Intervention de Marc Hecker

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 10h45
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Marc Hecker, directeur de la recherche et de la valorisation de l'Institut français des relations internationales (IFRI), chercheur au Centre des études de sécurité de l'IFRI :

Des études internationales existent au sujet du risque zéro. Elles tendent à démontrer que le risque de récidive ou de réengagement terroriste en général, même sans recours à des programmes, est faible, c'est-à-dire inférieur à 5 %. Cela complique considérablement l'évaluation des programmes de désengagement, puisqu'on ne peut pas affirmer que les personnes ne récidivent pas grâce au programme suivi ou parce qu'elles seraient de toute façon sorties de leur trajectoire djihadiste. En France, nous avons connu des cas de récidive très marquants, à l'image de ceux de Chérif Kouachi ou de Larossi Abballa, ce qui explique l'importance particulière que l'on attache à cette question, même si, statistiquement, cela reste un phénomène marginal.

Sur le plan de la comparaison internationale, il existe deux modèles principaux en détention : un modèle de concentration des détenus, comme aux Pays-Bas avec la prison de Vught ; un modèle de dispersion des détenus, comme au Canada, visant à éviter les phénomènes de groupe, permettant d'isoler les individus des autres djihadistes, mais aussi de l'ensemble de la population carcérale.

En dehors de la détention, il est à noter que nous disposons d'une conjonction des modèles internationaux de désengagement qui s'est effectuée au cours des dernières années. Un certain nombre d'arènes internationales y ont contribué : l'Organisation des Nations unies – ONU –, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – OSC – ou encore l'Union européenne via des échanges de bonnes pratiques entre États, comme le Radicalisation Awarenesss Network, auquel je participe. Ce réseau a été instauré par la Commission européenne. Il s'y opère régulièrement des discussions entre praticiens des États membres sur les méthodes de désengagement, au cours desquelles on constate que les trois piliers que j'ai décrits précédemment – social, psychologique et idéologique – sont intégrés de plus en plus souvent dans les programmes à travers le monde. Je dirais que la France s'est ajustée au niveau international avec les programmes RIVE et PAIRS. Des modalités diverses existent évidemment selon les pays. Par exemple, on constate qu'en Belgique et au Danemark, les municipalités jouent un rôle plus important dans le désengagement que dans d'autres pays.

L'institutionnalisation des dispositifs peut présenter des avantages et des inconvénients. Nous serions certainement confrontés à un problème d'expertise interne s'il fallait institutionnaliser ces questions. Je ne suis pas sûr que les SPIP disposent de la compétence nécessaire pour gérer de tels programmes. Par ailleurs, les contraintes horaires sont très fortes, ce qui créerait des problèmes en interne. Ainsi, dans le programme PAIRS, les professionnels travaillent le week-end et organisent des rendez-vous tard en soirée. Il existe en effet certains avantages à l'externalisation, en particulier une possibilité de flexibilité qui n'est pas nécessairement possible en interne.

Pour finir, si le phénomène de radicalisation était amené à décroître au cours des prochaines années, nous pourrions tout simplement ne pas renouveler l'appel d'offres, évitant alors les problèmes liés à la création de fonctions en interne que nous peinerions ensuite à nourrir, voire à faire disparaître.

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