Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h05

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Mercredi 27 octobre 2021

La séance est ouverte à neuf heures et cinq minutes.

(Présidence de M. Philippe Benassaya, président de la commission)

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Je vous souhaite la bienvenue à l'Assemblée nationale.

La présente commission d'enquête a été créée à la demande du groupe Les Républicains en vue d'identifier les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française, constatés de longue date, mais que les pouvoirs publics peinent à corriger. Nous nous sommes fixé un vaste cadre d'investigation, qui vous a été communiqué.

Cette table ronde intervient alors que nous nous sommes déjà penchés sur de nombreuses thématiques carcérales, y compris évidemment celle qui vous concerne plus particulièrement, notamment à l'occasion de nos visites de terrain.

La qualité de la prise en charge sanitaire des personnes détenues est en effet l'un des meilleurs indicateurs pour mesurer le degré de modernité d'un système pénitentiaire. C'est d'abord une question de respect des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Au-delà, celui qui sort de prison en bonne santé sera mieux armé pour se réinsérer dans la société : cela vaut singulièrement pour la prise en charge des troubles psychologiques et psychiatriques, qui toucheraient 30 % des détenus. Il s'agit de l'un des plus gros défis que vous devez relever au quotidien. Enfin, de façon plus prosaïque, la communauté nationale fera des économies dans le futur si les pathologies des détenus sont correctement soignées et si la prévention sanitaire en milieu carcéral est efficace.

Il sera demandé à chacun d'entre vous de commencer par prononcer un exposé de cinq minutes afin d'apporter de premiers éclaircissements aux membres de la commission d'enquête sur la série de questions qui vous ont été préalablement adressées. Puis nous procèderons à un tour de table de questions orales.

À l'issue de l'audition, je vous invite en outre à communiquer au secrétariat de la commission d'enquête les éventuels documents écrits qui vous sembleraient de nature à éclairer nos travaux.

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Merci d'avoir accepté notre invitation. Depuis début septembre, nous auditionnons un grand nombre de professionnels qui connaissent le milieu carcéral en suivant une thématique différente. Aujourd'hui, nous sommes amenés à parler de l'accès aux soins en prison. Comment se fait-il aujourd'hui, comment se faisait-il hier et comment se fera-t-il demain ? Bien que des améliorations soient nécessaires, il est intéressant de constater que le milieu pénitentiaire a su mettre en place des structures qui tentent de mieux prendre en charge la santé des détenus. Quelles améliorations pourraient être menées selon vous ? Nous attendons de vous à la fois cette rétrospective et cette projection dans l'avenir.

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L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(Mme Marie Bur, Mme Béatrice Carton, Mme Anne Dulioust et M. Patrick Serre prêtent successivement serment.)

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Dr Marie Bur, psychiatre au centre pénitentiaire du Havre, vice-présidente de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

L'ASPMP a pour but d'aider au développement de la psychiatrie en milieu pénitentiaire tant dans son fonctionnement institutionnel que dans la recherche théorique et pratique. Elle vise également à faire bénéficier les personnes intéressées des expériences acquises par le biais de l'enseignement et la formation. Il s'agit d'un lieu d'expression des professionnels de santé mentale qui exercent une activité de soin en milieu pénitentiaire. Elle représente ces professionnels dans les instances administratives et professionnelles.

Les fondamentaux de la psychiatrie et de nos soins en milieu carcéral sont unis autour du secret médical, de la confidentialité, du libre consentement et de la responsabilité pénale. La médecine intrapénitentiaire est rattachée à l'hôpital de secteur, sous la tutelle de l'ARS – agence régionale de santé – et du ministère de la santé.

L'accès aux soins psychiatriques et psychologiques en milieu pénitentiaire est organisé en trois niveaux.

