Nous sommes une association de familles, de parents ou de personnes concernées par des maladies psychiques sévères. Ces maladies s'expriment par des comportements qui amènent les malades à rencontrer la justice pénale. Nous vous avons transmis une longue réponse à votre questionnaire dont je ne pointerai ici que quelques points.
Nous disposons d'une convention avec l'administration pénitentiaire réalisée à la demande de l'administration du centre pénitentiaire de Château-Thierry. Ce dernier est spécialisé dans l'accueil de détenus présentant de très graves troubles psychiatriques et condamnés à de très longues peines. Ils nous ont incités à travailler à la surveillance et à la préparation de la réinsertion d'une population carcérale qui, dans une proportion importante –– 22 % –, n'a pas accès au sens de la peine. Ces détenus éprouvent des difficultés pour s'inscrire dans les règles du milieu carcéral. Leur accès à la réinsertion demeure difficile, ce qui les conduit à des récidives plus marquées que dans le cas du reste de la population carcérale. L'accès à la réinsertion représente un travail complexe pour lequel l'administration pénitentiaire offre peu de moyens. L'État souhaite recruter des SPIP. Or leur formation ne comprend que peu d'éléments sur les troubles psychiques. L'objectif est de passer d'un conseiller pénitentiaire pour quatre-vingts détenus à un pour soixante.
Concernant le logement des personnes précaires avec des troubles psychiques dans le cadre du dispositif « Un chez soi d'abord », que nous pilotons, le rapport est d'1 à 16. Concernant les dispositifs d'emploi accompagnés pour conduire vers l'emploi ou conserver l'emploi des personnes souffrantes des troubles psychiques, nous nous alignons sur la norme internationale qui est d'un pour douze. Même en parvenant à un rapport d'un pour soixante nous ne pourrions pas engager un sérieux travail de réinsertion. Cette population n'a pas sa place en prison. Il s'agit de 20 000 personnes, qu'il suffirait de sortir de prison pour régler la question immobilière en milieu carcéral. Ainsi, d'autres pays, notamment les Pays-Bas ont réussi à réduire leur parc pénitentiaire en mettant en place des dispositifs pour les personnes atteintes de troubles psychiques.
Il existe très peu de soins en prison et ces derniers sont de piètre qualité, ce que vous confirmera tout psychiatre qui connaît le milieu carcéral. Il existe 27 services régionaux pour 187 prisons. Chaque service ne peut travailler que pour la grosse prison auprès de laquelle il se trouve. Ces services connaissent un déficit d'un tiers en matière de recrutement.
Le docteur Guillaume Monod, responsable du service psychiatrique à la maison d'arrêt de Villepinte, nous a présenté certains éléments factuels. Il évalue à 100 ou 200le nombre de détenus ayant besoin de soins psychiatriques sur les 1 100 personnes incarcérées dans sa maison d'arrêt. Or il dispose d'un psychiatre, de trois infirmiers, de trois psychologues et de cinq infirmiers. Ces ressources sont cinq fois inférieures à ce que nous considérons nécessaire pour un hôpital de secteur. Par ailleurs, lorsque nous additionnons les UHSA et les UMD – unités hospitalières spécialement aménagées et unités pour malades difficiles – avec les quelques lits qui résistent dans les SMPR – services médico-psychiatriques régionaux – nous arrivons au mieux à 1 000 lits pour 20 000 personnes.
L'accès au soin est également rendu difficile par les relations avec les codétenus. On apparaît comme fragile en cas de maladie psychique. Le trafic de médicaments s'exerce fortement et prive les personnes qui en ont besoin. C'est un mirage que de penser qu'il existe des soins en prison. La construction d'UHSA et UMD supplémentaires ne résoudra pas ce problème, car, une fois sortis de ces lieux, les détenus retournent en prison, où les soins seront abandonnés. En moyenne, un prévenu doit attendre six mois pour disposer d'une première consultation avec un psychologue. La durée moyenne de séjour en maison d'arrêt est de dix mois.