Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française
Jeudi 21 octobre 2021
La séance est ouverte à quatorze heures trente.
(Présidence de Mme Maud Gatel, membre de la commission)
Je supplée M. Philippe Benassaya, président de la commission d'enquête. Malheureusement retenu par un engagement de circonscription, il ne peut être parmi nous cet après-midi. Je vous prie de l'excuser.
Cette commission d'enquête a été créée à la demande du groupe Les Républicains en vue d'identifier les dysfonctionnements et les manquements de la politique pénitentiaire française, constatés de longue date, mais que les pouvoirs publics peinent à corriger.
Nous nous sommes fixé un vaste cadre d'investigation. Je suis accompagnée de Mme Caroline Abadie, rapporteure de cette commission d'enquête. Avec vous, nous entamons un moment consacré aux associations partenaires de l'administration pénitentiaire. Cette première table ronde réunit des associations menant une réflexion sur la question carcérale. La suivante réunira des associations intervenant en milieu carcéral.
Nous avons bien conscience que l'un ne va pas sans l'autre et que nous ne pouvons pas réfléchir à la question pénitentiaire sans la connaître de l'intérieur. Nous ne saurions intervenir auprès des détenus sans mener une réflexion à propos de la prison. C'est la raison pour laquelle le questionnaire qui vous a été adressé embrasse ces deux aspects.
En termes de méthode, il vous sera demandé de proposer un exposé de cinq minutes maximum pour permettre des échanges de questions et de réponses. À l'issue de l'audition, et jusqu'à mi-novembre, vous avez la possibilité de nous transmettre des communications écrites si vous souhaitez préciser certains points.
Depuis la fin du mois d'août, nous avons mené un certain nombre d'auditions. Elles nous permettent d'examiner l'évolution des politiques carcérales et pénitentiaires de notre pays et notamment le fléau que nous peinons à endiguer de la surpopulation carcérale. Nous cherchons à en mesurer les impacts, notamment concernant le bâti, les conditions de détention, la réponse pénale, la réinsertion, l'activité en détention, le traitement de la radicalisation, etc. Nous nous sommes fixé un large cadre et nous avons abordé différentes thématiques telles que le travail, la formation, le plan prison, etc. Avec vous, nous sommes heureux de pouvoir disposer d'un regard hors administration pénitentiaire de personnes qui connaissent le milieu carcéral. Je vous poserai des questions précises à la suite de vos propos liminaires.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Sabrina Delattre, Mme Sophie Diehl, M. Florent Gueguen, Mme Stéphanie Lassalle, Mme Cécile Marcel, Mme Carolina Nascimento et Mme Prune Missoffe prêtent successivement serment.)
Notre association de défense des droits de l'homme en milieu carcéral existe depuis vingt-cinq ans. Elle a pour mission de porter à la connaissance du plus grand nombre les conditions de détention. Par ailleurs, l'Observatoire international des prisons alerte sur les dysfonctionnements et les atteintes au droit en prison et promeut le respect des droits et de la dignité par des actions de plaidoyer et en justice. Nous avons notamment porté la question de la dignité des conditions de détention devant la Cour européenne des droits de l'homme à plusieurs reprises. Une décision de janvier 2020 condamne la France pour ses conditions de détention et sa surpopulation carcérale. Les questions que vous nous avez posées sont extrêmement vastes. Nous ne pourrons pas revenir sur l'intégralité d'entre elles compte tenu du temps de parole qui nous est imparti. Par conséquent, nous vous transmettrons une contribution écrite.
La population carcérale a connu une évolution importante au cours des quarante dernières années. En effet, elle a doublé depuis 1980, passant de 35 000 à 70 000 détenus environ. Il est important de s'intéresser aux facteurs qui ont contribué à cette évolution. Or, si la question de la surpopulation carcérale est régulièrement associée à celle de l'évolution de la délinquance, ces éléments doivent être décorrélés. Par ailleurs, les chiffres de la délinquance sont à considérer avec précaution, tandis qu'ils présentent une certaine constance. Ainsi, sur cette longue période, nous assistons davantage à une stabilité de la délinquance. Depuis le début des années 80, il existe une diminution des violences les plus graves. L'insécurité ne connaît pas d'augmentation générale. Toutefois, il existe un accroissement du sentiment d'insécurité perméable à la médiatisation des faits divers.
Les facteurs d'augmentation de la population carcérale découlent plus sûrement des orientations et différents choix opérés en matière de politiques pénales. Depuis les années 90, de nouvelles infractions ont été créées et de nouveaux comportements ont été pénalisés, entraînant une explosion du nombre de courtes peines de prison – de moins de trois ans. Les données concernant la population carcérale en 2021, révélées par le projet de loi de finances 2022, indiquent que 26 % des personnes détenues purgent des peines d'emprisonnement de moins de six mois, soit un quart de la population carcérale. Ce taux est extrêmement préoccupant.
La surpopulation résulte également d'une augmentation du recours aux comparutions immédiates. Avec une moyenne de trente minutes d'audience, ce type de comparution ne permet ni de s'intéresser à la personnalité de l'accusé ni de trouver des modalités de peines autres que la prison. Ainsi, il existe huit fois plus de chance d'être condamné à la prison à la suite d'une comparution immédiate que dans le cas d'une audience classique.
