Intervention de Dr Béatrice Carton

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h05
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP) :

L'APSEP est l'association des personnels de santé exerçant en milieu pénitentiaire, fondée en 1997 à la suite de la création des unités sanitaires en milieu pénitentiaire. Son objectif est d'assurer et de promouvoir auprès des professionnels de santé l'échange d'information et les réflexions sur les problématiques rencontrées au cours de leur exercice. Nous avons à cœur de faire entendre la voix des professionnels de terrain auprès de nos tutelles.

Le rôle des unités sanitaires en milieu pénitentiaire est d'être le premier recours aux soins pour les personnes placées sous main de justice hébergées. Nous ne prenons pas en charge les personnes en quartiers de semi-liberté (QSL) ou sous bracelet électronique. Nos unités sont placées en détention dans des locaux mis à disposition par l'administration pénitentiaire. Nous effectuons un bilan de santé à l'entrée en détention et nous assurons de suivre les personnes placées sous main de justice au cours de leur incarcération, pour des consultations d'urgence ou le suivi de pathologies chroniques. Les actions de santé publique comme la promotion de la santé relèvent également de nos missions. Notre activité se définit dans le cadre du guide méthodologique, qui est une instruction interministérielle et dont la dernière version date de décembre 2017. Les mises à jour sont à l'arrêt depuis 2019, en partie en raison de la crise sanitaire. Depuis 1994, les unités sanitaires en milieu pénitentiaire sont des unités de soin du milieu hospitalier délocalisées en milieu carcéral. Nos autorités de tutelle sont les centres hospitaliers de rattachement, les ARS et le ministère de la santé et des solidarités, et non la justice. La vocation des UMSP n'est pas celle d'un hôpital en milieu pénitentiaire, mais de consultation et de soins ambulatoires.

Aussi, il peut être nécessaire de recourir au plateau technique hospitalier ou à des hospitalisations dans des hôpitaux de rattachement ou dans les unités hospitalières spécifiques comme les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI). Ces hospitalisations nécessitent des escortes pénitentiaires ou des gardes statiques dépendant d'autres ministères. Les missions de soins sont assurées grâce à des équipes et du matériel mis à disposition par les centres hospitaliers. Les budgets permettant le fonctionnement des unités sont des budgets spécifiques, des MIG, qui n'ont pas été réévalués depuis 2007 et calculés sur le nombre de places théoriques et non le nombre réel de détenus pris en charge. Nos unités sont hébergées par l'administration pénitentiaire, ce qui nous contraint à respecter les règles de fonctionnement des établissements. Cependant, en transférant les compétences de soin au ministère de la santé, la loi de 1994 nous assure une indépendance professionnelle que nous jugeons indispensable et nous engage à faire respecter la confidentialité de nos échanges avec nos patients.

Les UHSI sont des unités hospitalières avec lesquelles nous entretenons des relations professionnelles identiques à celles entretenues avec nos autres collègues hospitaliers. Les règles d'entrée et de sortie sont les mêmes : elles sont décidées pour des motifs médicaux. L'accès aux soins en détention relève de l'administration pénitentiaire à même de gérer les mouvements en détention. Il est évident que l'organisation des mouvements et l'accès aux soins diffèrent dans un établissement pour peine ou dans une maison d'arrêt, dans un quartier d'hommes ou de femmes.

Nous alertons nos tutelles depuis plusieurs années sur l'attractivité en milieu pénitentiaire. La démographie médicale et paramédicale et les conditions d'exercice dans un milieu difficile sont à l'origine de nombreuses vacances de postes dans toutes les régions. Nous sommes considérés comme un secteur en tension, au même titre que les urgences. Sans action de la part de nos tutelles, le maintien des soins en détention pourrait être remis en cause. Les personnes détenues ont des besoins qui dépendent de leur profil. Il est nécessaire de prévoir un socle de fonctionnement minimum, qui doit être complété par des moyens supplémentaires en fonction de la peine prise en charge.

Pour l'APSEP, les soins en détention sont l'occasion de prendre en charge des personnes parfois éloignées du soin et souvent vulnérables. Ces soins doivent être prodigués avec autant de respect et de sérieux qu'en milieu libre. Mais la prison ne doit pas devenir le lieu de soins qui compense l'absence de soins en extérieur.

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