontalières, nous simplifieraient la tâche.

La procédure française d'éloignement s'avère pour l'heure lourde et complexe à mettre en œuvre. Il faudrait peut-être envisager un éloignement d'office sous l'autorité du procureur et du préfet, permettant à la PAF d'intervenir plus rapidement. Enfin, il conviendrait de tenir compte des délais du transport, le cas échéant jusqu'à Cayenne, des personnes interpellées, et ce afin de différer la notification de leurs droits. Notre État de droit impose en effet de respecter les droits des étrangers.

Une meilleure identification des étrangers, souvent démunis de documents officiels, pourrait passer par le recours à la biométrie. Certes, il existe un système biométrique national de l'Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), mais il faudrait qu'il soit utilisable lors de déplacements sur les terrains d'opération, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Actuellement, il faut amener les étrangers dans les locaux de la PAF pour prendre leurs mesures biométriques.

Enfin, il me semblerait bon que les condamnés pour des faits d'orpaillage exécutent leur peine dans leur pays d'origine, en vertu de conventions entre les administrations pénitentiaires.

Les Vénézuéliens ne représentent qu'une part marginale des flux migratoires. La Guyane a davantage été affectée par l'arrivée d'Haïtiens. Nous devons d'autant plus rester vigilants qu'ils se contentent de transiter par la Guyane sur le chemin des Antilles ou de la métropole. Cette « technique du rebond » est utilisée ailleurs outre-mer, en particulier à Mayotte. Reconnaissons que les pays voisins, et surtout le Brésil, se montrent assez bienveillants vis-à-vis de ces flux migratoires à destination de la Guyane. Il y a tout lieu de s'en inquiéter, au vu du risque qu'ils augmentent.

Le démantèlement des filières d'immigration clandestine me paraît fondamental. S'il n'est pas négligeable de s'attaquer aux individus en situation irrégulière, il faut aussi viser, à un échelon supérieur, les trafiquants eux-mêmes. La PAF doit concentrer ses efforts sur tous ceux qui assistent et transportent des migrants. Nous interpellons de 250 à 300 trafiquants chaque année. Ils se livrent à une forme d'esclavage moderne. La lutte dans ce domaine passe par l'investigation judiciaire, qui relève de l'autorité judiciaire.

Nos efforts mériteraient de porter aussi sur le renseignement, pour que nous disposions dans les meilleurs délais d'informations sur les nouveaux flux et sites miniers. La véritable guerre que nous menons contre le fléau de l'orpaillage justifie le recours à des techniques de renseignement plus modernes, comme celles mises en œuvre dans la lutte contre le terrorisme ou le grand banditisme. Le renseignement, indispensable à l'efficacité de la police, constitue la base de son action.

Depuis 2018, et même 2014 sous une autre forme, un état-major départemental, sous l'autorité du préfet, organise à un rythme hebdomadaire la coordination, en vue de la lutte contre l'orpaillage illégal, des différents services, de toute manière complémentaires et non concurrents ou redondants. Le représentant de l'État veille à ce que chacun saisisse bien sa mission. Il revient à la PAF de s'attaquer aux flux migratoires, d'interpeller les orpailleurs en situation irrégulière et de les reconduire à la frontière. L'action de la douane porte sur les marchandises prohibées. Le dispositif de coordination, assez bien structuré, est parvenu à une forme de maturité, même s'il doit évoluer en permanence en fonction de la configuration du terrain et des nouveaux modes opératoires des adversaires. Sur d'autres parties du territoire également, les trafiquants s'adaptent sans cesse aux mesures prises à leur encontre.

La protection du patrimoine naturel revêt une dimension essentielle, bien que la PAF ne s'en occupe pas directement. Nous nous intéressons avant tout aux individus et à leur statut ainsi qu'à leur dangerosité.

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Laurent Astruc, chef d'état-major adjoint de la DCPAF

La PAF a pour objectif d'interpeller et de renvoyer hors du territoire national les garimpeiros, à la fois étrangers en situation irrégulière et auteurs de délits dans le département. L'arsenal juridique à notre disposition nous pose une difficulté liée à la matérialisation de l'infraction. Ni les investigations ni les constatations ne sont aisées en matière d'orpaillage. La création d'une nouvelle infraction, par une évolution de la législation, nous simplifierait la tâche.

Citons, parmi les pistes à envisager, la présence d'individus sans motif légitime sur des sites d'orpaillage. Un tel délit permettrait aux magistrats d'en condamner rapidement les auteurs, sans que ceux-ci puissent contester la réalité des faits leur étant reprochés. Cette piste présente d'autant plus d'intérêt que la position de la PAF lors des interventions se complique de plus en plus. Nos agents ne restent jamais longtemps sur les sites, en raison du temps que prennent les déplacements en Guyane et des délais d'exercice des droits des personnes interpellées, dont il faut bien sûr tenir compte.

