Intervention de Patricia Arnoux

Réunion du mardi 26 octobre 2021 à 17h00
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Patricia Arnoux, directrice de l'association Évi'dence :

Je suis directrice de l'association Évi'dence que j'ai fondée il y a une quinzaine d'années, spécialisée sur la médiation animale dans le milieu pénitentiaire. Nous sommes basés dans le Grand Est, plus précisément à Strasbourg, dont le centre pénitentiaire a été le premier à ouvrir ses portes à des animaux. Cette action n'ayant aucun antécédent, il s'est agi d'un véritable défi que nous avons pu relever grâce à l'aide de la direction, des surveillants et de l'ensemble de l'équipe. En effet, certains ont été surpris de nous voir entrer dans un milieu aussi fermé accompagnés d'un chien, d'un oiseau ou encore d'un cochon d'Inde.

La prévention du suicide a constitué notre premier objectif, deux mineurs s'étant donné la mort successivement dans l'établissement de Metz en 2008. Ces événements avaient alors entraîné une forme de chantage au suicide dans le centre. Notre première volonté était d'apaiser les tensions dans cet établissement et de réhumaniser les lieux. C'est ainsi que mes premières interventions ont eu lieu dans le quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Strasbourg.

Nous avons observé des effets immédiats après nos interventions : les jeunes se respectaient, respectaient l'animal, apprenaient le partage et l'écoute. Souvent, les référents de ces mineurs nous expliquaient qu'ils ne les avaient jamais vus rester aussi longtemps ensemble en ayant recours à la parole plutôt qu'à la violence physique. Nos interventions se sont ainsi révélées pertinentes dans le milieu pénitentiaire et nous les avons étendues à l'ensemble de la détention. Nous intervenons à Strasbourg depuis maintenant quatorze ans, mais aussi dans d'autres établissements. Si nos objectifs principaux ont évolué, nos actions s'inscrivent toujours dans la lutte contre la récidive et l'accompagnement vers la réinsertion.

Notre intervention tire sa particularité du travail engagé avec les animaux, êtres vivants et éprouvant les mêmes émotions que les humains, en particulier les personnes incarcérées. Tous les animaux qui nous accompagnent proviennent de refuges. Ils ont été accueillis et adoptés, ont tous été maltraités ou abîmés par la vie. Dès lors, les personnes détenues établissent rapidement des passerelles entre leur propre vécu et celui de l'animal. Notre tâche en tant qu'intervenants consiste à accompagner ces personnes vers une reconstruction globale, vers la résilience, voire un désistement, en développant leurs propres capacités émotionnelles, sociales et communicatives. L'animal est un partenaire exceptionnel qui joue alors le rôle de facilitateur, favorisant l'établissement d'un lien de confiance qu'il n'est pas toujours facile de mettre en place avec des personnes fragilisées.

Les personnes détenues nous identifient également comme des individus extérieurs à la détention, tandis que le caractère authentique de l'animal et l'absence de tout jugement de sa part nous permettent de « faire tomber les barreaux » qui nous séparent et d'entrer en communication avec ces personnes très rapidement. Bien sûr, l'ensemble des intervenants en milieu pénitentiaire poursuit les mêmes objectifs, à travers différents médias. Ce que nous proposons ne constitue évidemment pas la panacée. Certaines personnes auront également besoin d'autres occupations comme le sport, qui représente sans doute l'animation la plus demandée. Toutefois, nous partageons des objectifs communs : en particulier, travailler sur l'estime de soi, la confiance et le désengagement de la violence afin que la personne détenue puisse redevenir le citoyen qu'elle était auparavant.

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