Intervention de Stéphanie Lassalle

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 14h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Stéphanie Lassalle, conseillère technique de Citoyens et justice :

Citoyens et justice est une fédération nationale d'associations sociojudiciaires. Elles interviennent au pénal dans le cadre de mandats de l'autorité judiciaire pour des mesures alternatives, d'accompagnements – contrôle judiciaire socio-éducatif, placement à l'extérieur – et d'investigation – enquêtes sociales ou de personnalité – auprès de majeurs, d'enfants et adolescents. Il s'agit d'un réseau de 150 associations présentes sur le territoire métropolitain et ultra-marin.

Concernant la détention provisoire, la politique pénitentiaire et la politique pénale sont proches. En janvier 2020, 25,9 % des personnes détenues l'étaient au titre de la détention provisoire, contre 28,5 % en janvier 2021. Ce phénomène concerne en premier lieu l'autorité judiciaire et le législateur qui, projet de loi après projet de loi, se posent de manière sporadique la question de la détention provisoire. Pourtant, le rapport sur le sens et l'efficacité des peines rendu par M. Bruno Cotte et Mme Julia Minkowski en 2018 indiquait déjà : « Il s'impose impérativement et sans délai de réduire le nombre de placements en détention provisoire qui est, dans une très large mesure, à l'origine de la tragique surpopulation carcérale et d'encourager au contrôle judiciaire socio-éducatif qui devait être toujours privilégié par rapport à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. »

Peu de dispositions auront été prises dans le cadre de la LPJ – loi de programmation et de réforme pour la justice –, que les chantiers de la justice avaient vocation à préparer. Peu le seront également dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Il est fondamental que le contrôle judiciaire socio-éducatif, éprouvé depuis plus de quarante ans, se voie accorder une place majeure dans l'échelle des alternatives à la détention. Il doit être préféré à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Cette dernière demeure dénuée d'accompagnement, à moins qu'elle ne soit adossée aux cinquième et sixième alinéas de l'article 138 du code de procédure pénale, qui prévoit une dimension socio-éducative. Au-delà de la possibilité pour l'accusé de changer de trajectoire avant même d'avoir été jugé, il s'agit d'une infinité d'éléments susceptibles de pouvoir éclairer le magistrat sur sa situation matérielle, sociale et familiale. Ces éléments doivent être collectés plus sûrement que dans le cadre des enquêtes sociales rapides qui sont renseignées dans des conditions qui ne se prêtent pas forcément à un exercice optimal.

Depuis plus de quinze ans, le législateur appelle au développement des aménagements de peine. Or le constat demeure amer. Au 1er juillet 2021, un an et trois mois après l'entrée en vigueur de l'une des mesures phares de la LPJ concernant le renforcement du prononcé des aménagements de peine ab initio permettant d'éviter l'incarcération, la proportion de personnes détenues pour des peines inférieures ou égales à un an s'établit autour de 26 %. Depuis février 2020, le placement à l'extérieur non hébergé par l'administration pénitentiaire a évolué de 6 %. La détention à domicile sous surveillance électronique progresse de 20 %, même si la semi-liberté recule d'autant. Nous constatons que la pandémie et le premier confinement ont entraîné une augmentation de 36,5 % des placements à l'extérieur non hébergés en avril 2020. Florent Gueguen rappelait l'utilité de cet aménagement de peine, qui est particulièrement adapté aux personnes les plus fragilisées, les plus isolées et parfois présentant le plus grand risque de récidive. Cette augmentation de 36,5 % souligne un effort qui n'a pas été poursuivi à la suite du confinement. Nous avons atteint 913 mesures en file active en mai 2020.

Il est nécessaire de sortir de l'incantation du développement des aménagements de peines. Nous devons y préférer la phase d'évaluation de ce qui fonctionne ou non afin de trouver les ajustements qui s'imposent. La direction de l'administration pénitentiaire – DAP – reconnaît que l'évaluation constitue un problème. Nous avons tendu la main à l'administration pénitentiaire à plusieurs reprises. À ce jour, nous n'avons pas été en mesure d'échanger aussi loin que nous l'aurions souhaité.

Concernant la coordination des acteurs, trop d'associations partenaires souffrent des velléités de certains services pénitentiaires d'insertion et de probation qui les considèrent comme des prestataires. Ces services entretiennent une relation hiérarchique descendante avec les associations. Lundi 18 octobre, sans consultation ou information préalable, la direction de l'administration pénitentiaire a publié un marché public visant à l'élargissement de l'expérimentation du contrôle judiciaire. Elle suggère un placement probatoire du conjoint violent en pré-sentenciel et un placement à l'extérieur en post-sentenciel. Pourtant, à plusieurs reprises, Citoyens et justice a questionné le ministère de la justice et la direction de l'administration pénitentiaire sur leurs intentions quant à l'élargissement de l'expérimentation en placement. Nous avons présenté des dispositifs opérants en suggérant que les associations puissent intégrer cette expérimentation afin d'identifier différentes modalités d'accompagnement des auteurs de violence au sein du couple. Cette proposition est restée lettre morte. Aujourd'hui, nous déplorons cette situation qui questionne le type de relations que l'administration souhaite développer avec ses partenaires et le mode de contractualisation qui pourrait être adopté dans les années à venir.

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