Au premier niveau, il s'agit de consultations en ambulatoire, auprès du psychiatre, du psychologue ou de l'infirmier, mais également d'activités groupales et d'accompagnement par le centre de soins, d'accompagnement et de prévention à l'addictologie – CSAPA. Ces soins ont lieu dans un espace commun ou de manière séparée pour les soins somatiques et psychiatriques. Il s'agit de souligner la richesse de la complémentarité, mais aussi la coordination de tous les intervenants de soins dans l'objectif d'une prise en charge globale du corps et de l'esprit.

Le deuxième niveau est constitué par les services médicaux psychologiques régionaux, créés par le décret du 14 mars 1986 et définis par celui du 10 mai 1995. Il s'agit d'un hôpital de jour et d'un service de détention la nuit. Il en existe actuellement 26 en France, notamment dans les maisons d'arrêt, soit 300 places disponibles.

Enfin, le dernier niveau représente les hospitalisations du détenu devenant patient en unité d'hospitalisation spécialement aménagée – UHSA –, en soins sans consentement sur décision d'un représentant de l'État – SDRE – ou en service libre. Ce dernier niveau nous confronte à la problématique du manque crucial de places disponibles. Il existe actuellement neuf UHSA en France. En outre, les conditions d'hospitalisation du détenu devenu patient hors des UHSA sont souvent inadaptées. Le détenu est hospitalisé en chambre d'isolement de manière prolongée, sans sortie dans le service, sans contact avec les unités hospitalières en dehors des repas et pour une durée de séjour très courte. Il apparaît alors difficile de construire et de maintenir un lien de confiance envers l'institution psychiatrique que le détenu, au profil régulièrement très carencé, fuit.

Depuis plusieurs années, nous constatons une évolution des profils psychopathologiques des détenus, avec une représentation importante de la maladie mentale en tant que telle. Il s'agit de pathologies psychotiques de type schizophrénie, de la maladie bipolaire, de la polytoxicomanie, de l'enclavement dans la violence extrême chez ces sujets carencés sur tous les versants, entraînant un passage à l'acte destructeur dirigé tant contre autrui que contre soi. Ces personnes ont souvent connu un parcours développemental entravé par l'insécurité, l'absence ou la pauvreté majeure des repères socio-éducatifs familiaux ou sociétaux, l'instabilité de vie, et l'exclusion sous toutes ses formes.

Si la mission de chacun des intervenants intrapénitentiaires nécessite d'être fondamentalement garantie, une communication intelligente doit viser l'intercontenance et le développement d'un parcours au plus près de la singularité de chacun. L'une des situations psychiatriques les plus alarmantes est le suicide de la personne détenue : 119 suicides ont été rapportés en 2020, soit un tous les deux à trois jours. Le surveillant pénitentiaire étant au plus près du détenu, constituant parfois même son seul interlocuteur ; il doit pouvoir alerter et communiquer avec l'équipe sanitaire.

Chaque détenu doit bénéficier, s'il l'accepte, d'une visite d'entrée à son arrivée en maison d'arrêt, réalisée par l'infirmière et le médecin, afin de permettre l'identification primaire d'un trouble psychique, psychiatrique, addictif et somatique. La personne détenue peut également prendre l'initiative d'une demande de suivi ou d'entretien psychique ou psychiatrique. Elle peut être repérée et signalée par l'administration pénitentiaire si cette dernière observe des troubles du comportement. L'une des limites est alors celle des invisibles : les détenus qui ne font pas parler d'eux, mais se trouvent en souffrance et en isolement, jusqu'à constituer la proie idéale de tout discours et embrigadement extrémiste. Il ne s'agit pas pour les acteurs intrapénitentiaires d'imposer une décision médicale ou pénitentiaire, mais d'ajuster l'accompagnement et les contraintes pénitentiaires à la singularité du détenu et de son parcours d'évolution.

