Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française
Mardi 26 octobre 2021
La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.
(Présidence de M. Michel Herbillon, membre de la commission, puis de M. Philippe Benassaya, président de la commission)
Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale. Mon collègue Philippe Benassaya étant retenu par une interview, il m'a demandé de le suppléer à la présidence de cette commission d'enquête en attendant qu'il nous rejoigne. Je vous informe que nous devrons suspendre notre réunion quelques minutes en raison d'un vote solennel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale auquel Mme la rapporteure, M. Jacques Krabal et moi-même devrons participer.
La présente commission d'enquête a été créée à la demande du groupe Les Républicains, dont je suis membre, en vue d'identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, constatés de longue date mais que les pouvoirs publics peinent à corriger. Nous nous sommes fixé un vaste cadre d'investigation, qui vous a été communiqué. Il me semble que vous avez pu prendre connaissance des questions que nous nous posons et auxquelles nous souhaiterions que vous répondiez.
Cette table ronde intervient alors que nous nous sommes déjà penchés sur de nombreuses thématiques carcérales, y compris celle qui vous concerne plus particulièrement : les activités sportives et socioculturelles proposées aux personnes détenues. Nous avons échangé à ce propos avec la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), des associations nationales mobilisées sur la question pénitentiaire ainsi qu'avec des acteurs de terrain lors de nos visites d'établissements pénitentiaires. Nous allons d'ailleurs poursuivre ces visites.
L'enjeu, bien sûr, est de deux ordres : offrir tout d'abord une fenêtre de liberté aux personnes détenues ; ensuite, et peut-être surtout, contribuer à leur future réinsertion à travers leur immersion régulière dans des espaces de sociabilité adéquats et encadrés.
Nous avons choisi de réunir autour de la table des militants associatifs ainsi qu'un référent interrégional chargé du développement de la politique sportive en prison, afin de recueillir une vision partagée sur ce sujet.
Notre commission d'enquête se penche effectivement depuis plusieurs mois sur le monde pénitentiaire au sens large. Dans ce cadre, nous avons été amenés à nous intéresser à des sujets très précis qui méritent selon nous d'être approfondis. Depuis le début de cette enquête, nous cherchons ainsi à évaluer les conséquences de la surpopulation carcérale sur la réponse pénale – aussi bien d'un point de vue qualitatif que quantitatif –, mais aussi sur l'accueil des mineurs et le traitement de la radicalisation en détention. Ce dernier élément figurait parmi les principaux points que nos collègues du groupe Les Républicains nous ont demandé de traiter dans le cadre de cette commission d'enquête.
Tous ces sujets nous ont conduits à évoquer des sujets en lien avec le parc immobilier, les ressources humaines, les activités proposées en prison ainsi que la religion. Vous connaissez bien le milieu pénitentiaire et savez que tous les aspects de la vie extérieure constituent de potentiels sujets d'étude sur la vie à intérieure à la prison. Je pense que vous êtes les mieux placés pour parler des activités qui y sont proposées.
Les membres de cette commission d'enquête ont toujours adopté un état d'esprit très constructif et souhaitent savoir comment améliorer la situation, notamment en identifiant les leviers qui permettraient à vos associations et au personnel pénitentiaire de proposer davantage d'activités. Dans le questionnaire qui vous a été fourni, nous vous avons demandé si vous estimiez que le nombre d'activités proposées était suffisant. Nous nous doutons que la réponse à cette question est négative. Néanmoins, n'hésitez pas à nous faire part d'exemples d'établissements où vous jugez que la situation est optimale. Nous chercherons à comprendre les clés de leur réussite en vue d'étendre ces approches aux autres lieux de détention.
M. Michel Herbillon se retire à dix-sept dix et cède la présidence de la commission à M. le président Philippe Benayassa.
Je vous prie de bien vouloir m'excuser de mon retard et remercie Michel Herbillon de m'avoir remplacé au pied levé.
L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».
(Mme Patricia Arnoux, M. Arnaud Lavaud, Mme Valérie Pradalié et M. Vincent Saint-Charles prêtent successivement serment.)
Je souhaite tout d'abord faire un point rapide sur la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et vous fournir des éléments de contexte. La DISP de Paris recouvre 18 établissements pénitentiaires pour une capacité théorique de 10 131 places, celles-ci étant actuellement occupées par 12 769 détenus. Deux établissements sont notamment concernés par la surpopulation : Villepinte et Nanterre, dont les taux d'occupation atteignent respectivement 177 % et 161 %.
Je souhaite à présent me concentrer sur le sport, qui dépend du département lié à la réinsertion et à la prévention de la récidive. Notre objectif est de réintégrer et d'intégrer le droit commun au sein des établissements pénitentiaires. En tant que référent sport, je réponds aux directives nationales et régionales dans toutes leurs déclinaisons et les coordonne au mieux. Mon rôle consiste à impulser, coordonner et accompagner au mieux les projets dans les établissements au niveau local, ainsi qu'à faire le lien entre les établissements au niveau régional.
Concernant la professionnalisation et les ressources humaines de la direction interrégionale de Paris où je travaille, cinquante-quatre des soixante postes théoriques de moniteurs de sport sont actuellement pourvus, par vingt-trois personnels titulaires et trente et un contractuels. La situation à la DISP de Paris est particulière. En effet, le nombre de titulaires formés à l'ENAP – École nationale de l'administration pénitentiaire – devrait être supérieur au nombre de contractuels recrutés pour une durée d'un an.
