Intervention de Joseph Paoli

Réunion du jeudi 23 septembre 2021 à 10h10
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Joseph Paoli, secrétaire général national adjoint du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS) :

J'aimerais faire un rappel succinct de la politique pénitentiaire, de son fonctionnement et des constatations que nous pouvons en tirer.

À la date du 1er juillet 2016, le nombre de détenus atteignait le triste record de 69 375 personnes incarcérées pour 58 311 places, dépassant le record d'avril 2014, qui était de 68 851 personnes. La densité carcérale s'est établie à 142 % en maisons d'arrêt et la surpopulation carcérale a atteint en moyenne 130 % dans les maisons d'arrêt, avec des taux supérieurs à 200 % dans certaines, à l'instar des établissements de La-Roche-sur-Yon et Tarbes, où l'on dénombre plus de 900 matelas au sol.

La Cour européenne des droits de l'homme a condamné la France en janvier 2020 en raison des conditions de détention dans les prisons surpeuplées, recommandant au passage de prendre des mesures face à ce problème structurel.

L'épidémie de coronavirus a contribué à la chute de la population carcérale, avec moins d'entrées, mais surtout en raison des libérations anticipées, soit environ 13 000 détenus entre les mois de mars et de mai 2020. Le taux d'occupation moyen des prisons est passé sous le seuil des 100 %.

La crise sanitaire aura réussi à accomplir ce qu'aucune politique pénale n'était parvenue à faire ces quinze dernières années, c'est-à-dire désengorger les prisons françaises, insalubres et surpeuplées, où les détenus partagent parfois à trois une cellule de 9 mètres carrés.

Aujourd'hui, le taux d'occupation global se situe à 98 %, contre 119 % le 16 mars dernier, et à 110 % en maison d'arrêt, contre 140 % auparavant. Cependant, depuis le 1er octobre 2020, la reprise de l'activité judiciaire a contribué à l'augmentation du nombre de détenus.

À la date du 1er juillet 2021, le nombre de personnes incarcérées s'élevait à 67 971 pour environ 60 790 places opérationnelles, réparties dans 187 établissements pénitentiaires, ce qui correspond à 22 000 détenus dans les établissements, dont le taux d'occupation excède donc 120 %.

Je souhaite revenir à quelques dates relatives à l'évolution de la politique pénitentiaire et à la problématique de surpopulation afin de mieux appréhender la situation.

Le 8 août 2016, le Premier ministre, en présence du garde des sceaux, a annoncé un plan en faveur des prisons, à l'automne, destiné à faire face à la surpopulation carcérale. Le 20 septembre 2016, le garde des sceaux a présenté au Parlement un rapport intitulé « En finir avec la surpopulation carcérale ». Ce rapport envisageait notamment de construire, d'ici à 2025, principalement dans les maisons d'arrêt, près de 16 000 cellules, dont 90 % individuelles, le sujet de l'encellulement individuel n'étant toujours pas réglé.

Le 6 octobre 2016, à la suite du rapport du garde des sceaux sur l'encellulement individuel, le Premier ministre a annoncé un nouveau programme immobilier pénitentiaire. Ce programme prévoyait trente-trois établissements et 16 000 cellules. Le 23 novembre 2016, le rapport est présenté au Conseil des ministres par le garde des sceaux. La communication s'attache à la politique pénitentiaire, incluant notamment l'amélioration de l'image, l'encellulement individuel et la prévention des récidives.

En janvier 2018, les surveillants pénitentiaires lancent un vaste mouvement social. Le 12 septembre 2018, la garde des sceaux présente au conseil des ministres une communication portant sur la politique pénitentiaire : projet de loi, programmation 2018-2022 et réforme de la justice, etc. Le 18 octobre 2018, la ministre de la justice dévoile un nouveau plan pénitentiaire qui prévoit, d'ici à 2022, la livraison de 7 000 places de prison ainsi que des projets permettant la construction, d'ici à 2027, de 8 000 autres places. Enfin, le 23 mars 2019, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est promulguée.

En conclusion, seules 2 000 places de détention ont été mises en service depuis 2017. En 2019, 826 places ont été créées grâce à la réouverture de la maison d'arrêt de Paris-la Santé et du quartier de sécurité de Nanterre. En 2020, aucune nouvelle livraison n'est intervenue. Ces chiffres apparaissent éloignés des 15 000 places annoncées par le Gouvernement d'ici à la fin du quinquennat. De même, la surpopulation carcérale a poussé le Gouvernement, pendant le premier confinement, à libérer près de 10 000 détenus en un mois. Il n'est pas utile de revenir aux coquilles relatives à ces libérations, s'agissant notamment des fichés S.

Pour rappel, le 25 janvier 2017, le SPS a eu l'honneur de participer à l'élaboration du fameux livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire. À la suite du rapport, la commission du livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire a rendu un document au ministre de la justice. Parmi les remarques préliminaires, le rapport indique que « pour juguler l'inflation carcérale, le programme immobilier doit être accompagné d'une politique pénale ambitieuse ». Le Livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire, daté du 4 avril 2017, a été envisagé pour s'inscrire dans la durée, en fixant les enjeux pénitentiaires de la France dans les vingt prochaines années. Le SPS pose la question : à quoi sert ce Libre blanc et où en sont les projets de construction des prisons ?

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