La psychiatrie intrapénitentiaire souffre d'un manque de personnel paramédical et médical. Le personnel est recruté par l'hôpital de rattachement. Ce manque de personnel s'explique par plusieurs facteurs : un certain mal-être de l'hôpital ; la situation de parent pauvre que représente la psychiatrie, dépourvue de possibilités d'accueil continu ; la spécificité de la confrontation à l'enfermement et à l'impuissance face à des sujets en proie à l'agressivité, à la souffrance morale et à la pathologie psychiatrique sans bénéficier de soins hospitaliers au long cours. Les surveillants pénitentiaires des quartiers disciplinaires et d'isolement se transforment en gardiens de la folie. À ce jour, aucune suspension de peine n'a été accordée pour des raisons psychiatriques, alors qu'une telle possibilité existe depuis mars 2019.

Il s'agit pour nous, acteurs de soins intrapénitentiaires, de ne pas soigner la prison, mais celui qui s'y trouve et qui, à l'extérieur, resterait le plus souvent en dehors des soins tant somatiques que psychiatriques. La prison, outre l'aspect répressif, permet ce temps de pause et d'accès à l'autre, propice à l'introspection si les moyens d'y accéder et de la consolider sont à la hauteur de l'enjeu sociétal que cette réappropriation de l'altérité de l'autre requiert.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

L'APSEP est l'association des personnels de santé exerçant en milieu pénitentiaire, fondée en 1997 à la suite de la création des unités sanitaires en milieu pénitentiaire. Son objectif est d'assurer et de promouvoir auprès des professionnels de santé l'échange d'information et les réflexions sur les problématiques rencontrées au cours de leur exercice. Nous avons à cœur de faire entendre la voix des professionnels de terrain auprès de nos tutelles.

Le rôle des unités sanitaires en milieu pénitentiaire est d'être le premier recours aux soins pour les personnes placées sous main de justice hébergées. Nous ne prenons pas en charge les personnes en quartiers de semi-liberté (QSL) ou sous bracelet électronique. Nos unités sont placées en détention dans des locaux mis à disposition par l'administration pénitentiaire. Nous effectuons un bilan de santé à l'entrée en détention et nous assurons de suivre les personnes placées sous main de justice au cours de leur incarcération, pour des consultations d'urgence ou le suivi de pathologies chroniques. Les actions de santé publique comme la promotion de la santé relèvent également de nos missions. Notre activité se définit dans le cadre du guide méthodologique, qui est une instruction interministérielle et dont la dernière version date de décembre 2017. Les mises à jour sont à l'arrêt depuis 2019, en partie en raison de la crise sanitaire. Depuis 1994, les unités sanitaires en milieu pénitentiaire sont des unités de soin du milieu hospitalier délocalisées en milieu carcéral. Nos autorités de tutelle sont les centres hospitaliers de rattachement, les ARS et le ministère de la santé et des solidarités, et non la justice. La vocation des UMSP n'est pas celle d'un hôpital en milieu pénitentiaire, mais de consultation et de soins ambulatoires.

Aussi, il peut être nécessaire de recourir au plateau technique hospitalier ou à des hospitalisations dans des hôpitaux de rattachement ou dans les unités hospitalières spécifiques comme les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI). Ces hospitalisations nécessitent des escortes pénitentiaires ou des gardes statiques dépendant d'autres ministères. Les missions de soins sont assurées grâce à des équipes et du matériel mis à disposition par les centres hospitaliers. Les budgets permettant le fonctionnement des unités sont des budgets spécifiques, des MIG, qui n'ont pas été réévalués depuis 2007 et calculés sur le nombre de places théoriques et non le nombre réel de détenus pris en charge. Nos unités sont hébergées par l'administration pénitentiaire, ce qui nous contraint à respecter les règles de fonctionnement des établissements. Cependant, en transférant les compétences de soin au ministère de la santé, la loi de 1994 nous assure une indépendance professionnelle que nous jugeons indispensable et nous engage à faire respecter la confidentialité de nos échanges avec nos patients.

Les UHSI sont des unités hospitalières avec lesquelles nous entretenons des relations professionnelles identiques à celles entretenues avec nos autres collègues hospitaliers. Les règles d'entrée et de sortie sont les mêmes : elles sont décidées pour des motifs médicaux. L'accès aux soins en détention relève de l'administration pénitentiaire à même de gérer les mouvements en détention. Il est évident que l'organisation des mouvements et l'accès aux soins diffèrent dans un établissement pour peine ou dans une maison d'arrêt, dans un quartier d'hommes ou de femmes.