Ces moniteurs animent et organisent les séances sportives selon les souhaits des établissements. La coordination sportive s'effectue au niveau régional. Nous travaillons avec deux entités qui nous permettent d'animer, de coordonner et d'organiser sur l'ensemble du territoire francilien des événements sportifs qui sortent du quotidien et des pratiques habituelles : le CROS – Comité régional olympique et sportif – d'Île-de-France et l'Union régionale sportive Léo-Lagrange. Il s'agit d'un dispositif propre à l'Île-de-France et que l'ensemble des acteurs de l'administration pénitentiaire et de la DISP de Paris souhaitent absolument conserver malgré sa fragilité financière. En effet, il est extrêmement important de maintenir ce contact sportif au quotidien au sein de nos établissements. L'intérêt de cette coordination, au-delà du très bon travail réalisé par les moniteurs sportifs, est de faire entrer le droit commun dans les établissements.
Nos partenaires nous permettent de travailler avec des fédérations, des comités, voire des sportifs de haut niveau, mais plus traditionnellement avec des professionnels capables d'intervenir auprès des personnes détenues. Concernant l'aspect quantitatif, nous avons consacré, sur l'ensemble de la DISP de Paris, 4 571 heures à l'enrichissement de la politique sportive en 2019, qui constitue notre dernière année de référence compte tenu du contexte de 2020, contre 4 094 heures en 2017, soit une augmentation de 11,6 %. En 2019, cela renvoie à 6 550 personnes détenues concernées par un engagement sportif.
Je souhaiterais également mettre en avant un événement qui illustre la diversité de ce que le sport peut apporter en détention. Il s'agit de la Course du cœur, un parcours de 750 kilomètres reliant Paris à Bourg Saint-Maurice-Les Arcs en quatre jours et quatre nuits, à laquelle ont participé quatre détenus en 2019, ce qui implique qu'ils ont bénéficié d'une permission de sortie. Cet événement organisé sous la surveillance des établissements pénitentiaires concernés met en exergue des valeurs sportives et humaines. En effet, les échanges réalisés avec les nombreuses entreprises partenaires débouchent parfois sur des possibilités de réinsertion.
Je voudrais également souligner que le sport a considérablement évolué au cours des quinze dernières années, en développant une véritable transversalité. Ainsi, je travaille souvent avec mes collègues de la culture, mais on peut tout aussi bien évoquer le sport-formation, grâce aux formations dispensées par les fédérations, le sport-santé, qui s'intéresse au bien-être, et le sport-culture qu'illustre par exemple la Fête de la nature, où nous avons mêlé sport et culture le temps d'un événement.
L'arrivée des Jeux olympiques à Paris et sur l'ensemble du territoire français en 2024 offre l'occasion d'améliorer la qualité du sport en détention et son ampleur. À cet égard, la DISP de Paris a déposé un projet actuellement à l'étude visant à améliorer et à développer de façon significative la pratique sportive au sein de deux établissements pour l'année en cours, la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis et la maison centrale de Poissy. Ce projet consiste à adapter les cours de promenade à travers l'installation de matériel sportif pour que les personnes détenues puissent faire du sport durant leur temps de promenade.
Notre public ne présente pas de profil particulier, le sport s'adresse à tout le monde. Sa pratique diffère néanmoins selon les caractéristiques des établissements, qui peuvent être des maisons d'arrêt, des maisons centrales, des centres de détention ou des centres pénitentiaires. Les maisons d'arrêt fonctionnent par exemple avec ce que nous appelons des listes sportives : lors de son arrivée en détention, la personne détenue doit présenter une lettre au moniteur stipulant qu'elle souhaite pratiquer un sport dans l'établissement, et sa demande est alors transmise au bureau de détention. Notez que le nombre de demandes est si important que le temps d'attente peut atteindre trois, voire quatre mois, ce qui est notamment le cas à la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy. Au contraire, le régime de détention moins restrictif de la maison centrale de Poissy permet aux personnes détenues de disposer de davantage de libertés et donc d'accéder au sport plus facilement.
La coordination sportive nous permet néanmoins de présenter des activités en fonction des spécificités de certains détenus. Je pense par exemple aux projets soutenus par la MILDECA – mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives –, grâce à laquelle nous mettons en place des actions dans différents établissements afin de lutter contre les comportements addictifs au moyen du sport. Nous nous concentrons également sur les problématiques liées à la sédentarisation et à l'isolement, en mettant en œuvre des actions non pas en fonction d'un profil, mais d'une situation afin d'améliorer le temps de vie en détention. Nous avons en outre reçu des financements nous permettant de faire appel à des psychosociologues du sport qui viennent s'entretenir avec les personnes détenues sur le sujet des addictions.
Enfin, les infrastructures dont nous bénéficions sont nombreuses et vieillissantes, mais elles sont entretenues conformément à la réglementation. Je pense notamment aux infrastructures scolaires telles que les paniers de basket ou les buts de handball. Ces infrastructures sont effectivement vieillissantes, voire obsolètes, notamment les salles de musculation, pour lesquelles nous rencontrons des difficultés de contrats liés aux appareils. L'ensemble des établissements pénitentiaires ont la possibilité de proposer une pratique sportive, et ce de façon raisonnable, mais il est toujours possible de faire mieux.
