C'est une question qui a été très largement discutée par la commission du Livre blanc, où l'on a entendu un grand nombre de personnels de surveillance, notamment des personnels qui travaillaient dans les prisons ayant instauré le régime Respect. On se rendait compte que la plainte principale de ces personnes, par ailleurs très attachées à leurs fonctions, était d'être considérées comme de simples porte-clés. Ils auraient souhaité retrouver la noblesse du métier de surveillant, c'est-à-dire être des acteurs au quotidien, à la fois de l'évaluation et de la réinsertion des personnes condamnées.
J'ai côtoyé pendant de nombreuses années les personnels de la pénitentiaire. J'ai observé une transformation considérable des personnels de direction. Il y a vingt ou trente ans, ces derniers n'étaient pas là par vocation, mais parce que c'était la fonction qu'ils avaient pu appréhender. Désormais, ce n'est plus le cas. Les personnels de direction sont extrêmement bien formés, notamment au sujet des libertés individuelles et publiques, et ils ont toute leur place dans la pénitentiaire pour en faire l'administration que nous souhaiterions qu'elle devienne. En revanche, j'ai constaté que les personnels de surveillance n'avaient pas connu la même évolution. Cela tient peut-être au fait qu'il a fallu organiser de vastes programmes de recrutement avec la construction de nouvelles prisons, au fait que les concours n'ont pas été organisés de façon adéquate, notamment à la disproportion considérable entre les notes attribuées aux hommes et à celles attribuées aux femmes, liée à la nécessité d'une supériorité numérique masculine pour gérer les foules. Il n'en reste pas moins que certaines personnes ont été recrutées alors qu'elles n'auraient pas dû l'être.
Lorsque nous avons fait le bilan de la loi pénitentiaire, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, à l'époque présidente du groupe communiste au Sénat, et moi-même, avons reproché à des représentants syndicaux des personnels de surveillance de ne pas appliquer les règles de la loi pénitentiaire sur les fouilles, notamment sur le caractère non systématique des fouilles à nu et sur l'interdiction, sauf autorisation d'un magistrat, des fouilles corporelles internes. Nous avons été extrêmement choqués de la réponse de ces derniers : il était absolument exclu pour eux de renoncer ce type de fouilles, tout simplement parce que celles-ci constituaient une façon d'imposer leur autorité.
Par ailleurs, je crois que le problème de l'attractivité de la profession n'est pas spécifique aux surveillants de prison. Jusqu'à une période extrêmement récente, je présidais le département du Nord. Nous y rencontrons beaucoup de difficultés à recruter des assistantes familiales, des aides à la personne ou encore des personnes chargées du maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap. Nous n'avons à mon sens pas choisi les bonnes formules pour tenter d'attirer vers le métier de surveillant, qui consisteraient à mon avis à insister sur l'aspect de garant de l'évaluation et de la réinsertion, et à communiquer plus largement sur cette profession, en particulier au niveau territorial. Dans chaque département, d'une part, le RSA – revenu de solidarité active – coûte très cher. D'autre part, le fait de gérer d'une façon dynamique le retour à l'emploi des allocataires représente une façon de rendre à chacun sa place dans la société. Parmi les allocataires du RSA du Nord, et partout ailleurs j'imagine, certaines personnes ont un niveau bac+2 à bac+5. Si on laissait effectivement les départements jouer un rôle plus actif dans la communication sur le métier de surveillant, je suis convaincu que le problème du recrutement serait le plus facile à régler. Se poseront toujours bien sûr des problèmes de carrière, qui pourraient toutefois faire l'objet de discussions entre les organisations syndicales et les pouvoirs publics. Le problème financier ne me semble pas être au cœur des difficultés de recrutement.