Intervention de Antoine Masson

Réunion du mercredi 23 juin 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Antoine Masson, ingénieur général des Mines au ministère de l'économie, des finances et de la relance :

En 2019 s'est déroulée une autre initiative du même type sur le site dit « PK48 », en référence au point kilométrique 48 de la route nationale (RN) 2 reliant Cayenne à Saint-Georges de l'Oyapock, à proximité de l'un des sites d'orpaillage illégal les plus proches de Cayenne.

L'installation des opérateurs clandestins y remonte à 2018, au lendemain de l'exploitation d'un site alluvionnaire par la compagnie minière Boulanger, une entreprise minière de taille moyenne du département. Les illégaux ont d'abord repris l'exploitation du site alluvionnaire avant de s'établir au sommet d'une colline où ils ont creusé des dizaines de puits et de galeries pour exploiter la roche primaire en profondeur.

Les forces Harpie y ont multiplié les opérations répressives fin 2018 et début 2019. Malgré des destructions de matériel et le comblement de puits, l'activité illégale a continué, favorisée par la proximité de la nationale.

La présence de clandestins a occasionné des problèmes de sécurité publique à la population des environs, jusqu'au village de Cacao.

La compagnie minière Boulanger, estimant que la sécurité de ses travailleurs n'était plus garantie, a décidé d'arrêter ses travaux de prospection dans la zone. À l'été 2019, préfet et procureur ont décidé d'un plan d'urgence. Un poste temporaire des forces Harpie a été créé pour qu'elles poursuivent leurs interventions répressives. La compagnie Boulanger a ainsi pu reprendre ses opérations sous la protection des forces Harpie.

Pendant près d'un an, cette société a réalisé des forages profonds de reconnaissance de gisement avec le concours d'une société canadienne spécialisée. Une fois ces travaux terminés, vers la mi-2020, la sécurisation du site s'est allégée. Très vite, les illégaux sont revenus. Les données recueillies lors de la campagne de forage sont en cours d'analyse. Nous attendons que la compagnie minière Boulanger et son partenaire prennent des décisions quant à la suite des opérations.

Les organisations non gouvernementales (ONG) que nous avons rencontrées ne jugent pas notre approche valide, parce que :

- aucun constat n'a permis d'établir que les illégaux aient été durablement éloignés des sites,

- les résultats des expérimentations s'avèrent peu probants,

- les illégaux, aux coûts d'exploitation bas, reviennent exploiter ce que les légaux n'ont pas exploité du fait de leurs coûts d'exploitation plus élevés, et enfin,

- notre expérimentation a entraîné des conséquences sur la sécurité des opérateurs légaux, du fait de leur proximité avec les acteurs de la lutte contre l'orpaillage illégal.

En réalité, les ONG contestent l'idée même de substituer de l'extraction minière légale à une exploitation illégale. L'existence d'une activité minière en tant que telle constitue à leurs yeux un problème.

Ces arguments doivent être entendus. Nous ne saurions considérer comme probants les résultats de l'expérimentation conduite de 2013 à 2015. La preuve de la possibilité d'exploiter légalement une zone de manière à éviter tout retour d'exploitants illégaux n'a pas établie.

Il nous semblerait toutefois intéressant de procéder à une nouvelle expérimentation, cette fois sur un très petit nombre de sites, afin de ne pas trop mobiliser les forces Harpie. L'objectif consisterait, cette fois, à prouver qu'installer une exploitation légale sur un ancien site clandestin peut y éviter le retour des illégaux. Il conviendrait de réunir les meilleures conditions pour que cette preuve soit établie, cette fois avec succès.

D'abord, à la différence de ce qui s'est passé entre 2013 et 2015, il faudrait associer les opérateurs au choix des sites pour s'assurer de l'intérêt que ceux-ci présentent pour les entreprises minières.

Ensuite, il conviendrait de procéder à une sélection plus stricte des opérateurs selon leur capacités techniques.

Enfin, nous préconisons la mise en place, dès le début, d'un dispositif de suivi aboutissant à l'évaluation des opérations.

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