Je suis directrice de l'association Évi'dence que j'ai fondée il y a une quinzaine d'années, spécialisée sur la médiation animale dans le milieu pénitentiaire. Nous sommes basés dans le Grand Est, plus précisément à Strasbourg, dont le centre pénitentiaire a été le premier à ouvrir ses portes à des animaux. Cette action n'ayant aucun antécédent, il s'est agi d'un véritable défi que nous avons pu relever grâce à l'aide de la direction, des surveillants et de l'ensemble de l'équipe. En effet, certains ont été surpris de nous voir entrer dans un milieu aussi fermé accompagnés d'un chien, d'un oiseau ou encore d'un cochon d'Inde.
La prévention du suicide a constitué notre premier objectif, deux mineurs s'étant donné la mort successivement dans l'établissement de Metz en 2008. Ces événements avaient alors entraîné une forme de chantage au suicide dans le centre. Notre première volonté était d'apaiser les tensions dans cet établissement et de réhumaniser les lieux. C'est ainsi que mes premières interventions ont eu lieu dans le quartier des mineurs de la maison d'arrêt de Strasbourg.
Nous avons observé des effets immédiats après nos interventions : les jeunes se respectaient, respectaient l'animal, apprenaient le partage et l'écoute. Souvent, les référents de ces mineurs nous expliquaient qu'ils ne les avaient jamais vus rester aussi longtemps ensemble en ayant recours à la parole plutôt qu'à la violence physique. Nos interventions se sont ainsi révélées pertinentes dans le milieu pénitentiaire et nous les avons étendues à l'ensemble de la détention. Nous intervenons à Strasbourg depuis maintenant quatorze ans, mais aussi dans d'autres établissements. Si nos objectifs principaux ont évolué, nos actions s'inscrivent toujours dans la lutte contre la récidive et l'accompagnement vers la réinsertion.
Notre intervention tire sa particularité du travail engagé avec les animaux, êtres vivants et éprouvant les mêmes émotions que les humains, en particulier les personnes incarcérées. Tous les animaux qui nous accompagnent proviennent de refuges. Ils ont été accueillis et adoptés, ont tous été maltraités ou abîmés par la vie. Dès lors, les personnes détenues établissent rapidement des passerelles entre leur propre vécu et celui de l'animal. Notre tâche en tant qu'intervenants consiste à accompagner ces personnes vers une reconstruction globale, vers la résilience, voire un désistement, en développant leurs propres capacités émotionnelles, sociales et communicatives. L'animal est un partenaire exceptionnel qui joue alors le rôle de facilitateur, favorisant l'établissement d'un lien de confiance qu'il n'est pas toujours facile de mettre en place avec des personnes fragilisées.
Les personnes détenues nous identifient également comme des individus extérieurs à la détention, tandis que le caractère authentique de l'animal et l'absence de tout jugement de sa part nous permettent de « faire tomber les barreaux » qui nous séparent et d'entrer en communication avec ces personnes très rapidement. Bien sûr, l'ensemble des intervenants en milieu pénitentiaire poursuit les mêmes objectifs, à travers différents médias. Ce que nous proposons ne constitue évidemment pas la panacée. Certaines personnes auront également besoin d'autres occupations comme le sport, qui représente sans doute l'animation la plus demandée. Toutefois, nous partageons des objectifs communs : en particulier, travailler sur l'estime de soi, la confiance et le désengagement de la violence afin que la personne détenue puisse redevenir le citoyen qu'elle était auparavant.
Je tiens tout d'abord à remercier la commission de nous accueillir et de nous donner la possibilité de nous exprimer et de livrer notre retour d'expérience sur nos actions en milieu carcéral.
Ariana est une association qui développe depuis 2009 un programme appelé Mix'Art destiné au jeune public prioritaire pour œuvrer à son insertion socioculturelle et à son appropriation des valeurs de la République au travers de la médiation, du street art et de la bande dessinée. Initialement, notre projet a été lancé auprès de jeunes issus de quartiers prioritaires. Ensuite, nous avons progressivement étendu nos actions aux jeunes primo-arrivants ou porteurs de handicap et, depuis 2016, aux jeunes en détention. Nous intervenons à la fois dans les quartiers mineurs et les EPM – établissements pénitentiaires pour mineurs –ainsi qu'auprès de jeunes adultes de 18 à 25 ans. Nous sommes présents dans une quinzaine de maisons d'arrêt et de centres pénitentiaires en France métropolitaine et travaillerons bientôt en outremer, dans la maison d'arrêt de Baie-Mahault.
Nous disposons de trois modalités d'intervention. La première se déroule en présentiel à travers des programmes d'ateliers qui ont généralement lieu sur une semaine complète. Nous avons également mis au point des kits autour de la bande dessinée qui peuvent être utilisés directement et de façon autonome par les équipes éducatives en détention, ce qui leur a notamment servi lors de la crise sanitaire que nous avons connue. Enfin, notre nouveau programme s'appuie sur des ateliers numériques destinés à être diffusés via les canaux vidéo internes afin d'intégrer le numérique au champ socioculturel en détention.