Par ailleurs, depuis 2015, l'augmentation des détentions provisoires, qui relève d'une augmentation du nombre de détentions provisoires prononcées et de l'accroissement des délais avant jugement, participe à la surpopulation carcérale. Ainsi, nous constatons qu'un tiers de la population carcérale demeure en attente de jugement. Il s'agit d'un sujet alarmant. Enfin, nous constatons l'existence de peines de plus en plus sévères ayant comme conséquence un accroissement de la durée moyenne d'incarcération, passée en vingt ans de moins de huit mois à onze mois.
La question de la surpopulation est au cœur des débats sur les conditions de détention. Cependant, il me semble que cette thématique n'est pas analysée comme il se doit. Elle est en effet essentiellement étudiée depuis ses conséquences, soit à partir du nombre de places de prison, et non au travers de ses causes. Ainsi, depuis trente ans, nous construisons de nouvelles places de prison pour absorber cette augmentation de la population carcérale sans nous intéresser aux facteurs de cette surpopulation. M. Emmanuel Macron, dans un discours de 2018, revenait sur la construction de places de prison. Il indiquait que cette méthode consiste à répondre à un problème politique, moral et social par un problème immobilier. Il existe donc une conscience politique de ce phénomène que nous n'arrivons pas à traduire en actes.
Par ailleurs, ces constructions, si elles ne résolvent pas le problème, absorbent l'essentiel du budget de l'administration pénitentiaire. Ainsi, le projet de loi de finances 2022 prévoit près d'1 milliard d'euros pour les investissements immobiliers et la construction de 15 000 places de prison. Cet investissement est effectué au détriment de la prise en charge des personnes détenues et de leur quotidien en détention. Le budget prévu pour la prévention de la récidive et la réinsertion est de 91 millions d'euros pour l'année 2022. Or ces chiffres sont corrélés, l'un venant puiser les ressources de l'autre. Lorsqu'il est question de la construction de nouvelles places de prison, il s'agit de l'accroissement du parc immobilier.
La Cour européenne des droits de l'homme, dans sa condamnation de la France, indique qu'il est primordial de revoir la méthode de calcul de la capacité opérationnelle des établissements pénitentiaires. Il est ainsi nécessaire de ne plus seulement s'intéresser au nombre de mètres carrés attribués à un détenu, mais à l'ensemble des capacités de prise en charge de cette personne en vue de sa réinsertion. La capacité de prise en charge d'un détenu comprend : la dimension des espaces collectifs, l'offre de formation, de travail, d'activités, de soins et la capacité de suivi des services pénitentiaires d'infraction et de probation. Cette injonction n'a pas été entendue jusqu'à présent.
Lors d'une précédente audition, madame Abadie, vous posiez la question de l'encellulement individuel. Vous indiquiez que ce dernier ne pourrait pas être remis en question dans la mesure où la prise en charge des personnes est adaptée. L'encellulement individuel ne correspond pas à une obligation, mais à un droit. Il s'agit d'une notion fondamentale qui ne peut être imposée.
Il existe une pénurie d'activités en détention qui ne permet pas de répondre à la demande de prise en charge. Cette dernière est aggravée par la surpopulation carcérale, avec une moyenne d'environ trois heures trente d'activité par jour en semaine et moins d'une demi-heure le week-end. Or, puisqu'il s'agit d'une moyenne, il demeure nécessaire d'analyser ces chiffres à l'aune du type d'établissement de privation de liberté qu'ils concernent. Ainsi, les maisons d'arrêt qui concentrent les prévenus et les détenus effectuant de très courtes peines disposent d'un nombre d'activités plus faible. Les personnes sous main de justice en maison d'arrêt passent vingt-deux à vingt-trois heures par jour dans des cellules de neuf mètres carrés partagées par deux voire trois détenus. Pourtant, le Conseil de l'Europe préconise au moins huit heures d'activité hors de la cellule chaque jour.
La préparation à la sortie pâtit également des moyens qui lui sont octroyés. Pour assurer un suivi dans de bonnes conditions, toutes missions confondues, l'objectif admis par le Président de la République prévoit un ratio de 40 personnes suivies par un conseiller d'insertion et de probation. Ce quotient impliquerait de créer au moins 2 500 postes. En réalité, 1 500 postes seront créés par le gouvernement d'ici à 2022, parmi lesquels 840 conseillers d'insertion et de probation seulement. Aujourd'hui, en pratique, un conseiller d'insertion peut suivre jusqu'à 120 personnes. Certains détenus sortent de détention avant même d'avoir pu rencontrer leur conseiller.
L'état de santé des personnes sous main de justice est d'ores et déjà dégradé à l'entrée en détention. L'expérience carcérale aggrave cette situation. En effet, ce milieu favorise le développement de troubles psychiques et psychosomatiques, les pathologies addictives, les comportements violents, etc. Il existe une réelle carence en termes de professionnels de santé en détention. En 2021, pour mille personnes détenues, il existe moins d'un emploi temps plein de spécialiste et environ cinq psychologues. Certains détenus attendent jusqu'à huit mois pour entamer un suivi psychologique.
Notre réflexion et nos actions sont organisées au travers de groupes de travail thématiques. Notre groupe de travail sur les prisons se préoccupe de tous les types de privations de liberté.
Concernant la construction de nouvelles prisons, soit les questions 4 et 9 de votre questionnaire, ce phénomène est directement lié à celui de l'évolution du budget. Ce sujet a été évoqué par l'OIP. La formulation de la question 9 m'a interpellée : « Les programmes immobiliers en cours sont-ils suffisants pour le traitement de la surpopulation et les conditions de détentions ? ». Cette formulation induit que les programmes immobiliers représenteraient une solution à la surpopulation carcérale. C'est en ce sens qu'a été formulée au printemps dernier, l'annonce du plan 15 000, qui conduira à la construction de 15 000 places de prison supplémentaires à l'horizon 2027.
