Intervention de Isabelle Verrecchia

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 10h05
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Isabelle Verrecchia, déléguée générale de la Fondation du Groupe M6 :

Nous ne sommes pas employeurs en milieu pénitentiaire : la Fondation du groupe M6, créée en 2010, s'est donné pour objectif de soutenir et de porter des projets à destination de l'univers carcéral. Nos actions visent à soutenir sur le terrain des actions ou à mettre en œuvre nous-mêmes des actions favorisant la réinsertion des personnes qui ont un lien avec la justice, autour de deux axes : le retour à l'emploi et les alternatives à l'incarcération.

Nous avons décidé d'endosser un rôle de plaidoyer et de chef de file auprès du monde socio-économique à l'égard des personnes placées sous main de justice. Nous souhaitons mettre à disposition des entreprises différents outils que nous avons développés dans nos expérimentations. En 2018, nous avons produit, avec l'Institut Montaigne, le rapport « Travailler en prison : préparer vraiment l'après ». Nous avons accompagné sur le terrain une dizaine de projets sur les questions du retour à l'emploi. Sans être employeurs en détention, nous sommes employeurs en sortie, proposant des postes en CDI et en CDD, ainsi que des contrats d'alternance. Le sujet du travail en prison ne peut être pensé sans celui du travail à la sortie.

Vous nous avez interrogés sur les modalités actuelles d'organisation du travail en prison. Le rapport que nous avons produit laisse penser que le travail en prison et la formation professionnelle constituent un levier important de réinsertion. Ces outils restent malheureusement sous-estimés et sous-utilisés. Des changements s'opèrent néanmoins. L'offre de travail et de formation en prison reste insuffisante en quantité et sur la nature des tâches confiées.

Le salaire horaire, mis en place par la loi de 2009, se heurte à des difficultés de mise en œuvre. Cette rémunération n'est pas généralisée. En effet, une entreprise est parfois confrontée, sur un poste, à des personnes qui ne sont pas aptes à travailler, trop éloignées de l'emploi ou souffrant de problèmes psychologiques ou psychiatriques. Nous avions proposé que ces ateliers de travail soient réservés aux personnes les plus proches des compétences attendues à l'extérieur : les autres personnes devaient être orientées vers des structures de réinsertion par l'activité économique. Celles-ci sont en train de se développer.

La réforme du statut du détenu travailleur est essentielle, notamment pour faciliter la mobilisation des entreprises et redonner de la dignité au travail carcéral. En effet, le travail en prison pâtit d'une mauvaise image. La nature des tâches confiée constitue un premier obstacle : tous les détenus ne peuvent réaliser des tâches à valeur ajoutée. De plus, en détention, il faut confier des tâches qui existent sur le marché du travail à l'extérieur.

Les bouleversements actuels des modes du travail, sous l'influence des technologies numériques, risquent de tarir encore davantage l'offre de postes en détention. Ce sujet de l'accès au numérique constitue donc un sujet essentiel pour les entreprises : elles doivent pouvoir accéder à Internet en détention, ou y développer des activités tertiaires. De plus, il faut réduire la fracture numérique avec les personnes incarcérées, pour les rendre autonomes dans leur recherche d'emploi à leur sortie.

Nous avions recommandé la création d'une agence dédiée à la question du travail, pour proposer un guichet d'entrée unique aux entreprises souhaitant développer une action en détention. Pour l'heure, elles ont affaire à différentes portes d'entrée au niveau régional. Nous développons également, à la prison de Melun, une formation et une entreprise sur le métier de développeur web.

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