Nous alertons nos tutelles depuis plusieurs années sur l'attractivité en milieu pénitentiaire. La démographie médicale et paramédicale et les conditions d'exercice dans un milieu difficile sont à l'origine de nombreuses vacances de postes dans toutes les régions. Nous sommes considérés comme un secteur en tension, au même titre que les urgences. Sans action de la part de nos tutelles, le maintien des soins en détention pourrait être remis en cause. Les personnes détenues ont des besoins qui dépendent de leur profil. Il est nécessaire de prévoir un socle de fonctionnement minimum, qui doit être complété par des moyens supplémentaires en fonction de la peine prise en charge.

Pour l'APSEP, les soins en détention sont l'occasion de prendre en charge des personnes parfois éloignées du soin et souvent vulnérables. Ces soins doivent être prodigués avec autant de respect et de sérieux qu'en milieu libre. Mais la prison ne doit pas devenir le lieu de soins qui compense l'absence de soins en extérieur.

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Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)

L'EPSNF a en charge l'hospitalisation des personnes détenues à côté des UHSI. Sa particularité est d'être placé sous double tutelle, à la fois du ministère de la santé et du ministère de la justice. Cet établissement dispose de quatre-vingts lits d'hospitalisation, dont seize lits de court séjour et soixante-quatre lits de soins de suite et de réadaptation, parmi lesquels quarante-deux lits sont fléchés rééducation neurologique et locomoteur avec une compétence nationale. Les patients peuvent venir de territoires métropolitains et hors métropole.

L'EPSNF dispose également d'un plateau de consultations spécialisées accueillant des patients en provenance de toutes les détentions d'Île-de-France, voire d'autres régions, un plateau technique de radiologie avec scanner et échographie, un plateau de rééducation dédié essentiellement aux quarante-deux patients de rééducation où travaillent des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, une diététicienne, une neuropsychologue, un enseignant d'éducation physique adaptée et une orthophoniste à temps partiel.

La mission de l'EPSNF est celle de tout établissement de santé : soigner et non garder les personnes détenues pour lesquelles, en raison de leur âge, de leurs déficiences ou de leur dépendance, l'administration pénitentiaire ne dispose pas de solutions d'hébergement adaptées. Le problème n'est pas seulement architectural et ne saurait être résolu en construisant de nouvelles prisons. Le principal obstacle est humain, il relève de l'absence d'aides à la personne et d'auxiliaires de vie en prison. Or de plus en plus de magistrats ordonnent la mise sous écrou de personnes très âgées, parfois sous prétexte que les médecins des unités de soin en milieu pénitentiaire pourront les réorienter vers l'EPNSF. Actuellement, 30 % des patients hospitalisés à l'hôpital de Fresnes ont plus de 60 ans, âge à partir duquel l'administration pénitentiaire considère qu'il s'agit de personnes âgées en raison de leur parcours de vie.

Les chiffres fournis par l'administration pénitentiaire en 2018 évaluent à 3,8 % de la population pénitentiaire âgée de 60 ans et plus, soit 2 626 personnes. Les personnels médicaux et paramédicaux déplorent que certaines personnes soient hospitalisées depuis plusieurs années en raison de l'absence de possibilité d'intervention dans les établissements pénitentiaires des services d'aide et d'accompagnement à domicile.

Les professionnels médicaux et paramédicaux tiennent à souligner les difficultés à trouver des solutions d'hébergement, que ce soient des dispositifs d'accueil adaptés, des EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes –, des maisons d'accueil spécialisées, des foyers d'accueil médicalisés ou des unités de soin de longue durée gérontopsychiatriques. Cette carence en places d'accueil n'est pas spécifique au public justice, mais les structures d'hébergement sont souvent réticentes à accueillir ce public âgé en raison de la stigmatisation des auteurs d'infraction à caractère sexuel.