À travers ces trois modes d'action, nous poursuivons plusieurs objectifs, notamment celui de permettre aux jeunes de réaliser eux-mêmes des productions artistiques de street art ou de bande dessinée, par exemple des fresques participatives dans la cour de promenade, dans le foyer ou encore sur des toiles. Notre premier objectif consiste à permettre aux jeunes de s'approprier les techniques enseignées par notre équipe d'intervenants en travaillant sur des thématiques citoyennes fortes telles que les questions liées au climat, à l'égalité hommes-femmes ou aux valeurs de la République, de façon à ce qu'ils puissent s'exprimer et développer un discours responsable. Notre deuxième objectif, que poursuivent sans aucun doute tous les partenaires réunis cette après-midi, consiste à lutter contre l'effet désocialisant de l'incarcération, notamment chez ces jeunes bien souvent en situation de récidive et ayant connu une déscolarisation précoce.
Au-delà de la pratique artistique, la rencontre avec nos intervenants les aide à développer leur esprit critique, à réaliser un projet de bout en bout sur une période donnée et leur apprend à travailler en groupe pour atteindre un résultat positif. Ainsi, notre projet contribue également à développer et à soutenir la parentalité, à restaurer les liens familiaux. Le temps de l'incarcération aura été l'occasion d'accomplir de belles réalisations.
Je souhaiterais également rappeler que la mise en œuvre de notre projet dépend d'une importante concertation entre tous les professionnels de la détention impliqués, qu'il s'agisse de la protection judiciaire de la jeunesse – PJJ –, de l'unité locale d'enseignement, des surveillants ou encore du référent culture du service pénitentiaire d'insertion et de probation – SPIP. Il est capital de préparer au mieux nos interventions et de pouvoir ainsi faire en sorte que tout le monde se sente concerné.
Tout comme Mme Arnoux, je travaille avec les animaux. J'interviens depuis huit ans en médiation équine à la maison centrale de Poissy et dans l'établissement pour mineurs de Porcheville, ainsi qu'en médiation canine à la maison d'arrêt pour femmes de Versailles dans le secteur des Yvelines.
Parallèlement, j'organise dans mon centre équestre des journées de sociabilisation destinées aux personnes placées en milieu ouvert. J'accompagne en outre en médiation équine des personnes en situation de mal-être, dont beaucoup sont des victimes directes ou collatérales d'agressions, ce qui m'amène à travailler des deux côtés.
Mon activité principale se déroule à la maison centrale de Poissy, où j'interviens tous les mois pendant quatre jours consécutifs et où nous avons pu installer des boxes pour que les chevaux restent sur place. Il est très intéressant de travailler avec ces animaux qui révèlent instantanément et sans jugement l'état physique, émotionnel et psychologique de la personne avec laquelle ils interagissent grâce à un effet miroir. Nous entamons alors un travail de conscientisation de l'émotion afin que cette personne l'accepte et soit en mesure de la gérer pour pouvoir à terme reprendre le contrôle et éviter les passages à l'acte. Il s'agit avant tout d'un travail de retour vers soi pour prendre conscience de son propre fonctionnement avant d'aller vers l'autre en réajustant sa façon d'agir. Cette activité s'inscrit dans le cadre de la justice restaurative, qui cherche à donner un sens aux peines et à éviter la récidive en permettant à la personne détenue de se reconstruire à la suite de son acte et aux victimes de réaliser le travail de réparation nécessaire pour atteindre la résilience.
Les peines purgées par les personnes détenues de la maison d'arrêt de Poissy sont plutôt lourdes, tandis que les mineurs de l'EPM de Porcheville n'y restent que quelques mois. Les programmes proposés sont donc totalement différents. En effet, dans le second cas, il n'est pas possible d'assurer un suivi régulier. Il est donc indispensable de se coordonner avec toute l'équipe référente dont le SPIP, le directeur d'établissement et le personnel soignant. Il s'agit d'un travail lourd et long à mettre en place. Dans ce cadre, le soutien de tous ces acteurs est indispensable. Je considère que la médiation équine fait partie du terreau permettant de proposer des mesures en justice restaurative, notamment en diffusant des informations sur ces mesures qui peuvent faire avancer différentes problématiques, en répondant par exemple aux questions sur les partenariats que l'on peut mettre en place avec l'Institut français pour la justice restaurative – IFJR –, sur les rencontres que l'on peut organiser entre détenus et victimes, les cercles de restauration, les parrainages à la sortie de prison, etc.
Merci à tous pour ces retours d'expérience très intéressants qui nous permettent d'aborder les thèmes majeurs des activités socio-culturelles et du sport, qui font partie de la vie à l'intérieur des établissements pénitentiaires et de la lutte contre la récidive.
Je souhaiterais vous poser une question qui fait suite à nos visites d'établissements qui proposent eux aussi des projets socio-culturels. Comment procédez-vous pour sensibiliser les personnes détenues aux activités telles que l'équitation ou impliquant un rapport avec un animal, et pour les informer de ce que vous faites ? Je m'adresse notamment à Mmes Pradalié et Arnoux, car je pense que les détenus se tournent plus facilement vers le sport.
