Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du jeudi 7 octobre 2021 à 9h00
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Jean-René Lecerf, ancien président de la commission du Livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire de 2017 :

Lorsque j'étais très impliqué dans le problème de l'univers carcéral, la prison était un milieu totalement fermé. Une loi permettait heureusement aux parlementaires d'y entrer même si, encore une fois ça ne les intéressait pas vraiment. Mais lorsque nous souhaitions être accompagnés de journalistes, même si nous les triions sur le volet, cela restait totalement impossible. Je me souviens d'avoir un jour obtenu du ministre l'autorisation qu'un journaliste m'accompagne, et quand nous sommes arrivés, ce dernier a été repoussé. L'évolution est notable depuis, dans la mesure où les journalistes sont désormais accueillis en prison. Néanmoins, je n'ai pas lu beaucoup d'articles particulièrement satisfaisants sur l'appréhension de l'univers carcéral, d'explications au citoyen lambda sur le fait que la prison fait partie de son environnement, qu'il s'agit un élément indispensable dans une société, qu'il relève de l'intérêt de chacun qu'une personne incarcérée sorte de prison meilleure qu'elle n'y est entrée, et que pour ce faire, il faut qu'elle bénéficie d'un logement à sa sortie, d'une préparation à un travail, d'un contact préalable avec les personnels d'insertion, ou encore des papiers en règle et récents. Tout cela pose des questions simples qui devraient être aisément surmontées, mais qui sont pourtant restées longtemps insurmontables.

Dans mon département, nous avons créé, dans les maisons France service, ce que l'on a appelé des « maisons bleues ». Ce sont des camions qui parcourent les territoires. Immédiatement, la pénitentiaire m'a demandé si ces maisons bleues pouvaient entrer à l'intérieur des établissements pénitentiaires pour assurer à ses citoyens, tout particuliers soient-ils, la prise en charge de leurs problèmes administratifs et de préparation à l'emploi. On note un certain nombre d'exemples intéressants. Ainsi, à la prison de Loos-lez-Lille, avait été mise en place une plateforme d'initiation au tri sélectif des déchets, qui constitue un vrai métier. Cette plateforme fonctionnait extrêmement bien, en liaison avec la communauté urbaine de Lille et avec une entreprise dédiée. Lorsque les personnes qui avaient bénéficié de cette formation sortaient de prison, elles étaient assurées d'être embauchées pour une durée minimale de six mois, et on constatait que le taux de récidive était dérisoire parmi elles. Quand on a démoli la prison de Loos, on a détruit la plateforme et on ne l'a remise en place nulle part ailleurs, alors que cette initiative de la pénitentiaire aurait pu être appliquée assez aisément sur un certain nombre d'établissements.

La prison reste considérée comme un lieu tellement particulier, qu'il fallait que j'intervienne pour que, dans la période hivernale, les collectivités publiques assurent par exemple le déneigement des voies conduisant à un établissement pénitentiaire. Selon Badinter, ce qui était terrible, c'était le souhait de l'opinion que la meilleure situation en prison soit pire que la pire des situations à l'extérieur. À ma grande surprise, les maires sont ceux qui m'ont le plus aidé dans ma mission de parlementaire. Ils auraient par exemple souhaité mettre en place des TIG – travaux d'intérêt général –, mais on ne leur demandait pas leur avis. Et lorsqu'on le faisait, cela prenait des mois, voire des années, à éventuellement se concrétiser.

L'une des solutions au problème de la surpopulation repose évidemment sur les alternatives à l'incarcération, dont les TIG, de même que les aménagements de peine. Si l'on peut constater un certain nombre de succès sur la question des alternatives à l'incarcération, ce n'est pas le cas pour les aménagements de peine. En effet, alors que cela apparaissait comme un acquis de la loi pénitentiaire, on est revenu sur l'idée d'aménagement des peines jusqu'à deux années.

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