L'Association des anciens du GENEPI couvre l'activité de 30 000 personnes intervenues en tant qu'étudiants pendant au moins une année auprès des personnes détenues. Nous existons depuis plus de quarante-cinq ans. Nos formations sont très variées. Dans la vie active, nous sommes présents dans différents secteurs professionnels ou associatifs, dans le monde carcéral ou de la justice. Nous n'intervenons pas actuellement en prison.
Vous évoquiez le temps long et l'inscription dans la durée. La longévité de notre organisation nous a permis de constater que peu d'éléments évoluent positivement. Le projet Rebond que nous menons actuellement devrait nous permettre d'intervenir de nouveau en prison afin de recréer un lien entre la société et l'univers carcéral.
Je n'ai pas reçu le questionnaire que vous avez mentionné. Mon propos se concentrera donc sur l'exposé des motifs sous-jacent à la création de cette commission d'enquête. Je contribuerai volontiers par écrit après cette réunion.
Dans cet exposé, il est fait référence à Cesare Beccaria, fondateur du droit pénal moderne, pour insister sur la seule vraie garantie de prévention et de récidive que constitue la certitude qu'une peine est effectivement exécutée. Le taux d'incarcération en France est présenté comme particulièrement faible. Il est mis en perspective avec ceux du Royaume-Uni et de l'Espagne qui présentent un fort taux d'emprisonnement. Pour nous, il s'agit d'un raccourci regrettable que d'assimiler l'exécution d'une peine à l'incarcération. En ce quarantième anniversaire de l'abolition de la peine de mort, c'est omettre que ce même juriste s'était signalé en développant la première argumentation contre la peine de mort. Au regard de notre expérience, nous souhaitons plaider ici pour la prise en compte de la finalité de notre justice. C'est par cette dernière que vivent les Républiques, c'est pour elle qu'a été conçu le contrat social, par elle que s'est forgée l'esprit républicain. La justice permet à un corps social de ne pas se déliter, chacun ayant le sentiment d'être justement traité dans le cadre des lois qui nous gouvernent. La justice doit représenter un horizon pour tous les citoyens. Dès lors, il est absolument nécessaire de penser le sens de la peine, de sa proportionnalité, de son effectivité, et de sa finalité notamment en termes de réinsertion. Par ce biais, il s'agit de concourir à la protection de la société dans son intégralité.
Mobiliser des moyens pour construire de nouvelles places en prison revient à maltraiter tous les acteurs qui contribuent au rendu de la justice au nom de notre République : les juges, les agents de probation, les assistants sociaux, les gardiens, etc. Le budget des ressources humaines est sacrifié aux projets immobiliers. Créer de nouvelles places en détention revient à tourner le dos à une autre approche, car la nature a horreur du vide. Le système s'attachera à remplir ces nouvelles places. Pourtant, le taux d'incarcération en France est de 105 détenus pour 100 000 habitants. Il compte parmi les plus importants d'Europe – 76 en Allemagne et 101 en Italie. Ce taux enregistre une baisse générale en Europe, y compris en Espagne ou au Royaume-Uni. Or il a cru en France de 2 %.
Il est temps de s'interroger sur la fuite en avant que ces chiffres démontrent. Des moyens supplémentaires demeurent nécessaires pour proposer un meilleur encadrement de la probation, une exécution de peines en prison plus humaine et non désocialisante, une sortie de prison moins problématique, une réduction de la population carcérale et une prise en charge en milieu libre de ceux qui peuvent et doivent l'être. Il s'agit d'autant de processus qui ne sont ni déraisonnables ni dangereux. Nous avons tous en tête l'épisode de la pandémie de covid-19, pendant laquelle a eu lieu la libération de plus de 10 000 personnes. Ces fins de détention ont permis de réduire la surpopulation carcérale et l'opinion publique ne s'en est pas offusquée. La surpopulation peut être traitée autrement que par la création de nouvelles places.