La construction de ces 15 000 nouvelles places est vouée à absorber l'augmentation de la population carcérale prévue par rapport au nombre de personnes détenues. Le gouvernement n'a pas la volonté d'inverser la tendance. Nous sommes interpellés par ce plan de construction présenté comme une solution concrète et réaliste.
La question peut être vue sur l'amont ou l'aval. N'engageons pas de procès d'intention contre ce questionnaire.
La formulation m'interroge mais j'entends votre réponse. La construction de nouvelles places de prison ne constitue pas une solution, mais un problème. Elle participe du dysfonctionnement actuel des politiques pénitentiaires. Les plans de construction de nouvelles places, plan 13 000, plan 11 000 et plan 15 000, existent depuis des décennies. Or ils constituent tous des échecs. Ce constat était d'ores et déjà formulé par le secrétaire d'État à l'intérieur de Louis XVIII qui indiquait « À mesure que les constructions s'étendent, le nombre de prisonniers augmente. » Depuis le XIXe siècle, nous constatons que la création de nouvelles places de prison induit le remplissage de celles-ci au travers d'une augmentation du nombre de prisonniers.
En 2016, nous avons dénoncé l'annonce d'un plan de construction de 10 000 nouvelles places de prison qui, sous couvert de pragmatisme, aggravait le problème de la surpopulation carcérale. Je vous transmettrai, dans le cadre de notre contribution écrite, le lien vers le dossier de presse réalisé à l'époque. Y figure un graphique représentant deux courbes, l'une correspondant à l'augmentation du nombre de places de prison, l'autre à la hausse du nombre de détenus. Ces deux courbes ne se croisent pas : elles évoluent en parallèle.
La construction de nouvelles prisons n'a jamais résolu le problème de la surpopulation carcérale. Il s'agit d'une approche quantitative qui ne traite que les conséquences de la surpopulation et favorise l'exécution de peines plus dures concernant la petite délinquance. La prison demeure une solution contre-productive, puisqu'elle favorise la récidive. Un certain nombre d'études indiquent que 59 % des individus sortants de prison sont de nouveau condamnés dans les cinq ans qui suivent. La prison favorise la récidive tandis qu'elle accentue la problématique des conditions de détention indignes. La localisation des prisons, loin des villes, pose également un problème d'accès pour les proches. Or la vie sociale et familiale des détenus participe à leur réinsertion.
L'accroissement du parc immobilier pénitentiaire grève le budget de l'administration ainsi que l'évoquait l'OIP. Dans le budget proposé pour 2022, la construction de nouvelles places de prison s'effectue au détriment du développement d'alternatives à la détention et à la prévention de la récidive.
Les nouvelles constructions correspondent à des bâtiments très sécurisés qui poursuivent un objectif de neutralisation, mais pas une politique de réinsertion par le développement des activités. Le Livre blanc de l'immobilier pénitentiaire, remis à Jean-Jacques Urvoas en 2017, indiquait déjà qu'il était primordial de centrer l'organisation des prisons non pas autour de la sécurité, mais autour de la réinsertion. L'une des propositions de ce rapport était de contraindre l'administration pénitentiaire à proposer cinq heures d'activité par jour et par détenu. Aujourd'hui, les détenus passent beaucoup de temps seuls dans leur cellule. Or le Conseil de l'Europe suggère huit heures d'activités par jour et par personne.
En 2000, une précédente commission d'enquête formulait déjà ces constats. La construction de nouvelles places de prison ne permet pas d'enrayer le problème de la surpopulation carcérale. Le président du CPT – le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants –, auditionné, indiquait : « Plus vous construisez de nouvelles prisons, plus vous avez de détenus dans un pays. C'est une loi que personne n'a réussi à mettre en défaut, il n'y a qu'à voir le parc actuel pénitentiaire français. Le nombre de places a augmenté à la suite du programme 13 000 et le nombre de détenus a crevé tous les plafonds. » Je vous invite à relire les travaux de vos prédécesseurs car les constats que je formule aujourd'hui avaient déjà été dénoncés.
La FAS regroupe plus de 800 associations de lutte contre l'exclusion. Il s'agit principalement d'associations gestionnaires de centres d'hébergement et de structures d'insertion par l'activité économique.
La situation sociale des détenus au moment de leur libération demeure critique. Nous constatons une forte précarité financière, une absence de logement voire d'hébergement, un manque de préparation à la sortie, des passages réguliers de la prison à la rue, des problématiques d'accès aux droits sociaux et aux soins et la rupture de soins et de longs délais de réactivation du RSA.
Parmi les détenus sortant de détention, 80 % vivent une situation de grande précarité. Ils subissent une sortie sèche sans aménagement de peine ni accompagnement social. Nous plaidons pour un droit à l'accompagnement des personnes en détention pendant l'incarcération et après, ce qui suppose un certain nombre de mesures. Ainsi souhaitons-nous le renforcement des SPIP – services pénitentiaires d'insertion et de probation –, aujourd'hui en surcharge. Nous pointons l'impérieuse nécessité de renforcer le travail entre les SPIP et les SIAO – services intégrés d'accueil et d'orientation –, plateformes départementales d'orientation des personnes vers l'hébergement, l'accompagnement et le logement. Ces dernières sont, pour beaucoup, adhérentes à notre association.
