Je pense que nous avons tous obtenu nos premiers financements de la même manière. En ce qui nous concerne, ne sachant pas très bien vers qui nous tourner, nous avons fait appel à une association qui finance régulièrement les actions socioculturelles de la maison d'arrêt. Ce financement a duré un an et nous avons dû rapidement en trouver un autre pour pouvoir passer du quartier des mineurs à celui des femmes puis intervenir auprès du SMPR – service médico-psychologique régional –, davantage orienté vers les aspects psychiatriques.
À l'époque, mon activité était l'une des premières à être mises en place à l'isolement, avant d'être étendue à toute la détention. Une véritable demande est finalement apparue en l'espace d'un an. J'obtenais des retours de différentes manières, certains émanant directement du personnel pénitentiaire, des surveillants, qui me demandaient parfois ce qu'il se passait avec tel ou tel détenu chez lequel ils avaient constaté un vrai changement. Je pense notamment à un détenu qui était régulièrement envoyé au quartier disciplinaire et qui y allait de moins en moins, voire plus du tout, parce qu'il ne voulait pas manquer sa séance de médiation animale. Nous avons reçu plusieurs retours de cet ordre. Le psychologue m'expliquait par exemple qu'un chien avait rappelé à une personne détenue son propre animal.
Les premiers retours émanaient donc directement de la détention elle-même. C'est ce qui a poussé la direction à développer notre activité qui, au départ, était simplement un projet d'établissement. En quatorze ans, nous avons connu quatre directions et nous sommes toujours là, même si certains découvrent notre action en étant d'abord plutôt perplexes ou en ne sachant pas à quoi s'attendre. Par la suite, ils constatent rapidement les effets de nos interventions sur la détention et contribuent ainsi à développer et maintenir notre activité.
Nous recevons également des retours extérieurs. Nous intervenons dans l'unité pour détenus violents de Strasbourg depuis maintenant un an et demi. Les personnes que nous avons suivies y ont pour la plupart réintégré une détention normale. Nous les suivons encore aujourd'hui et avons constaté qu'elles commettent beaucoup moins d'actes violents, voire plus du tout. Les témoignages que je reçois sont davantage qualitatifs.
Il arrive que d'anciens détenus, une fois sortis, nous contactent par l'intermédiaire d'un partenariat que nous avons à l'extérieur et qu'ils nous expliquent avoir retrouvé un travail ou renoué avec leur famille. Un directeur nous disait toujours qu'il est difficile de comptabiliser ce que l'on a pu éviter à travers des actions telles que celles que nous menons. Cette remarque est intéressante notamment dans le cadre de la prévention des suicides qu'il est impossible de mesurer.
Je reviens à présent sur le financement. En développant notre activité, nous avons réalisé que nous souhaitions qu'elle soit pérenne pour éviter les situations de stop and go, ce qui aurait été très déstabilisant tant pour les personnes accompagnées que pour nous-mêmes. Nous avons alors fait le choix de rechercher notre propre financement. Nous sommes bien sûr soutenus par la DAP et par la direction interrégionale de Strasbourg qui finance une grande partie du programme. Cependant, nous sommes aussi souvent aidés par des fondations. En particulier, la fondation Adrienne et Pierre Sommer a été la première à nous financer sur le long terme. Il s'agit d'une fondation qui soutient tous les projets de médiation animale. Elle a vocation à soutenir le lancement de certaines initiatives, mais non à les accompagner dans la durée, en les finançant pendant deux ans. C'est ensuite à l'établissement ou à l'association de chercher son propre financement. Nous sommes également financés par d'autres fondations, des mécènes, des dons. La prison ne représente pas un domaine très vendeur, mais nous trouvons tout de même des fondations qui nous soutiennent.
Nous savons en outre qu'environ une trentaine d'établissements ont mis en place une activité de médiation animale. Nous intervenons également à Oermingen, au centre de Mulhouse qui va bientôt fermer et donc prochainement à Lutterbach, à Béziers et à Fleury-Mérogis. Je suis aussi intervenue à Poissy il y a quelques années. Nous avons réellement accompagné le développement de cette activité à l'échelle nationale. Nous travaillons depuis deux ans, à la demande de l'administration pénitentiaire, sur un référentiel métier spécifique au milieu carcéral qui fournirait un cadre à notre profession et permettrait aux intervenants sur place de bénéficier d'une réelle légitimité et de faire reconnaître leur action en tant que métier. Il ne suffit pas de se présenter avec un chien, un chat ou un cheval pour être intervenant. En réalité, il existe un certain nombre de blocs de compétences à maîtriser.