Intervention de Alexis Lopes

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Alexis Lopes, directeur régional des douanes de Guyane :

Je vais au préalable préciser que la lutte contre l'orpaillage illégal ne fait pas partie des missions prioritaires de la DGDDI. Son action en la matière répond à la demande de participation à l'effort interministériel de lutte contre cet orpaillage. Nous apportons donc nos moyens humains et notre organisation pour y contribuer le plus efficacement possible.

Le travail repose pour une part sur des initiatives propres à la douane, mais surtout sur des actions menées en partenariat avec d'autres administrations, cette notion de partenariat étant particulièrement importante.

Ces partenaires sont bien évidemment les forces armées en Guyane (FAG), la gendarmerie nationale et la police aux frontières (PAF), mais aussi le parc amazonien de Guyane (PAG) et l'Office national des forêts (ONF).

Nous sommes intégrés au sein des structures dépendant du dispositif Harpie, codirigé par le préfet et le procureur de la République. Nous participons aux côtés des autres partenaires à toutes les réunions importantes, soit au niveau opérationnel au sein de la cellule de coordination du partenariat (CCOP), soit au niveau stratégique, au sein du comité stratégique (COSTRAT). Nous sommes aussi représentés au sein de l'état-major de lutte contre l'orpaillage et la pêche illicites (EMOPI), placé sous la direction du préfet. Ce dispositif permet aux douanes d'intégrer les résultats de leurs interventions dans l'ensemble de ceux obtenus en matière de lutte contre l'orpaillage. Il sert aussi à coordonner certaines opérations, où nous intervenons en complément soit de manière géographique, soit de manière temporelle, comme ce fut surtout le cas en 2018 et 2019.

Nos actions spécifiques sont complémentaires de celles des autres services de l'État. Notre cœur de métier, c'est de réaliser des contrôles à la circulation. Nous disposons de brigades, notamment celles de Saint-Laurent-du-Maroni et de Saint-Georges de l'Oyapock, qui sont au plus près des zones de livraison des marchandises qui contribuent à faire vivre les sites d'orpaillage. S'en prendre à ces flux logistiques est désormais une priorité fixée par le COSTRAT. Nous nous y employons de manière assez efficace, même si ce qualificatif peut paraître inadapté au vu du développement incessant de l'orpaillage illégal en Guyane.

Pour cela nous privilégions ce que nous savons le mieux faire : soit contrôler les voies de circulation – c'est-à-dire intercepter les camionnettes qui transportent des produits destinés aux sites d'orpaillage –, soit intervenir directement contre les zones de stockage situées à proximité des axes routiers – notamment la RN1 et la RD9, entre Mana et Saint-Laurent-du-Maroni. Nous avons développé ce dernier mode d'action dès le début du confinement l'an dernier.

Ces aires de stockage sont installées dans la forêt ou dans des propriétés privées. Dans ce dernier cas, nous intervenons dans le cadre de visites domiciliaires. Cela nous a permis tout de même de saisir 100 tonnes de marchandises en 2020, dont une grande part de marchandises alimentaires qui ont été redistribuées aux associations caritatives de l'Ouest guyanais.

Parmi ces marchandises, nous visons bien entendu ce qui est propre à l'orpaillage illégal : l'or natif et le mercure.

Il faut bien reconnaître que les résultats des saisies d'or natif sont somme toute modestes. La seule grosse saisie a été réalisée en 2017, avec sept kilogrammes, étant précisé qu'il ne s'agissait pas du produit d'une exploitation illégale, mais de celui d'une exploitation légale – située près de la piste Bélizon dans l'Est guyanais – qui n'était pas accompagné des documents prévus à l'article 414-1 du code de douanes.

Nous avons aussi centré nos contrôles sur le mercure. De mémoire, nous avons saisis sept kilogrammes de ce produit l'année dernière, ce qui n'est pas rien. Comme vous le savez, cet élément chimique pollue les rivières, tue les animaux et provoque des maladies. C'est une question très sensible pour les populations amérindiennes et les Bushinengués.

Nous saisissons également toutes les marchandises prohibées au titre du code des douanes. Il s'agit bien souvent de motopompes, de cyclomoteurs, voire de carburant, qui ne respectent pas les normes de sécurité ou chimiques exigées pour pouvoir circuler dans l'espace européen, dont fait partie la Guyane.

