Intervention de Marcelo Aebi

Réunion du jeudi 16 septembre 2021 à 15h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Marcelo Aebi, chef du projet SPACE :

Sur le site web du projet SPACE, nous avons rassemblé énormément d'études portant sur la récidive. Leur principal point commun, si je puis dire, c'est que chacune utilise une méthodologie différente… Il est très difficile de mesurer la récidive : faut-il prendre en compte les réincarcérations ou les nouvelles condamnations ? Parfois, les périodes d'observation sont très courtes.

En moyenne, au bout de dix ans, environ 50 % de la population condamnée a récidivé, mais cela varie beaucoup en fonction du type de délit : les délits violents ont un certain profil, les atteintes aux biens en ont un autre.

Il n'y a pas de recette magique. Souvent, on donne en exemple les pays nordiques, qui investissent beaucoup dans les prisons, y compris en affectant un personnel nombreux. Mais la réalité de ces pays n'est pas la même que celle de la France. Par exemple, vous avez parlé de radicalisation. Le phénomène est moins marqué là-bas qu'en France. Cela dépend de l'histoire de chaque pays, de la manière dont celui-ci s'est développé, en particulier s'il a eu un empire et des colonies.

Il faut mener des programmes et les évaluer. Il n'est pas simple de trouver un emploi pour une personne incarcérée, notamment parce que le monde change. Ainsi, une personne entrée en détention en 2007, avant l'apparition des smartphones, et qui en sort plus de dix ans après se trouve confrontée à un monde n'ayant plus rien à voir avec celui qu'elle connaissait. En même temps, il est vrai qu'on ne peut pas donner librement accès à internet en prison.

Quoi qu'il en soit, il importe de réfléchir à ce que les détenus pourront faire à leur sortie de prison. Or cela pose aussi la question de l'évolution de l'économie. Tous les métiers sont en train de changer. Certains métiers manuels disparaissent même. Ceux qui les exercent appartiennent aux couches sociales dans lesquelles la violence est la plus répandue, même s'il est vrai qu'elle existe dans tous les milieux. Autrement dit, ces personnes sont également les plus touchées par la crise. Il convient donc de réfléchir à ce qu'il est possible de faire pour elles. Certes, il y a le secteur de la restauration, où l'on trouve toujours du travail, mais on ne peut pas former que des cuisiniers… Trouver un emploi pour une personne sortant de prison suppose de mener une réflexion sur le marché du travail. C'est d'autant plus difficile que l'on ne sait pas comment celui-ci va évoluer – si on le savait, tous les problèmes économiques seraient déjà résolus.

S'il n'y a pas de recette magique, une chose est certaine : plus on investit et plus on évalue les dispositifs, mieux les choses se passent. Le problème est qu'il est difficile de mener cette évaluation. Les personnes qui travaillent en prison et sont en charge de ces programmes sont en général très impliquées, elles ont une fibre sociale et veulent aider les détenus. Certes, c'est là une des conditions de la réussite des programmes, mais cela peut avoir pour conséquence que les personnes en question sont un peu réticentes à l'égard d'universitaires qui viennent évaluer leur démarche et leur disent parfois que même si ce qu'elles ont fait est très bien, tel ou tel détenu a récidivé. Quoi qu'il en soit, il faut, à mon avis, introduire cette culture de l'évaluation. Mais cela prendra du temps.

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