L'information passe essentiellement par le SPIP, qui propose ces activités par voie d'affichage, et par le bouche-à-oreille. J'insiste personnellement pour que la participation soit totalement volontaire, car je souhaite proposer un espace permettant la libération de la parole, confidentiel, dénué de tout jugement et sans enjeu quant au parcours d'exécution des peines. L'absence d'obligation de résultat permet de rester dans l'invitation et d'offrir une expérience, une découverte de ce que nous renvoie l'animal. Mon travail consiste à lire le comportement du cheval afin de fournir aux participants des outils pour contrôler leurs propres émotions, prendre conscience de leurs besoins, gérer différentes situations même difficiles. Sur le moment, l'objectif premier est de leur permettre de trouver un apaisement vis-à-vis d'eux-mêmes, de leurs codétenus et du personnel de surveillance. L'apaisement permet de réduire l'agressivité envers soi-même et les autres.
Je suis tout à fait d'accord. À la différence de Mme Pradalié, je travaille en maisons d'arrêt, ce qui me permet d'entrer accompagnée de petits animaux au cœur de la détention, dans la cellule des détenus et donc chez eux.
Le recrutement commence dans les coursives, voire dès la porte d'entrée, lorsque les agents sortent de leur kiosque pour voir l'animal que j'ai amené. Ils me disent souvent que notre venue est leur rayon de soleil. Je croise les personnes détenues dans les coursives alors qu'elles se rendent à leurs rendez-vous avec le psychologue, le moniteur sportif ou encore à un cours. Elles aperçoivent le chien qui m'accompagne et s'arrêtent, prenant le temps de me demander si elles peuvent le caresser. Elles me disent souvent qu'elles n'ont pas vu de chien depuis des mois et que cela leur fait beaucoup de bien. Les personnes les plus touchées sont généralement celles qui avaient un animal à l'extérieur.
C'était d'ailleurs un des objectifs premiers de l'association : amener à l'intérieur de la prison les animaux qui font partie de la vie à l'extérieur. Les demandes interviennent en premier lieu de cette manière. Il faut ensuite passer par une étape plus administrative en formulant une requête accompagnée d'une courte lettre de motivation. Les demandes émanent des personnes détenues dans 90 % des cas. Les 10 % restants nous sont envoyés par la direction, les gradés de bâtiments, les surveillants d'étage, le SPIP, le médecin ou encore le psychologue, car tous nous considèrent comme des personnes-ressources depuis plusieurs années. Nous avons aussi la chance d'intervenir dans les CPU – commissions pluridisciplinaires uniques – et auprès de différentes commissions où échangent les différents acteurs qui accompagnent ces personnes détenues. Ce dialogue nous permet également d'intervenir sur des cas précis d'isolement, de violence, etc. Tout se fait assez naturellement.
Je dois suspendre l'audition afin que nos collègues puissent participer à un scrutin en séance publique.
L'audition est suspendue de dix-sept heures quarante-cinq à dix-huit heures.
De notre côté, les jeunes avec lesquels nous travaillons sont également sensibilisés à nos ateliers par l'intermédiaire de nos partenaires en détention. Ce sont eux qui assurent le lien.
Je souhaite vous plusieurs questions auxquelles chacun pourra répondre en fonction de sa propre situation.
Qui vous finance ?
Comment êtes-vous parvenus à entrer dans un établissement pénitentiaire la première fois ? Nous souhaiterions pouvoir multiplier les exemples tels que les vôtres, mais comment fait-on pour lancer ce genre de projets sportifs, artistiques ou de médiation animale ?
Quels sont vos leviers d'action ?
Comment évaluez-vous vos résultats ? Nous partageons la conviction instinctive que ces actions fonctionnent. Pour votre part, vous en constatez les effets concrets auprès de votre public. Néanmoins, nous savons aussi qu'il est difficile de mettre en place un critère d'évaluation. On ne peut effectivement comparer que ce qui est comparable, la clé de l'évaluation étant aujourd'hui la récidive. Comment réussissez-vous à prouver votre indéniable efficacité ? Je souhaiterais simplement savoir si vous disposez d'indicateurs qui nous seraient inconnus et quels sont les critères sur lesquels vous vous appuyez.
Enfin, ma dernière question, qui s'adresse à M. Saint-Charles, porte sur l'organisation des directions interrégionales. Le poste de référent chargé du développement de la politique sportive est-il propre à la direction interrégionale de l'Île-de-France ou disposez-vous d'homologues dans les autres régions ? Depuis quand cette organisation existe-t-elle et quels sont vos moyens d'action ?
J'ai effectivement des homologues dans chaque direction interrégionale. Nous nous réunissons deux à trois fois par an au sein de la DAP, à Paris, pour échanger sur nos pratiques et difficultés ou sur nos dossiers communs. C'est en effet la DAP qui nous oriente et nous indique les démarches et politiques à suivre. Ces dernières sont mises en place de façon annuelle en fonction des partenariats qu'elle met en place avec les fédérations ou le mouvement olympique, la DAP cherchant à travailler avec des partenaires sur le long terme et sur des investissements spécifiques. Comme je l'ai indiqué, nous nous concentrons particulièrement sur Paris 2024 et sur les projets que nous pouvons mettre en place dans ce contexte, tout en cherchant toujours à l'aide du droit commun à faire entrer dans les établissements les éléments qui rappellent la vie à l'extérieur.
