Intervention de Alexis Lopes

Réunion du mercredi 30 juin 2021 à 15h00
Commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en guyane

Alexis Lopes, directeur régional des douanes de Guyane :

Le sujet n'a pas été traité. C'est un point très important. Les traités relatifs aux frontières entre la Guyane et le Suriname relèvent d'arbitrages et de conventions internationales du début du XXe siècle, notamment un arbitrage du tsar Alexandre III en 1891.

Il y a longtemps eu trois zones différentes le long du fleuve et la nationalité des rives, voire de celle des cours d'eau, a souvent été contestée. Ainsi le Suriname conteste l'appartenance de la Litani à la Guyane, alors que le cours d'eau est revendiqué par la France.

Engagées en 2018, les négociations diplomatiques ont permis d'aboutir l'an passé à un tracé qui s'appuie sur des données géographiques – la frontière étant la ligne équidistante des deux rives, en prenant en compte les nombreuses îles au milieu du fleuve. Ce travail a permis de mettre en lumière que certaines parties du territoire français étaient occupées par les populations surinamaises, et vice-versa.

En 2018 et 2019, des incidents ont éclaté. Nous avions été embarqués à plusieurs reprises avec les Forces armées en Guyane (FAG), la gendarmerie ou la police aux frontières (PAF) pour des contrôles fluviaux – la direction des douanes de Guyane ne dispose pas de moyens fluviaux propres. Nous avions effectué des interceptions sur la partie considérée comme française du fleuve, mais le fait de ramener des pirogues – qui contenaient d'ailleurs des marchandises illégales puisqu'elles provenaient de sites d'orpaillage illégal – avait été contesté par les autorités surinamaises. Des notes de protestation avaient été transmises, interdisant aux autorités françaises de réaliser ces contrôles.

Il y a eu confusion : il ne s'agissait pas de remettre en cause une frontière politiquement contestée entre deux États, mais d'exercer un pouvoir de contrôle douanier sur une frontière tierce à l'Union européenne. En effet, même si c'est une région ultrapériphérique, la Guyane fait partie de l'Union européenne en tant que département d'outre-mer (DOM). Nous aurions pu exercer nos prérogatives douanières de contrôle des marchandises sur le fleuve, mais nous avons préféré faire débarquer les personnes et les accompagner sur la rive française pour faire ces contrôles.

Normalement, à l'issue des négociations que je viens d'évoquer, nous ne rencontrerons plus de tels problèmes. Mais les contrôles impliqueront toujours plusieurs partenaires : les FAG pour l'appui logistique, la PAF pour sa force d'intervention et son efficacité juridique.

Les problèmes de frontières sont-ils réglés ? Je dois avouer que, depuis mars 2020, la crise du COVID a mis les services de l'État sous tension sur les frontières fluviales. À Saint-Laurent du Maroni et à Maripasoula, les mesures visaient plus la fermeture des frontières au trafic de passagers que le contrôle des marchandises ou de l'orpaillage illégal, la préoccupation étant avant tout sanitaire.

Pour le moment, il n'existe pas de Centre de coopération policière et douanière (CCPD) entre la France et le Suriname, même si nous coopérons dans ces deux domaines avec les autorités du Suriname. Pour rappel, la douane n'est toujours pas associée au Centre de coopération policière (CPP) avec les Brésiliens du côté de Saint-Georges de l'Oyapock. Sur décision de notre directeur général, M. Gintz, j'ai eu l'autorisation d'y participer. Mais nous rencontrons une difficulté : nos homologues douaniers brésiliens ne veulent, eux, pas y participer, ce qui fait perdre son intérêt à notre participation…

Les sujets que nous devons évoquer avec le Suriname ont déjà été soulevés avec les Brésiliens. Il faudrait donc envisager le dialogue de manière globale sur ces questions douanières.

Pour mémoire, la France a signé un accord d'assistance administrative mutuelle internationale (AAMI) avec le Suriname en 2000. Il s'applique de plein droit. Mais, premier obstacle, la douane surinamaise est focalisée sur les questions fiscales. Elle reste à la frontière, en poste fixe – un peu comme les Brésiliens – et fait donc peu de contrôles. À ma connaissance, elle n'est pas investie dans le contrôle de l'orpaillage illégal.

En outre, second obstacle, la coopération ne fonctionne pas. J'ai eu l'occasion de me déplacer à deux reprises au Suriname et j'ai constaté des actes de corruption quasiment en direct, sur le port de Paramaribo, grâce aux vidéos de surveillance des services de sûreté. Il y a donc, à tout le moins, un problème d'efficacité… J'ai néanmoins rencontré trois responsables douaniers en 2019, qui se demandaient ce que je faisais là. Quand j'ai parlé de coopération et d'échanges, leur réponse a été très polie mais elle sous-entendait qu'ils attendaient que je leur fournisse des renseignements, puis verraient ensuite ce qu'ils pourraient me donner.

La coopération en matière de lutte contre l'orpaillage illégal ne semble entrer ni dans leurs prérogatives, ni dans leurs préoccupations. S'agissant du trafic de cocaïne, qui est un tout autre sujet, la direction des opérations douanières (DOD) de Guyane collabore d'ailleurs avec d'autres autorités surinamaises que la douane.

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