Les partenariats existants avec les SPIP, et plus généralement avec l'administration pénitentiaire, demeurent trop faibles. En ce sens, nous formulons un certain nombre de propositions. D'abord, il est nécessaire que les SPIP soient systématiquement associés à la gouvernance des SIAO ou du moins qu'ils puissent participer à l'examen des situations individuelles. Ensuite, nous recommandons la nomination de référents justice dans chaque SIAO. Ils en existent dans certains départements. Or il serait essentiel de les multiplier, cette mesure méritant d'être généralisée. Ces référents se rendent en détention pour préparer la sortie en lien avec le SPIP. Ils positionnent les publics en sortie de détention vers les solutions d'hébergement ou de logement qui existent sur les territoires. Nous constatons de réelles difficultés concernant la question de la perte du logement pendant la période de détention y compris s'agissant des personnes détenues pour de courtes peines. Des dispositifs permettant de garantir la disponibilité de ces logements s'avèrent essentiels. Les détenus doivent bénéficier d'une solution de logement à leur sortie.
Par ailleurs, nous plaidons pour le développement du travail en prison, notamment par l'intervention de structures d'insertion par l'activité économique en milieu carcéral. Nous visons essentiellement les entreprises et les chantiers d'insertion. Ces processus existent déjà. Toutefois, ils concernent de trop faibles volumes pour garantir un droit à l'accompagnement et à la formation des personnes sous main de justice. Les chantiers d'insertion permettent de proposer, outre une activité professionnelle, un accompagnement social et une préparation à la sortie régulièrement adossée à une formation professionnelle.
Nous soutenons le développement du placement extérieur. Beaucoup de nos associations gèrent des places d'hébergement dédiées aux mesures de placement alternatives à la détention. Le placement extérieur permet d'exercer une activité professionnelle et de bénéficier d'un accompagnement social tout en demeurant sous le régime de la peine et de la contrainte avec des horaires d'assignations, etc. Ce processus lutte contre la surpopulation carcérale, prépare la sortie et évite la récidive. Ces dispositifs sont insuffisamment développés.
Citoyens et justice est une fédération nationale d'associations sociojudiciaires. Elles interviennent au pénal dans le cadre de mandats de l'autorité judiciaire pour des mesures alternatives, d'accompagnements – contrôle judiciaire socio-éducatif, placement à l'extérieur – et d'investigation – enquêtes sociales ou de personnalité – auprès de majeurs, d'enfants et adolescents. Il s'agit d'un réseau de 150 associations présentes sur le territoire métropolitain et ultra-marin.
Concernant la détention provisoire, la politique pénitentiaire et la politique pénale sont proches. En janvier 2020, 25,9 % des personnes détenues l'étaient au titre de la détention provisoire, contre 28,5 % en janvier 2021. Ce phénomène concerne en premier lieu l'autorité judiciaire et le législateur qui, projet de loi après projet de loi, se posent de manière sporadique la question de la détention provisoire. Pourtant, le rapport sur le sens et l'efficacité des peines rendu par M. Bruno Cotte et Mme Julia Minkowski en 2018 indiquait déjà : « Il s'impose impérativement et sans délai de réduire le nombre de placements en détention provisoire qui est, dans une très large mesure, à l'origine de la tragique surpopulation carcérale et d'encourager au contrôle judiciaire socio-éducatif qui devait être toujours privilégié par rapport à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. »
Peu de dispositions auront été prises dans le cadre de la LPJ – loi de programmation et de réforme pour la justice –, que les chantiers de la justice avaient vocation à préparer. Peu le seront également dans le cadre de la loi pour la confiance dans l'institution judiciaire. Il est fondamental que le contrôle judiciaire socio-éducatif, éprouvé depuis plus de quarante ans, se voie accorder une place majeure dans l'échelle des alternatives à la détention. Il doit être préféré à l'assignation à résidence sous surveillance électronique. Cette dernière demeure dénuée d'accompagnement, à moins qu'elle ne soit adossée aux cinquième et sixième alinéas de l'article 138 du code de procédure pénale, qui prévoit une dimension socio-éducative. Au-delà de la possibilité pour l'accusé de changer de trajectoire avant même d'avoir été jugé, il s'agit d'une infinité d'éléments susceptibles de pouvoir éclairer le magistrat sur sa situation matérielle, sociale et familiale. Ces éléments doivent être collectés plus sûrement que dans le cadre des enquêtes sociales rapides qui sont renseignées dans des conditions qui ne se prêtent pas forcément à un exercice optimal.
Depuis plus de quinze ans, le législateur appelle au développement des aménagements de peine. Or le constat demeure amer. Au 1er juillet 2021, un an et trois mois après l'entrée en vigueur de l'une des mesures phares de la LPJ concernant le renforcement du prononcé des aménagements de peine ab initio permettant d'éviter l'incarcération, la proportion de personnes détenues pour des peines inférieures ou égales à un an s'établit autour de 26 %. Depuis février 2020, le placement à l'extérieur non hébergé par l'administration pénitentiaire a évolué de 6 %. La détention à domicile sous surveillance électronique progresse de 20 %, même si la semi-liberté recule d'autant. Nous constatons que la pandémie et le premier confinement ont entraîné une augmentation de 36,5 % des placements à l'extérieur non hébergés en avril 2020. Florent Gueguen rappelait l'utilité de cet aménagement de peine, qui est particulièrement adapté aux personnes les plus fragilisées, les plus isolées et parfois présentant le plus grand risque de récidive. Cette augmentation de 36,5 % souligne un effort qui n'a pas été poursuivi à la suite du confinement. Nous avons atteint 913 mesures en file active en mai 2020.