Nous souhaitons qu'une évaluation neurocognitive soit réalisée avant la mise sous écrou de personnes âgées. Les situations individuelles étant très diverses en raison du parcours de vie, le critère de l'âge ne peut être le seul pris en compte. Pour les personnes qui ont vieilli en détention, une telle réévaluation paraît nécessaire. Nous aimerions que le centre socio-médico-judiciaire de sûreté de dix studios ouvert en 2010, qui a accueilli moins de dix détenus en dix ans, soit transformé en unité de soin de longue durée, fonctionnant comme une SAS – structure d'accompagnement vers la sortie. Cette unité faciliterait l'acclimatation à une vie semi-collective de personnes parfois détenues depuis vingt ou trente ans, ou ayant un parcours de vie très chaotique, avec une orientation dans un établissement adapté aux besoins spécifiques des personnes accueillies.

Enfin, il est important de rappeler les difficultés de recrutement de personnel médical et paramédical, notamment des ophtalmologues, psychiatres, dermatologues, médecins généralistes, infirmiers, aides-soignants et rééducateurs. Il est indispensable de renforcer l'attractivité des métiers du soin en milieu pénitentiaire. Ces difficultés de recrutement obligent à mobiliser des moyens d'escorte pénitentiaire pour se rendre dans les hôpitaux qui acceptent de prendre en charge les personnes détenues. Le développement depuis plusieurs années de solutions de télémédecine permet parfois d'éviter ces déplacements, notamment pour des avis de dermatologie et d'ophtalmologie. Ils permettent également de préserver la confidentialité, ce qui n'est pas toujours le cas lors des extractions vers des consultations publiques.

Concernant nos relations avec l'administration pénitentiaire, les principales difficultés rencontrées sont liées au fonctionnement des escortes et à leur nombre limité, qui réduit les sorties possibles. Une autre difficulté est posée par le refus de certains services préfectoraux de mettre en place des gardes statiques pour les hospitalisations de détenus nécessitant des actes non réalisables dans les UHSI, conduisant à l'annulation de certaines interventions. Ces obstacles sont chronophages et alourdissent notre charge de travail.

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Dr Patrick Serre, chef de l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire de la maison d'arrêt du Mans-les Croisettes, vice-président de l'APSEP

En 1994, la prise en charge sanitaire des personnes détenues est passée d'une tutelle de l'administration pénitentiaire à une tutelle du ministère de la santé. Nous avons appris à travailler ensemble, notamment grâce à des guides méthodologiques plusieurs fois réactualisés. Après des négociations avec l'administration pénitentiaire et le ministère de la Santé, nous sommes arrivés à un consensus pour la prise en charge globale sanitaire.

Nous sommes attachés aux valeurs de droits des patients, d'accès au soin et aux actes de prévention et de promotion de la santé, de secret médical, trop largement bafoué, en particulier lors des extractions dans les établissements publics de référence, et enfin d'indépendance des professionnels de soin sur le terrain. Au fil du temps, des pressions sécuritaires croissantes de la part de l'administration pénitentiaire ont rendu difficile l'exercice de notre travail. Nous avons tenté de parvenir à un consensus pour des protocoles d'échanges d'information, qui pourraient être bénéfiques aux patients, mais aussi être utiles à la préparation de leur sortie. Il s'agit d'un véritable défi, car il faut trouver une juste place pour le secret médical et trouver le bon moyen de préparer les sorties en travaillant avec les services sociaux. Un trop grand nombre de patients détenus retourne en prison, notamment dans les maisons d'arrêt. Pour lutter contre la récidive, nous devrons trouver un espace de travail commun, tout en respectant notre secret médical, notre éthique et nos patients.