Concernant nos leviers d'action, nous travaillons avec les SPIP et l'ensemble des corps de métier au sein de nos établissements. Nous faisons par exemple appel aux unités sanitaires pour déceler certains problèmes liés à la sédentarisation, à l'isolement, aux comportements addictifs et tout autre problème de santé potentiel. Sur cette base, nous essayons de mettre en place des projets internes à l'établissement, qu'ils soient régionaux ou d'envergure nationale comme je l'évoquais tout à l'heure avec l'exemple de la MILDECA qui a vocation à instaurer une direction commune sur une thématique bien précise et concrète. Nous nous efforçons ainsi d'aider au maximum les personnes détenues à l'échelle régionale.
Nous évaluons nos actions sur le long terme et par rapport à leur répétitivité. S'il s'agit d'une action développée une fois par an, les personnes auxquelles elle s'adresse ne seront a priori pas présentes lors de l'opération suivante. Toutefois, dans le cadre des actions s'inscrivant dans une durée plus longue, nous avons la possibilité d'évaluer si la fréquence est la même. Parallèlement, nous essayons de mettre en place des journées de sensibilisation avec le psychosociologue du sport, au cours desquelles celui-ci échange avec les personnes détenues et met en avant des techniques pour réussir à ouvrir la discussion. Dans de nombreux cas, les personnes s'inscrivent par intérêt ou sont réticentes à prendre part à ce type d'activités. Cependant, elles demandent finalement à y participer plus souvent que ce qui était prévu initialement. Nous tâchons alors de mettre en place un maximum d'actions susceptibles de répondre aux besoins des personnes détenues.
Il est vrai que forcer les portes d'une prison peut paraître difficile. En ce qui me concerne, j'ai rencontré M. François Goetz lors de réunions sur la justice restaurative, où j'ai été sensibilisée aux rencontres victimes-détenus qu'il organisait à Poissy. Il a estimé que mon activité pouvait représenter un travail préparatoire efficace, nécessaire à ce type d'actions.
Le financement de l'association a tout d'abord été assuré par la fondation Sommer, qui soutient des actions thématiques chaque année, la médiation animale en milieu carcéral revenant de façon récurrente. Cette fondation a financé l'association pendant deux ans afin de constater si notre action produisait des résultats et répondait à une demande. Elle représente un excellent partenaire avec lequel on peut lancer des projets en lien avec la médiation animale. Lorsque l'activité est pérenne, ce partenaire se retire et nous laisse trouver de nouveaux financements. Il faut ensuite pouvoir montrer des résultats probants au SPIP afin de faire entendre ses propositions. Dans mon cas, le SPIP de Versailles m'a proposé d'étendre mes actions en médiation animale à un nouveau public en suivant un autre rythme et une autre organisation.
Pour ce qui est de l'évaluation, il est difficile de déterminer un taux de récidive parmi les personnes sortant de prison et ayant bénéficié d'une action de médiation animale, puisque cette activité est trop récente et ne constitue qu'un travail ponctuel. De plus, il convient de tenir compte de plusieurs facteurs : à quel moment de l'incarcération intervient-on ? la personne détenue a-t-elle été mise à l'isolement ? a-t-elle été confrontée à des drames familiaux ou a-t-elle été empêchée de participer directement à des obsèques familiales ? Cet accompagnement est nécessaire pour parvenir à apaiser les relations au sein de la centrale dans un premier temps. Ce qui est formidable, c'est que les participants peuvent ensuite intégrer ces outils et les utiliser dans leur vie relationnelle une fois libérés.
Je pense que nous avons tous obtenu nos premiers financements de la même manière. En ce qui nous concerne, ne sachant pas très bien vers qui nous tourner, nous avons fait appel à une association qui finance régulièrement les actions socioculturelles de la maison d'arrêt. Ce financement a duré un an et nous avons dû rapidement en trouver un autre pour pouvoir passer du quartier des mineurs à celui des femmes puis intervenir auprès du SMPR – service médico-psychologique régional –, davantage orienté vers les aspects psychiatriques.
À l'époque, mon activité était l'une des premières à être mises en place à l'isolement, avant d'être étendue à toute la détention. Une véritable demande est finalement apparue en l'espace d'un an. J'obtenais des retours de différentes manières, certains émanant directement du personnel pénitentiaire, des surveillants, qui me demandaient parfois ce qu'il se passait avec tel ou tel détenu chez lequel ils avaient constaté un vrai changement. Je pense notamment à un détenu qui était régulièrement envoyé au quartier disciplinaire et qui y allait de moins en moins, voire plus du tout, parce qu'il ne voulait pas manquer sa séance de médiation animale. Nous avons reçu plusieurs retours de cet ordre. Le psychologue m'expliquait par exemple qu'un chien avait rappelé à une personne détenue son propre animal.
Les premiers retours émanaient donc directement de la détention elle-même. C'est ce qui a poussé la direction à développer notre activité qui, au départ, était simplement un projet d'établissement. En quatorze ans, nous avons connu quatre directions et nous sommes toujours là, même si certains découvrent notre action en étant d'abord plutôt perplexes ou en ne sachant pas à quoi s'attendre. Par la suite, ils constatent rapidement les effets de nos interventions sur la détention et contribuent ainsi à développer et maintenir notre activité.
Nous recevons également des retours extérieurs. Nous intervenons dans l'unité pour détenus violents de Strasbourg depuis maintenant un an et demi. Les personnes que nous avons suivies y ont pour la plupart réintégré une détention normale. Nous les suivons encore aujourd'hui et avons constaté qu'elles commettent beaucoup moins d'actes violents, voire plus du tout. Les témoignages que je reçois sont davantage qualitatifs.
