Intervention de Christophe Millescamps

Réunion du jeudi 16 septembre 2021 à 8h40
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Christophe Millescamps, directeur de l'École nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) :

Je vous rejoins totalement, s'agissant de l'image du métier de surveillant pénitentiaire. L'exemple de Château-Thierry, que vous avez cité, est très intéressant. Il s'agit toutefois d'une maison centrale, avec une très forte prise en charge sanitaire : elle s'appuie sur des personnels expérimentés, ayant suivi des formations à la sécurité dynamique, ou relationnelle.

Pour rappel, il existe trois types de sécurité : la sécurité passive, qui est apportée par les murs ou les caméras ; la sécurité procédurale, qui s'appuie sur la mise en œuvre des pratiques professionnelles ; la sécurité dynamique, qui s'intéresse à la relation. Cette dernière part du principe qu'il est profitable d'entretenir de bonnes relations avec les individus ; elle est fondée sur un concept développé par l'ONU – l'Organisation des Nations unies –, en relation avec le renseignement pénitentiaire. En pratique, tous les personnels y sont sensibilisés.

L'ENAP a pour ambition de faire de la sécurité l'un de ses enseignements majeurs. Sur le terrain, ce concept ne prend malheureusement pas aujourd'hui. En effet, il est difficile – et cela ne découle pas d'une mauvaise volonté – de faire évoluer les pratiques professionnelles, du fait de l'hégémonie des problématiques sécuritaires, en lien avec la surpopulation et la violence.

Les modules de respect ont été développés par l'Espagne. Ils consistent à mettre en place des régimes de détention qui reposent sur la responsabilisation : l'idée est de permettre de faire évoluer le curseur de la contrainte vers la responsabilité. À titre d'exemple, un détenu peut sortir librement de sa cellule et se rendre sur son lieu de travail. En d'autres termes, il s'agit de lui proposer un mode de fonctionnement ressemblant à ce qu'il rencontrera à l'extérieur. Dans ce cadre, il doit faire montre de respect vis-à-vis du personnel, travailler ou s'inscrire dans un programme de soin : l'idée est qu'il donne des signes tangibles de sa volonté de se réinsérer.

Le nouvel établissement de Lutterbach a créé un bâtiment entièrement réservé à la mise en œuvre du module dit de respect. En France, le déploiement de ce type d'initiative se heurte à des problèmes d'architecture : ainsi, l'architecture carcérale française n'a pas été pensée pour la sociabilisation, mais pour le contrôle, la sectorisation et l'accompagnement des mouvements. Pour avoir visité Lutterbach, il m'est apparu extrêmement intéressant qu'y soit décliné au plan architectural le module de respect.

La prime de fidélisation constitue un facteur d'attractivité intéressant : elle fait suite à l'obtention d'un concours à affectation locale. Les lauréats de ce dernier s'engagent à rester à leur poste durant un certain temps. En effet, certains sites se caractérisent par un turnover élevé. Il en va ainsi de certains établissements parisiens, où il est possible d'avoir jusqu'à six stagiaires pour dix titulaires.

Derrière la question de la prime de fidélisation, se pose la question de la mobilité. Au regard des rémunérations servies, est-il pertinent de manifester des exigences de mobilité ? Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Quoi qu'il en soit, les affectations se font à partir du classement obtenu. Force est de constater que le nombre de demandes d'affectations dérogatoires va croissant : lesdites affectations, dans ce cadre, ne sont pas assises sur le classement, mais découlent de critères sociaux.

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