Intervention de Stéphane Soutra

Réunion du mercredi 13 octobre 2021 à 10h05
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Stéphane Soutra, gérant d'Atlantique façonnage, secrétaire de l'ACPF :

Je trouve les propos de M. Guillet très fructueux : il découvre le milieu carcéral et nous comprenons qu'il faut de la proximité. C'est le nerf de la guerre. Dans une maison centrale, le public est différent : ce sont des métiers largement valorisables, permettant de former les opérateurs. Pour notre part, avec deux détenus, nous ne pouvons mettre en place un encadrant et nos contrats spécifient que nous devons encadrer le travail.

Quel bilan tirons-nous de la mise en place du salaire horaire minimal depuis 2009 ? La rémunération horaire est-elle respectée dans tous les ateliers de production ? La rémunération à la pièce est-elle encore pratiquée ? Le seuil de rémunération de l'opérateur minimal, fixé à 45 % du SMIC est compatible, pour nos structures, avec le marché économique local. Il nous permet d'être attractifs face à nos concurrents – ESAT, ou établissement et service d'aide par le travail, logisticiens, entreprises, qui délocalisent en partie. Se pose cependant la question des seuils utilisés par l'administration pénitentiaire dans les services généraux et les formations.

Sur les ateliers ou les postes de travail dont l'activité implique une rémunération horaire – cadence fixée par une machine, logistique de très petite série ou activités complexes –, nous payons les salariés à l'heure, au-delà du tarif horaire minimal. Sur les activités rémunérées à la pièce, le prix est calculé sur la base du taux de rémunération minimal : le prix horaire est garanti si la cadence est atteinte. Je regrette néanmoins l'incapacité de l'administration pénitentiaire à fournir des relevés d'heures probants, car aucun outil de collecte de temps n'est installé. La discussion sur la rémunération est d'autant plus difficile. La loi de 2009 prévoyait 45 % du SMIC pour les entreprises de production et, pour les services généraux, 33, 25 et 20 % selon la qualification de la personne. Nous trouvons paradoxal qu'un opérateur puisse être rémunéré différemment en fonction de son niveau de qualification et de compétence quand il intervient pour le compte du service général et que, quand il s'agit d'une activité de production, le niveau de qualification ou de compétence ne soit pas pris en compte. La rémunération horaire est alors supérieure de 36 à 225 %.

Enfin, nous estimons que la rémunération horaire généralisée est inadaptée. Le paiement dit « à la pièce », comme dans l'agriculture par exemple, doit être encadré et transparent pour être considéré à sa juste valeur et permettre à tous d'en tirer des avantages. Un nombre significatif de nos adhérents continuent de pratiquer le paiement à la pièce. Ce mode de rémunération est légal et le texte de 2009 ne le remet pas en cause. La cadence sur laquelle est fondée la rémunération doit être validée de manière contradictoire par l'administration pénitentiaire, comme c'est le cas dans différents sites. Cette situation engendre très peu de contentieux. Nous avions envisagé de créer un comité de rémunération local qui permette de traiter les cas particuliers, avec un écart lié à la détermination de la cadence, ou aux capacités intrinsèques de l'opérateur. Nous rémunérons des personnes à la pièce : très peu sont en dessous et nous préférons les personnes qui sont au-dessus, car elles produisent davantage. Avec le paiement à la pièce, les règles sont claires et partagées dès le début, sans discrimination lors de l'intégration des personnes détenues dans les ateliers. Il apparaît que tous les opérateurs progressent vers le respect de la cadence, dans un laps de temps certes différent en fonction de la capacité de chacun. Nos encadrants n'exercent aucune pression sur la productivité individuelle et restent concentrés sur la qualité des réalisations, ce qui évite les conflits. Nous recensons très peu ou pas de déclassement associé au respect des cadences. Le talent et la performance individuels sont directement valorisés et appréciés, ce qui est très adapté au profil de la population carcérale.

Quant aux aspects économiques, nous constatons l'absence de surcoût pour le concessionnaire et la nécessité de bien évaluer les cadences pour tout le monde. En cas d'erreur, le concessionnaire doit prendre ses responsabilités sans pénaliser l'opérateur. Nous sommes favorables au maintien d'une rémunération au niveau de la réalisation individuelle et au respect du texte de 2009.

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