Il arrive que d'anciens détenus, une fois sortis, nous contactent par l'intermédiaire d'un partenariat que nous avons à l'extérieur et qu'ils nous expliquent avoir retrouvé un travail ou renoué avec leur famille. Un directeur nous disait toujours qu'il est difficile de comptabiliser ce que l'on a pu éviter à travers des actions telles que celles que nous menons. Cette remarque est intéressante notamment dans le cadre de la prévention des suicides qu'il est impossible de mesurer.
Je reviens à présent sur le financement. En développant notre activité, nous avons réalisé que nous souhaitions qu'elle soit pérenne pour éviter les situations de stop and go, ce qui aurait été très déstabilisant tant pour les personnes accompagnées que pour nous-mêmes. Nous avons alors fait le choix de rechercher notre propre financement. Nous sommes bien sûr soutenus par la DAP et par la direction interrégionale de Strasbourg qui finance une grande partie du programme. Cependant, nous sommes aussi souvent aidés par des fondations. En particulier, la fondation Adrienne et Pierre Sommer a été la première à nous financer sur le long terme. Il s'agit d'une fondation qui soutient tous les projets de médiation animale. Elle a vocation à soutenir le lancement de certaines initiatives, mais non à les accompagner dans la durée, en les finançant pendant deux ans. C'est ensuite à l'établissement ou à l'association de chercher son propre financement. Nous sommes également financés par d'autres fondations, des mécènes, des dons. La prison ne représente pas un domaine très vendeur, mais nous trouvons tout de même des fondations qui nous soutiennent.
Nous savons en outre qu'environ une trentaine d'établissements ont mis en place une activité de médiation animale. Nous intervenons également à Oermingen, au centre de Mulhouse qui va bientôt fermer et donc prochainement à Lutterbach, à Béziers et à Fleury-Mérogis. Je suis aussi intervenue à Poissy il y a quelques années. Nous avons réellement accompagné le développement de cette activité à l'échelle nationale. Nous travaillons depuis deux ans, à la demande de l'administration pénitentiaire, sur un référentiel métier spécifique au milieu carcéral qui fournirait un cadre à notre profession et permettrait aux intervenants sur place de bénéficier d'une réelle légitimité et de faire reconnaître leur action en tant que métier. Il ne suffit pas de se présenter avec un chien, un chat ou un cheval pour être intervenant. En réalité, il existe un certain nombre de blocs de compétences à maîtriser.
Mener à bien un projet Mix'Art en détention demande beaucoup de passion et d'énergie, comme cela a été le cas en 2009, lorsque nous avons été parmi les premières associations à faire entrer le street art à l'école. Disons-le tout de suite : le street art était souvent considéré comme un art vandale, mais nous avons su expliquer que cette forme d'expression artistique devenue universelle parlait aux jeunes et que sa forte présence dans nos rues s'expliquait par son sens citoyen.
Nous avons développé un programme qui a d'abord été lancé dans les écoles et les quartiers prioritaires. Par la suite, au fil du temps, nous avons développé des compétences et un savoir-faire auprès du public des décrocheurs scolaires. Progressivement, nous sommes entrés en contact avec l'unité locale d'enseignement de Fleury-Mérogis, qui nous a accueillis en 2016. Nous avons alors pu valider notre concept auprès de mineurs, garçons et filles, et avons reçu en 2018 le soutien d'un fonds public à travers l'appel à projets de la DGLFLF – délégation générale à la langue française et aux langues de France. Cet appel à projets national nous a permis de développer des supports éducatifs destinés aux jeunes en détention. Parallèlement, la fondation M6 nous a fait confiance pour lancer notre projet.
En 2018, nous étions présents dans six établissements, dont trois EPM et trois établissements pénitentiaires. Actuellement, nous intervenons dans quinze établissements pénitentiaires aux quatre coins de la France, où nous menons généralement des programmes sur cinq jours consécutifs, du quartier des mineurs accueillant des filles aux Baumettes à Dijon en passant par Nanterre. Nous avons mis en place des conventions pluriannuelles avec le ministère de la justice et les deux directions concernées : la direction de la protection judiciaire de la jeunesse – DPJJ – et la DAP qui nous accompagnent surtout pour montrer que notre projet est sérieux et tient la route face à nos interlocuteurs, facilitant le développement du projet. Nous avons ensuite obtenu des subventions auprès de partenaires publics à force d'énergie et d'investissement. Ces subventions proviennent par exemple des services déconcentrés de l'État et portent sur des projets que nous menons auprès de publics à besoins spécifiques, tels que les allophones ou les mineurs non accompagnés. Nous recevons aussi le soutien de différentes CAF – caisses d'allocations familiales – pour nos actions de soutien à la parentalité et de promotion des valeurs de la République.
Enfin, nous recevons nous aussi le soutien de fondations, notamment la fondation SNCF et la fondation Hippocrène, qui nous soutiennent en Alsace et dans le Haut-Rhin sur un projet innovant. Nous avons en effet toujours envie de faire bouger les lignes. Ce projet associe de jeunes décrocheurs de Mulhouse, placés en maisons d'enfants à caractère social – MECS –, et de jeunes détenus des maisons d'arrêt de Strasbourg et de Mulhouse.