Il est nécessaire de sortir de l'incantation du développement des aménagements de peines. Nous devons y préférer la phase d'évaluation de ce qui fonctionne ou non afin de trouver les ajustements qui s'imposent. La direction de l'administration pénitentiaire – DAP – reconnaît que l'évaluation constitue un problème. Nous avons tendu la main à l'administration pénitentiaire à plusieurs reprises. À ce jour, nous n'avons pas été en mesure d'échanger aussi loin que nous l'aurions souhaité.
Concernant la coordination des acteurs, trop d'associations partenaires souffrent des velléités de certains services pénitentiaires d'insertion et de probation qui les considèrent comme des prestataires. Ces services entretiennent une relation hiérarchique descendante avec les associations. Lundi 18 octobre, sans consultation ou information préalable, la direction de l'administration pénitentiaire a publié un marché public visant à l'élargissement de l'expérimentation du contrôle judiciaire. Elle suggère un placement probatoire du conjoint violent en pré-sentenciel et un placement à l'extérieur en post-sentenciel. Pourtant, à plusieurs reprises, Citoyens et justice a questionné le ministère de la justice et la direction de l'administration pénitentiaire sur leurs intentions quant à l'élargissement de l'expérimentation en placement. Nous avons présenté des dispositifs opérants en suggérant que les associations puissent intégrer cette expérimentation afin d'identifier différentes modalités d'accompagnement des auteurs de violence au sein du couple. Cette proposition est restée lettre morte. Aujourd'hui, nous déplorons cette situation qui questionne le type de relations que l'administration souhaite développer avec ses partenaires et le mode de contractualisation qui pourrait être adopté dans les années à venir.
Nous souhaitions insister sur la question des enfants et des adolescents. Je vous renvoie à l'excellent rapport de 2021 du contrôleur général des lieux de privation de liberté qui fourmille d'exemples précis, complets et documentés. Nous souhaitions alerter sur les MNA – mineurs non accompagnés – et les conséquences possibles de l'entrée en vigueur du code de justice pénale des mineurs. En effet, nous craignons l'accélération des procédures notamment concernant des mineurs réitérants. Or nous connaissons le lien entre l'accélération des procédures et l'augmentation des peines d'incarcération. Dans certains EPM – établissements pénitentiaires pour mineurs –, les MNA ont pu représenter plus de 50 % de la population détenue. Ce chiffre est très important. Il pose la question de la primauté de l'éducation sur le volet répressif et questionne l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il est de nouveau consacré dans le code de la justice pénale des mineurs. Ces jeunes sont incarcérés pour des faits pour lesquels ils n'auraient pas été incarcérés s'ils n'avaient pas été des MNA. En ce sens, je vous renvoie à une étude publiée en interne de la PJJ – protection judiciaire de la jeunesse – sur les déferrements de mineurs qui objective ce phénomène.
Pour ceux qui sont incarcérés, la problématique des transferts est prépondérante. Il existe une note de la PJJ et de la DAP sur cette question. Nous plaidons pour que les transferts relèvent d'une décision conjointe, prise à parts égales entre la DAP et la PJJ. Par ailleurs, elle devrait être adossée à une véritable étude de la situation du jeune et de l'impact psychologique que pourrait engendrer son transfert.
Concernant le code de la justice pénale des mineurs, nous craignons que la multiplication des audiences uniques entre dix jours et trois mois après la saisine de la justice ait des répercussions sur l'incarcération. Les effets positifs tendraient à la baisse possible du taux de détention provisoire qui culmine à 80 % et à l'amélioration des aménagements de peine. Dans son discours à l'Assemblée nationale sur la césure pénale, Mme Nicole Belloubet indiquait que cette dernière consisterait, pour les réitérants, à pouvoir prononcer des mesures probatoires éducatives afin de les accompagner jusqu'au jugement. La césure pénale permettrait également d'inclure différentes entités pour juger avec un ordre chronologique prenant en compte la notion de parcours. En multipliant les possibilités d'avoir recours à une audience unique, cette idée première est mise à mal. Nous craignons un effet délétère et une hausse des incarcérations.
Notre association est une plate-forme d'information sur les conditions d'incarcération en France et dans le monde. Notre objectif est d'informer, de comparer et de témoigner sur les conditions de détention au regard des droits fondamentaux. À cette fin, nous recensons et nous vérifions les données disponibles, nous produisons de l'information, des connaissances et des savoirs que nous rendons accessibles. La finalité de notre association est de fournir des moyens d'agir à partir d'informations factuelles vérifiées et contextualisées.
Mon intervention fait écho à des éléments évoqués par mes collègues ici présents. Je souhaite apporter des éléments de réflexion que nous avons collectés et observés au cours des six années d'existence de notre association avec pour objectif de placer le système carcéral français dans son contexte européen et international. Nous soulignons l'importance de ce regard décentré, car la France a commencé l'année 2020 avec une condamnation historique par la Cour européenne des droits de l'homme qui a conclu à un problème structurel et a enjoint l'administration française à mettre fin au problème de surpopulation et aux conditions de détention dégradantes. Ce phénomène est d'autant plus d'actualité que la France s'apprête à présider le Conseil de l'Union européenne.
