Intervention de Pascale Gérard

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 9h20
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Pascale Gérard, directrice innovation sociale de l'AFPA :

Vous nous avez demandé par qui et comment étaient financées les formations professionnelles aux détenus. Vous avez évoqué la loi de décentralisation qui a confié ce public aux régions : a contrario, pour sa part, l'AFPA estime que, dans le cadre de ses missions nationales de service public, elle disposait d'une ligne dédiée à la formation des détenus. Nous en formions 500 à 600 par an. Depuis la décentralisation, pourtant largement préparée pendant deux ans avec le ministère de la justice et les services pénitentiaires, les régions s'en sont emparées. Cependant, toutes ne l'ont pas réellement fait, du moins pas tout de suite. Certaines ont mis plus de deux ans à le faire, rencontrant des difficultés majeures, par exemple à la prison des Baumettes. En effet, la formation constitue un moyen de tenir si ce n'est la paix sociale, du moins le fonctionnement normal d'une prison.

Ces formations sont proposées par les marchés publics des régions, auxquels l'AFPA répond éventuellement. En effet, l'agence ne candidate pas à tous les marchés : elle ne répond pas aux demandes réalisées dans des étiages de prix et avec une concurrence qui favorise les formations à très bas prix dans les maisons d'arrêt ou les centres de détention. Nous sommes parfois retenus quand la qualité que nous pouvons offrir, désormais prouvée, constitue un facteur essentiel du choix dans le cadre des marchés publics.

Pour sa part, Pôle Emploi a pu se substituer à l'absence de politique publique des Régions, pendant un temps, réalisant des appels d'offres et des appels à projets en direction des publics détenus. Nous y avons répondu, notamment dans les régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Auvergne-Rhône-Alpes.

Vous souhaitiez savoir quelles ressources humaines interviennent à l'AFPA quand nous recevons des publics détenus : il s'agit de nos RH traditionnelles, au premier chef les formateurs métier. À l'AFPA, ne sont formateurs que des personnes qui totalisent cinq à dix ans d'expérience dans le métier, puis formées au titre de formateur. Depuis cinq à six ans, nous avons créé, à côté de la signature pédagogique de l'AFPA, une signature accompagnement. Celle-ci s'adresse aux publics les plus fragiles, quels qu'ils soient. Pour les détenus, l'accompagnement est au moins aussi important que la formation métier. C'est une des raisons pour lesquelles nos formations coûtent plus cher que d'autres.

Les séances de formation sont soumises aux règles inhérentes aux établissements. Les horaires sont adaptés. Nous travaillons avec l'administration pénitentiaire quand elles ont lieu en interne. Par ailleurs, des personnes ont l'autorisation de sortir de leur maison d'arrêt pour se former à l'AFPA, retournant le soir en détention. Ces personnes sont identifiées et mêlées aux autres publics, sans être signalées à leurs collègues. Les formateurs n'ont pas de spécificité particulière. En revanche, les accompagnateurs savent à quel point il faut être vigilant pour que les personnes suivent et réussissent.

Avec la région Centre-Val-de-Loire, l'appel d'offres est rédigé de telle sorte que nous pouvons y répondre. Il comporte notamment des formations à la restauration, à l'électricité, à la propreté, une préparation aux métiers de la fibre optique, une formation au métier d'employé commercial en magasin et de la préparation métier second œuvre qui permet de travailler partout en sortie.

Vous souhaitiez savoir si le nombre de nos interventions s'était accru. Vous avez compris que ce nombre avait subi un net recul par rapport à la période précédant la décentralisation en 2014. Nous comptabilisons aujourd'hui 230 personnes sous main de justice, qui ne sont pas toutes détenues. Nous formons à 250 métiers, du niveau CAP au niveau bac+2. Nous formons à tous les métiers possibles : aucun métier n'est réservé aux hommes, pas plus qu'aux femmes.

Vous souhaitiez connaître le taux d'insertion des détenus. Nous ne connaissons pas ce chiffre, de fait que, conformément à la RGPD – la révision générale des politiques publiques –, nous ne savons pas toujours que les personnes sont sous main de justice par exemple. Le taux d'insertion à l'AFPA dans les six mois s'établit néanmoins à 67 %, y compris pour des personnes très éloignées de l'emploi.

Vous souhaitiez savoir comment le travail de l'AFPA s'articule avec celui des régions. Nous répondons, ou non, à leurs appels d'offres. Néanmoins, dans le cadre de nos missions nationales de service public, nous mettons en œuvre des dispositifs particuliers. Par exemple, « Déclic pour l'action » est destiné aux jeunes de 16 à 26 ans : la mission locale peut nous demander de déconcentrer un atelier de Déclic dans la maison d'arrêt. Celui-ci est d'autant plus intéressant qu'il propose le code de la route, beaucoup de détenus peinant à réussir l'épreuve. Nous avons dû adapter notre outil pédagogique, l'usage d'Internet n'étant pas autorisé en prison.

Parmi nos relations avec l'administration pénitentiaire, je souhaite appeler votre attention sur la convention que nous avons signée, à deux niveaux avec l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle des personnes placées sous main de justice. Nous avons d'ailleurs été partenaires dès sa préfiguration. Cette convention nous permet d'accueillir des personnes qui réalisent leur peine chez nous. De plus, nous expérimentons la possibilité qu'une peine de TIG – travaux d'intérêt général – prescrite par le magistrat prévoie deux semaines de présentation des métiers à l'AFPA. Cette modalité permettrait aux personnes concernées d'entreprendre une formation dès la fin du TIG.

Vous souhaitiez par ailleurs recevoir des précisions sur les missions locales. Celles-ci prescrivent chez nous dans le cadre de nos missions nationales de service public.

Par ailleurs, vous souhaitiez connaître nos préconisations pour améliorer la situation. Pour ma part, j'ai relevé que l'accès à la formation sur notre territoire était très disparate selon les volontés politiques. Il nous semblerait important de disposer de contrats d'objectifs, correspondant à la dotation de décentralisation, importante mais qui n'est pas consacrée entièrement la formation des détenus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.