L'État-major de lutte contre l'orpaillage et la pêche illicites (EMOPI) coordonne tous les acteurs qui y concourent, dont la PAF. Sous l'autorité du préfet, l'EMOPI élabore une stratégie unique, doublée d'une tactique. Nul n'ignore à quoi œuvrent les autres puisque, dans le cadre du secret partagé, les représentants des administrations concernées se réunissent chaque semaine. Du fait de nos moyens limités, nous ne pouvons pas nous permettre d'empiéter sur les prérogatives des uns et des autres. En somme, l'EMOPI permet une meilleure rationalisation des moyens engagés.

Vous évoquiez, Madame la députée, la recherche de produits polluants, synonymes de catastrophes écologiques touchant les écosystèmes mais aussi, par ricochet, les populations. La PAF, avec les douaniers et les gendarmes, contrôle les flux d'approvisionnement. Nous surveillons les lieux d'approvisionnement de manière à détecter l'assistance logistique aux garimpeiros et leur transport, ce qui nous permet de lancer des recherches de matériel polluant.

La surveillance de supermarchés, bien qu'elle ait fait l'objet de débats, a débouché sur la saisie, à Saint-Laurent-du-Maroni, de 80 kg de mercure. Les douaniers nous ont apporté leur concours lors de l'interpellation qui en a résulté, avant de chercher à remonter la chaîne d'approvisionnement.

La stratégie de lutte contre l'orpaillage illégal forme un tout cohérent. Chaque partenaire concentre ses efforts sur un point particulier, de manière à balayer tout le spectre des mesures possibles, du démantèlement des chaînes logistiques aux interpellations, en passant par la lutte contre les exactions.

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Les étrangers en situation irrégulière se rendent-ils sur les sites d'orpaillage pour répondre à un besoin de main-d'œuvre ? Pourriez-vous nous communiquer les chiffres relatifs aux clandestins qui demeurent sur place, une fois les orpailleurs interpellés ?

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Laurent Astruc, chef d'état-major adjoint de la DCPAF

La quasi-totalité des étrangers en situation irrégulière qu'interpelle la PAF font l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire. La limite d'une telle mesure réside dans les accords de réadmission conclus avec le Brésil, en vertu desquels les individus originaires des États du Pará ou de l'Amapá ne sont pas reconduits au-delà de cet État. La PAF les remet aux autorités brésiliennes à Oiapoque, de l'autre côté du fleuve qui marque la frontière. Rien ne garantit qu'ils ne reviendront pas en Guyane.

Les garimpeiros, pour la plupart originaires des deux États les plus pauvres du Brésil, viennent sur les sites miniers de Guyane dans l'espoir d'y trouver fortune sous la forme d'une veine, puisque ces serfs des temps modernes sont payés à proportion de l'or qu'ils collectent. Ils ne séjournent en Guyane que le temps d'y amasser, par leur travail, un butin. Rappelons qu'ils volent les richesses du territoire.

Sur les sites miniers clandestins, tout se paye en or, du petit déjeuner à 1 gramme aux services d'une prostituée à 5 grammes. L'instauration, par une nouvelle loi, de délits relatifs à la simple présence sur un site d'orpaillage permettrait d'éloigner tous ceux qui gravitent autour des garimpeiros. Pour l'heure, il n'est pas aisé de matérialiser le rôle actif d'une prostituée dans l'extraction illégale de l'or. En résumé, les migrants du Brésil et du Suriname ne s'installent pas sur notre territoire.

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Fernand Gontier, directeur central de la police aux frontières (DCPAF)

Ils n'y effectuent en effet que de courts séjours.

L'action de la PAF se heurte à la difficulté d'éloigner les personnes qu'elle reconduit à la frontière. Auparavant, il était d'usage de les ramener aux autorités à une plus grande distance du département, à Belem, par exemple. Il faudra revenir sur ce sujet avec le Brésil. Reconduire les garimpeiros à quelques minutes à peine de notre territoire n'apparaît pas comme une solution satisfaisante pour entraver leur activité. Bien sûr, nous devrions dans cette éventualité disposer de moyens de transport adéquats.

À une époque, nous avions favorisé la circulation des travailleurs frontaliers vers Saint-Georges-de-l'Oyapock, par l'octroi d'un permis spécial. Si une telle mesure se renouvelait, le Brésil devrait en contrepartie consentir à des efforts pour éloigner de la Guyane les garimpeiros. Il faudrait prononcer contre eux une interdiction de retour sur notre territoire, de manière à pouvoir les condamner plus lourdement en cas de récidive.

La réunion se termine à dix-sept heures vingt-cinq.