L'Office des Nations unies contre la drogue et les crimes préconise de limiter le recours à l'emprisonnement. Les Nations unies appellent les États à développer une stratégie adéquate pour répondre à la crise pénitentiaire. Cette stratégie inclut le développement d'alternatives à la détention évoquées par mes collègues, l'amélioration des conditions de détention et le renforcement du parcours de réinsertion.
Le recours à la prison, en France, n'est pas corrélé à l'évolution du nombre de faits violents recensés dans le pays. Le taux d'homicides indicateurs utilisé pour l'indice de développement humain demeure en baisse depuis les années 90 : il est passé de 2,3 en 1995 à 1,2 en 2009. Pourtant, la France incarcère de plus en plus. Le taux d'incarcération augmente depuis les années 2000 et atteignait 119 en 2020. Ces données proviennent des statistiques pénitentiaires européennes. La France se situe au-dessus de la moyenne européenne en matière de recours à l'incarcération.
Nous observons par ailleurs, dans les recherches internationales analysant le recours excessif à l'emprisonnement, que de plus en plus de comportements sont jugés criminels. La définition des motifs de l'infraction s'avère plus large et plus floue. Ainsi, des personnes qui n'avaient pas maille à partir avec la justice entrent dans le parcours pénal. Ce phénomène est lié au développement d'une politique dite « punitive ».
En France, nous constatons que les autorités continuent d'augmenter la taille des parcs carcéraux. Elles présentent ces mesures comme une réponse au défi de sécurité, et à la dégradation des conditions de détention. Pourtant, cette stratégie donne des résultats contraires à d'autres expériences développées par nos voisins européens. Les Pays baltes, l'Angleterre ou l'Allemagne, depuis quelques années, ferment progressivement des places de prison : l'insécurité n'a pour autant pas augmenté dans ces pays.
Je vous transmettrai davantage d'éléments par écrit.
Nous ne tomberons pas d'accord sur tous les sujets. Toutefois, je pense que nous avons tous la volonté d'améliorer les choses, bien que nous ne percevions pas les problèmes sous le même angle.
Si 15 000 nouvelles places sont prévues, il existe également des fermetures, des remplacements et surtout des entreprises de rénovation ou de réhabilitation. Je ne vous ai pas entendus sur ce sujet. Nous avons visité la prison des Baumettes dernièrement. Le résultat de la rénovation en cours de cet établissement est un succès. Cette réhabilitation permet l'accès à de nombreuses activités et ateliers qualifiés. Je pense notamment au dessin assisté par ordinateur qui permettra aux détenus qui le pratiquent de trouver plus aisément un emploi lors de leur sortie de prison. La construction d'une SAS – structure d'accompagnement vers la sortie – remédiera aux sorties sèches que vous dénoncez. Je vous rejoins d'ailleurs sur ce point.
Il est évident que les dernières administrations et nous-mêmes députés encore en exercice n'avons pas réalisé suffisamment de réformes du milieu carcéral. Pour autant, les structures type SAS vous paraissent-elles intéressantes ? Six mois avant la sortie, les détenus pourront disposer d'un accompagnement dans des structures où la sécurité est allégée. J'ai noté les propositions de la Fédération des acteurs de la solidarité qui vont dans ce sens. Un regard accru demeure nécessaire concernant la sortie.
Je vous remercie, madame Marcel, d'écouter nos différentes sessions malgré vos autres activités. Ma question concernant l'encellulement individuel était posée à Mme Claire Hédon, qui m'a répondu positivement : il s'agissait pour elle d'une évidence. N'est-il pas plus intéressant de disposer de huit heures d'activité plutôt que d'une cellule individuelle ?
Nous créons davantage de places de prison, tandis que le nombre de détenus augmente. Ce phénomène frustre plusieurs générations de députés qui ont créé des outils pour éviter l'incarcération et favoriser les alternatives à la détention. Nous avons interdit la détention de moins de six mois qui existe pourtant. Le magistrat demeure indépendant, tandis que l'opinion publique s'avère de plus en plus intransigeante sur le sujet. Ainsi, si le taux d'insécurité reste stable depuis quarante ans, la population éprouve un sentiment d'insécurité grandissant. Elle est demandeuse d'un accroissement des incarcérations. Comment changer l'opinion publique ? Vous constituez des relais de l'opinion publique par rapport à ce qui se passe en prison.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention ce qui a été dit. Je pense qu'il faut effectuer un distinguo entre le nombre de places neuves et la réhabilitation. Les établissements propices à l'indignité de l'incarcération sont vétustes. Dans ce cas, il est primordial de réhabiliter les locaux pour que les conditions de détention soient dignes et qu'elles permettent de disposer des processus d'accompagnement. La volonté de globalisation nous écarte quelque peu de la réalité.
Je souscris aux propos de Mme la rapporteure : comment modifier la réflexion de l'opinion publique, qui souhaite de plus en plus d'incarcérations ? La population pense que la détention est une réponse à l'augmentation de la violence dans la société. Il est primordial que les réflexions sur les perspectives d'insertion soient portées par le plus grand nombre. Je n'ai pas le sentiment que cette observation est suffisamment reprise.