Je terminerai en répondant à votre question sur l'évaluation. Nous croyons beaucoup à la politique des petits pas. Dans cette optique, il est très important pour nous de déterminer notre point de départ directement avec les jeunes, en appréciant par exemple leurs connaissances sur la thématique du climat, pour mesurer le chemin parcouru ensemble au bout d'une semaine. Il s'agit d'un premier élément dynamique d'évaluation. Le fait que nos fresques ne soient pas abîmées, mais respectées, constitue un autre critère d'évaluation. Les jeunes qui les ont réalisées en tirent un sentiment de fierté. Nous produisons par ailleurs un recueil de revalorisation et de restitution à l'issue de chacune de nos interventions. Ce type de recueil rassemble des interviews anonymes des jeunes ayant participé au projet, mais également de nos partenaires ou des équipes de la détention. Cela nous permet de produire un support écrit et photographique de ce qui a été accompli, celui-ci constituant un autre élément d'évaluation davantage qualitatif.
Merci de nous avoir fait part de vos expériences. J'ai le sentiment que vos activités ont dépassé le stade expérimental et que vous exercez depuis plusieurs années. Si la médiation animale est une activité encore naissante et en phase de développement, on ne peut pas en dire de même des activités artistiques et culturelles et encore moins des activités sportives.
J'aurais souhaité disposer d'une vue globale des activités qui se déroulent dans nos établissements pénitentiaires, qu'il s'agisse de médiation animale, d'art-thérapie ou de sport. Ce dernier est entré dans les prisons dès 1949, et, en tant qu'ancien professeur d'éducation physique j'ai moi-même enseigné par vocation dans le milieu pénitentiaire, que je souhaitais découvrir. Je considère que ces actions, au même titre que les activités professionnelles, sont des outils indispensables à la réinsertion et à la lutte contre la récidive. J'aimerais donc savoir si leurs résultats progressent, mais aussi si davantage de place leur est accordée au sein des établissements pénitentiaires. Est-il possible de dresser une cartographie de l'évolution des activités sportives, culturelles et liées à la médiation animale ? Il me semble nécessaire d'observer l'évolution de ces activités depuis 1949 et d'identifier des moyens de les développer si nous souhaitons produire un document précis et concret sur ce sujet.
J'ai noté que ces actions étaient parfois financées par des fondations. Les résultats produits par ces interventions, que ce soit dans le milieu carcéral ou encore auprès des malades psychologiques, montrent qu'elles constituent un véritable vivier d'actions pédagogiques de réintégration très fortes, pourvu qu'on ait les moyens de les mener.
Il s'agit effectivement d'une question importante, aucune de ces activités n'étant pérenne. Dans notre association, la recherche de financement représente même un emploi à temps complet.
Nous sommes présents tous les jours dans l'établissement de Strasbourg, trois jours par semaine dans l'établissement de Mulhouse et un jour à Oermingen. Trouver des financements constitue un véritable défi, et nous ne savons jamais si l'association existera encore d'une année sur l'autre. Les différentes directions de l'établissement de Strasbourg ont systématiquement renouvelé notre activité grâce aux retours et aux résultats que l'on commence à percevoir, mais on ne peut pas dire que notre situation soit stable.
Nous avons commencé, avec la DAP et un cabinet d'expertise, à effectuer un recensement des activités de médiation animale à l'échelle nationale dans le cadre de la rédaction de notre référentiel métier. Nous y avons répertorié une trentaine d'établissements, ce recensement s'accompagnant d'informations sur la façon dont l'activité y a été mise en place, les retours, les actions ponctuelles qui ont duré quelques séances et ont dû être suspendues faute de financement, ou encore les établissements où l'activité continue et à quelle fréquence. Je pourrai vous remettre notre livre blanc de la médiation animale qui date du début d'année. Il fournira un début de réponse à votre question, en vous apportant un premier éclairage. La question de la pérennité reste entière.
En ce qui concerne la DISP de Paris, en tenant compte des nombreuses infrastructures et des créneaux disponibles, je dirais que notre activité progresse. En effet, depuis plusieurs années, la pratique du sport en prison a dépassé le seul aspect physique du sport occupationnel. Désormais, la pratique sportive est réellement transversale, notamment grâce au sport santé ou au sport-formation, tandis que sa diversification permet des retours positifs tant physiques que psychologiques. Nous aidons beaucoup les personnes détenues à évoluer sur ces deux aspects.
En ce qui concerne le volet quantitatif, nous connaissons un important turn-over dans les établissements où les détenus arrivent et repartent rapidement. Nous devons aussi tenir compte du fait qu'une personne inscrite un jour ne le sera peut-être pas le lendemain, que certains comportements l'empêcheront de participer à un événement ou qu'elle n'en aura tout simplement plus envie le jour J. Nous savons que le sport occupationnel existe et s'avère même nécessaire dans certains cas. Cependant, la diversification du sport montre qu'il évolue dans le milieu pénitentiaire comme à l'extérieur. Nous faisons en sorte que tout ce qui se passe à l'extérieur puisse être appliqué à l'intérieur, ce qui permet de conserver ce lien capital entre le dedans et le dehors, qui passe largement par le sport et son évolution très facile.
La réunion se termine à dix-huit heures vingt-cinq
Membres présents ou excusés
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française
Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Philippe Benassaya, M. Michel Herbillon, M. Jacques Krabal
Excusé. - M. Alain Bruneel