Intervention de Jean-François Beynel

Réunion du jeudi 16 septembre 2021 à 10h40
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Jean-François Beynel, chef de l'inspection générale de la justice (IGJ) :

Le juge est poreux à l'opinion publique. Contrairement à une idée reçue ainsi, il fait ce que cette dernière lui demande. J'ai quitté mes fonctions de conseiller pénitentiaire au cabinet de Mme Élisabeth Guigou en mars 2001. Au 1er janvier 2001, 42 000 personnes étaient en détention, pour une durée moyenne d'écrou de 4,2 mois. Actuellement, les prisons accueillent de 68 000 à 69 000 détenus, pour une durée moyenne d'écrou de 11 mois. Au cours des vingt dernières années, le Parlement, fort heureusement, a aidé l'administration pénitentiaire ; les lois qui se sont succédé avaient toutes pour objectifs : d'éviter les petites peines d'emprisonnement ; de canaliser le surpeuplement ; de déterminer des peines alternatives efficaces – bracelet électronique, détention à domicile, etc.

Lorsque j'ai commencé ma carrière de magistrat, en 1984, je n'imaginais pas que je pourrais, un jour, prononcer un mandat de dépôt avec une peine de deux ans, pour un homicide involontaire sous l'effet de l'alcool au volant. Un tel niveau de répression aurait été inimaginable. Aujourd'hui néanmoins, l'opinion publique attend de la sévérité des juges.

Je vous invite à vous pencher sur le taux d'incarcération et le taux de peine, dans les huit mois qui précèdent une élection présidentielle. Ils progressent systématiquement. En la matière ainsi, les mois de juillet et d'août 2021 ont été exceptionnels. Pourquoi ? Parce que le débat politique tourne nécessairement autour de la sécurité, laquelle correspond à un besoin de nos concitoyens. Or les juges sont des citoyens comme les autres. Les statistiques d'écrou pénitentiaire sur vingt ans vous démontreront que les juges répriment lorsque les citoyens le demandent.

La LPJ de mars 2019 a été une grande avancée. Avons-nous la même ardeur à la mettre en œuvre que celle qui prévalait à l'époque ? Je ne suis pas persuadé que cela relève aujourd'hui des priorités, en matière de politique pénitentiaire.

Enfin, vous avez cité l'exemple de la régulation mise en œuvre par la maison d'arrêt de Varces. C'est ce que M. Jean-Louis Daumas appelle la capacité globale de prise en charge. L'idée est que le magistrat, avant toute chose, se penche sur cette dernière, aux fins d'y adapter sa politique pénale. Ce schéma fait appel à l'intelligence de l'action publique, avec l'idée de faire des choix. À ma connaissance, il ne concerne que la maison d'arrêt de Varces.

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