Nous sommes favorables aux SAS, qui permettent un accompagnement au plus près des personnes. Toutefois, nous émettons de fortes réserves sur le choix des détenus qui y sont placés. Il serait important que ces structures d'accompagnement à la sortie concernent les détenus en fin de longues peines. Elles ne doivent pas se substituer à la liberté pour de courtes peines d'emprisonnement. Les SAS peuvent accueillir des personnes condamnées à de courtes ou de longues peines. Or les détenus condamnés à de courtes peines n'ont pas leur place en prison. Ils devraient être pris en charge en milieu ouvert.
Les SAS ne doivent pas devenir une exception. Ces structures concentrent l'essentiel des moyens. Vous avez mentionné la prison des Baumettes. Des responsables de cet établissement, que j'ai rencontrés la semaine dernière, m'ont indiqué que les personnes détenues dans les bâtiments principaux se sentent abandonnées, car tous les moyens vont à la SAS où réside un petit nombre de détenus. La règle devient l'exception. Il s'agit également de notre réserve concernant les régimes Respect, qui offrent des moyens de détention améliorés, davantage d'activités, de formations et de travail à une minorité des détenus triés sur le volet. Ce processus laisse de côté la majorité des personnes sous main de justice.
Je ne suis pas certaine que Mme Claire Hédon serait d'accord avec votre interprétation de sa réponse. Vous l'avez soumise à un choix compliqué. L'encellulement individuel ne signifie pas nécessairement un accroissement des constructions ; il peut également s'agir de diminuer le nombre d'incarcérations, élément sur lequel nous insistons tous autour de cette table ronde.
En détention, le budget dédié à la question de la prévention de la récidive et de la réinsertion doit être mis en parallèle avec le budget réservé à la sécurisation. Nous devons décentrer notre angle d'approche. Que souhaitons-nous faire du temps de la peine ? Quel sens souhaitons-nous donner à la détention ? Le budget de 2022 connaît une augmentation de 120 % concernant la sécurisation. Un tiers est consacré au brouillage des communications par téléphone. Ce budget est de 145 millions d'euros, tandis que l'enveloppe dédiée aux questions de réinsertion est 91 millions d'euros.
Lorsqu'il est question de 15 000 nouvelles places de prison, il ne s'agit pas de réhabilitation des places de prison actuellement insalubres. Je vous rejoins, monsieur Krabal : un tiers du parc pénitentiaire a été estimé comme vétuste et insalubre en 2016. Le budget alloué à la rénovation est actuellement insuffisant, car l'essentiel est absorbé par la construction de nouvelles places de prison. Si nous réduisons le nombre de personnes détenues, nous pourrions utiliser l'argent prévu pour la construction de nouvelles places afin de rénover le parc pénitentiaire existant et d'offrir aux personnes détenues dans ces établissements des conditions de détention dignes.
Le budget 2022 est de 80 millions d'euros pour l'entretien des locaux du parc pénitentiaire existant.
Concernant les activités en détention, il existe des disparités entre les établissements. La répartition de l'offre est inégale sur le territoire national. Nous avions évoqué ce sujet dans le cadre du projet de loi sur la confiance dans l'institution judiciaire et l'accès au travail des détenus. Nous ne pouvons pas raisonner autour d'un ou de deux exemples. Nous devons considérer la question dans son intégralité, afin de mettre en exergue les disparités existantes entre les établissements.
Je ne dispose pas d'éléments d'évaluation objectifs concernant les SAS. Nous considérons que l'initiative est positive. Toutefois, à ce stade, nous ne pouvons pas l'évaluer. Je vous transmettrai par écrit d'éventuelles remontées sur ce sujet.
L'absence de logement pour les détenus à la sortie de prison nous semble constituer un problème majeur, sous-estimé par les politiques du logement. Le public placé sous main de justice est relativement absent de la stratégie gouvernementale sur le logement. Nous pourrions progresser en fixant des objectifs permettant de diminuer les sorties sèches et les situations de sans-abrisme liées à la détention.
La question de la communication à l'opinion publique se pose dans notre collectif. À ce jour, nous n'avons pas de solution si ce n'est de s'inscrire dans une démarche pédagogique pour accompagner le citoyen dans la compréhension des enjeux et des moyens.
Je souscris parfaitement à ce que disait Cécile Marcel sur les moyens dévolus aux SAS. En mai 2018, à Aix-en-Provence, la SAS des Baumettes nous a été présentée, et nous avons été surpris par les moyens déployés. Si nous pouvions disposer de moyens similaires en détention ordinaire ou pour la politique d'aménagement de peines, de nombreux problèmes seraient résolus.
Je propose d'effectuer un pas de côté et d'interroger la participation des autres politiques publiques. Les personnes écrouées en aménagement de peine et les individus placés sous main de justice restent étiquetés ministère de la justice et direction de l'administration pénitentiaire. Nous devons sortir de cette politique en silo pour instaurer une dynamique interministérielle comme il en existe pour la prévention de la délinquance, de la radicalisation ou la question de l'hébergement et de l'accès au logement. Cette instance pourrait concerner l'ensemble des politiques publiques afin que l'intégralité des acteurs soit concernée par notre public et qu'il ne reste pas l'apanage du financement de la direction de l'administration pénitentiaire. Nous parviendrions alors à financer de l'accompagnement et du bâti.
Il serait intéressant de regarder du côté des économies induites par les dispositifs déployés. Les dispositifs coûtent. Toutefois, ce coût n'engendre pas de décision alternative. Dans notre fédération, nous avons fait le pari de 5 000 placements à l'extérieur. Dans le projet de loi de finances 2022, le budget alloué au placement extérieur est de 8,3 millions d'euros. Or un dispositif d'envergure, avec un financement à la hauteur, pourrait contrecarrer le plan 15 000.