Avec 100 tonnes de marchandises confisquées en tout à ce titre l'an dernier, certaines saisies ont pu atteindre jusqu'à dix tonnes. Une partie des marchandises saisies lors de ces opérations ne sont pas prohibées, comme par exemple les denrées alimentaires. Mais nous les saisissons lorsque le détenteur s'est enfui et qu'elles sont de fait abandonnées. Comme je l'ai déjà indiqué, nous les remettons alors à des associations caritatives, dont la Croix-Rouge qui intervient le long du fleuve aux alentours de Saint-Laurent-du-Maroni.

Nous étions donc engagés dans cette politique de contrôle des flux de marchandises avant même que le procureur de la République et le préfet ne nous demandent cette année de mettre l'accent sur les flux logistiques. Cela contribue à assécher l'approvisionnement des sites d'orpaillage illégal, grâce à des actions menées loin de ces derniers. Les interventions que j'ai mentionnées autour de Mana et de Saint-Laurent-du-Maroni ont en effet eu lieu dans la zone côtière où les douaniers sont implantés.

C'est bien dans ce sens que j'ai parlé de complémentarité et de notre cœur de métier. Nous ne sommes pas implantés dans les zones qui permettent un accès direct en forêt, et il y a plusieurs raisons à cela.

La douane n'est ainsi pas présente en permanence à Maripasoula, par exemple, et ce depuis un siècle. À l'époque du territoire de l'Inini, il y avait un service des douanes installé à l'embouchure du fleuve Inini sur le Maroni. Depuis lors les flux de marchandises provenant de l'étranger et entrant dans le cadre du dédouanement légal ont été considérés comme insuffisants pour justifier une présence permanente des douanes.

Nous y sommes retournés de manière épisodique à partir de 2017. Depuis 2018, des douaniers y sont projetés en appui de la gendarmerie et des FAG à l'occasion des relèves, qui interviennent tous les trois mois pour les gendarmes et tous les quatre mois pour les armées. Les escouades de douaniers y sont donc présentes à ces occasions pour quelques jours, et elles font bénéficier des pouvoirs de saisie que leur confère le code des douanes les contrôles réalisés sur des barges sur l'Inini ou à proximité.

Nous avons entamé une réflexion sur l'amélioration de notre capacité d'intervention dans cette zone. Les douanes ne pourront pas s'y déployer sans l'appui des FAG, et plus largement sans celui de l'État. Nous pourrions ainsi nous associer à des projets d'implantation d'autres administrations, je pense notamment à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à la PAF. Dans cette zone de Maripasoula et du Haut-Maroni, où la population croît fortement, l'enjeu à terme est d'assurer une présence plus forte de la douane ; mais il s'agit d'un dossier de longue haleine, très complexe.

Les quelques actions que la douane y a menées relevaient vraiment de la complémentarité, en appui de nos partenaires et à leur demande. Cela suppose que les douaniers y soient préparés, c'est-à-dire formés, notamment avec un stage au centre d'entraînement en forêt équatoriale (CEFE). Il faut également leur fournir des équipements adaptés, ce qui a conduit à acquérir du matériel et des tenues spécifiques qui ne sont pas ceux fournis en métropole.

Mme Melscoët est à votre disposition pour tous les éléments juridiques que vous souhaiteriez connaître sur les pouvoirs des douanes.

J'en dis juste un mot pour relever que nous pouvons faire usage des prérogatives données par le code des douanes – je pense à son article 60, qui permet de contrôler les marchandises en circulation et notamment celles provenant de l'étranger, donc pour la Guyane principalement du Suriname.

Nous nous appuyons aussi sur le droit de visite domiciliaire et sur l'arsenal répressif visant les marchandises prohibées et leur importation sans déclaration, reposant sur les articles 410 à 414 du code des douanes.

L'article 414-1 est à ma connaissance le seul article du code des douanes pratiquement créé sur mesure pour la Guyane afin de contrôler la circulation de l'or natif – dans un cadre qui visait pour l'essentiel les exploitants légaux. Des réflexions sont en cours, dans le cadre des discussions portant sur le code minier, pour étendre le périmètre des infractions autorisant le report du point de départ de la retenue douanière, qui est l'équivalent de la garde à vue dans le code de procédure pénale.

J'ai essayé de résumer brièvement l'action de la direction régionale des douanes de Guyane en matière de lutte contre l'orpaillage illégal, tant du point de vue de son organisation que de son cadre juridique. Je n'ai pas tout abordé, notamment s'agissant de la question des méthodes de travail.

Je suis à votre disposition pour répondre aux questions.

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