Je souscris aux propos de Florent Gueguen : une personne condamnée à une courte peine doit pouvoir conserver son logement. La délégation interministérielle à l'hébergement et l'accès au logement avait entamé des travaux en 2017. Simultanément, des discussions autour de la LPJ devaient entraîner la diminution du nombre de peines de moins de six mois donnant lieu à de la détention. De nos jours, 26 % des détenus sont incarcérés pour des peines inférieures ou égales à un an.
Sur quelles données s'appuie-t-on pour convenir d'une opinion publique généralisée quant à une volonté d'augmentation du nombre d'incarcérations ? Lors de son audition, M. Marcelo Fernando Aebi, responsable du programme SPACE – statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe –, s'interrogeait sur les éléments de recherche permettant d'aboutir à ce constat. Les différentes politiques publiques devraient être fondées sur des faits et des constats et non sur des ressentis qui peuvent changer selon les informations données.
Cécile Marcel évoquait la diminution du recours à l'incarcération, également revendiquée par plusieurs instances et associations internationales. Il s'agit de pistes concernant l'encellulement individuel.
Concernant le logement, je ne connais pas les procédures. Comment financer ce maintien à disposition pour les courtes peines ?
Tous les détenus en détention ordinaire devraient recevoir les mêmes moyens. Néanmoins, entretenir des contacts avec Pôle emploi lors d'une longue peine ne semble pas utile. J'entends cependant l'idée de disposer d'un accompagnement accru pour tous.
La formation professionnelle ne se porte pas mieux depuis que les collectivités territoriales en ont la charge. Il existe également un effet pervers quant à une participation interministérielle, car nous n'avons pas résolu le problème de l'opinion publique. Dans certains pays, la municipalité contribue à la formation professionnelle.
La prison s'est largement ouverte et transformée depuis quarante ans. Plusieurs institutions participent au quotidien des lieux de privation de liberté : associations, partenaires. Pour autant, l'opinion publique ne semble pas avoir changé. Avez-vous réfléchi à des éléments qui permettraient de tordre le cou aux idées reçues concernant le milieu carcéral ?
Quelles sont vos relations avec l'administration pénitentiaire ? Ont-elles connu une évolution ? Considérez-vous qu'il existe une amélioration de la prise en compte des droits humains parmi les membres du personnel des lieux de privation de liberté ?
Le maintien du logement ne coûte rien. Il nécessite simplement l'engagement d'une réflexion quant à des protocoles à mettre en place pour que l'ensemble des acteurs puisse prendre la part des missions qui sont déjà les leurs – caisses d'allocations familiales, fonds de solidarité pour le logement, etc.
Une mesure de placement à l'extérieur n'est pas intégralement financée par l'administration pénitentiaire. Le prix à la journée ne couvre pas le coût de la mesure. Par conséquent, les associations ont besoin de s'assurer de la participation d'un maximum d'acteurs appelés à contribuer au financement de la mesure.
Face à la raréfaction des financements locaux, les collectivités territoriales et l'ensemble des institutions locales se désengagent en indiquant que le public concerné est placé sous main de justice et qu'il relève donc de l'administration pénitentiaire.
L'opinion publique et les politiques s'autoalimentent. Le discours porté par le politique, notamment autour des projets de loi, conditionne cette opinion publique. Si nos constats dans le cadre de cette commission étaient portés publiquement, et que les politiques les défendaient auprès de l'opinion publique, il s'agirait d'un vecteur permettant son évolution.
Je rejoins Mme la rapporteure sur l'évolution du milieu carcéral au cours des quarante dernières années, avec une entrée du droit et de la société civile en détention. Il existe toutefois un schisme important entre les droits acquis et la pratique dans tous les domaines : santé, respect de la vie privée, etc. Des efforts demeurent à effectuer tandis que le droit au travail en prison n'est respecté ni dans la pratique ni dans la théorie. Le projet de loi pour la confiance en la justice propose des avancées insuffisantes à notre sens. Il existe un non-droit concernant le travail en prison en termes d'encadrement et de rémunération. Le droit à la dignité est également très largement bafoué dans nombre d'établissements pénitentiaires du fait de la surpopulation et des conditions d'insalubrité qui prévalent en particulier dans les maisons d'arrêt.
Je suis conseillère technique pour la justice des enfants et des adolescents. Je traite donc avec le ministère de la jeunesse. En 2015, plusieurs fédérations ont signé une charte d'engagement réciproque. Les relations avec la PJJ s'avèrent plus fluides depuis. Cette charte est évaluée tous les ans, tandis que nous travaillons actuellement un nouvel engagement réciproque. Nous disposons d'un véritable travail de co-réflexion.
Nous avons publié l'année dernière un rapport sur les violences perpétrées par des membres du personnel pénitentiaire sur les détenus. Il s'agit de violences non systémiques, mais portées régulièrement à notre connaissance. Nous étudions les moyens de lutte contre ces pratiques qui demeurent récurrentes dans les lieux de privation de liberté.
Je vous remercie. N'hésitez pas à nous transmettre avant mi-novembre des documents comme le rapport que vous venez d'évoquer, madame Cécile Marcel.
La réunion se termine à seize heures
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française
Présents. – Mme Caroline Abadie, Mme Françoise Ballet-Blu, Mme Maud Gatel, M. Jacques Krabal
Excusé. – M. Philippe Benassaya