Les freins sont nombreux dans les prises en charge, l'accès aux soins et le respect du secret médical. Les extractions médicales sont souvent un obstacle. L'administration pénitentiaire peine à recruter le personnel nécessaire. Il est indispensable que les soignants sur le terrain ne soient pas considérés comme des auxiliaires de justice. Nous voudrions participer à l'amélioration du parcours de soin, à la préparation de la sortie, et être associés plus largement à l'élaboration des unités médicales dans les nouvelles constructions. Nous voudrions également travailler efficacement avec le ministère de la santé car nous constatons un décalage croissant entre les décisions prises par le ministère et la réalité du terrain. Il faut tenir compte des récentes évolutions de ce terrain. Les personnels de soin sont contraints à d'importants sacrifices pour assurer l'accès aux soins des patients détenus.

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Merci beaucoup pour ces premiers éléments. Je vous propose de répondre comme vous le souhaiterez aux questions suivantes.

Pourriez-vous revenir sur les problèmes posés par les extractions médicales en ce qui concerne le secret médical ?

La carence de professionnels de soin en milieu pénitentiaire reflète-t-elle celle des professionnels de soin en général ou relève-t-elle d'autres facteurs pénalisants ?

Vous paraissez soucieux des problématiques liées à la sortie. Cependant, il semble que la détention permette de faire davantage accéder aux soins des personnes qui en étaient écartées. Que faire pour que les parcours de vie des détenus soient toujours en progression ?

Certaines personnes auditionnées ont établi un lien entre la surpopulation carcérale et le suicide. Certains ont rapporté que la solitude contribuait à augmenter le risque de suicides, tandis que d'autres soulignaient que la surpopulation créait des problématiques d'accès aux soins et aux professionnels de santé. Quel est votre point de vue ?

Pourriez-vous expliciter vos propos sur les MIG et sur les studios à Fresnes ?

Enfin, je peine à distinguer la frontière entre des personnes souffrant de troubles psychologiques ou psychiatriques qui se retrouvent en prison et celles qui ne devraient pas s'y retrouver. Il nous a été dit que l'article 122-1 du Code pénal sur l'abolition totale ou partielle de discernement, en 1994, a fait évoluer la question. Quel est votre regard sur cet article ?

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Madame Bur, qu'entendez-vous par l'expression « gardiens de la folie » ?

Monsieur Serre, comment souhaiteriez-vous être associé à la rénovation des bâtiments ?

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Voici quelques exemples sur le secret médical bafoué lors d'extractions. Le chef d'escorte pénitentiaire qui accompagne un détenu en consultation médicale extérieure a toute latitude pour assurer la sécurité. Il existe trois niveaux de surveillance pénitentiaire dont l'escorte doit appliquer les règles pour l'extraction, définies par le directeur pénitentiaire. Des détenus de niveau 1, présentant un risque d'évasion quasi nulle, se voient parfois appliquer des menottes et entraves à l'arrivée à l'hôpital et imposer la présence du surveillant pénitentiaire durant la consultation. Aucune consultation ne devrait se dérouler en leur présence. Certains patients détenus à l'hôpital ont refusé la consultation en raison de la présence du surveillant pénitentiaire, que seul le niveau 3 de sécurité impose. Pour ces cas, des solutions pourraient être envisagées, comme une salle de consultation avec un oculus, afin que la confidentialité à l'hôpital soit respectée.

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Dr Patrick Serre, chef de l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire de la maison d'arrêt du Mans-les Croisettes, vice-président de l'APSEP

Concernant le secret médical, nous sommes tenus par le code de déontologie, le Code de procédure pénale et le Code de santé publique. La loi a prévu des cas d'exemption du secret médical que nous respectons sur le terrain, en particulier pour les questions de dangerosité. Il nous est souvent demandé de participer à des commissions pluridisciplinaires où des échanges d'informations s'effectuent entre différents services qui composent l'établissement pénitentiaire, l'administration pénitentiaire qui régit l'établissement et des associations. Nous ne voyons pas d'intérêt d'y participer. En effet, nous devons disposer d'un accord écrit dans le dossier médical du patient pour fournir des informations à caractère médical au sein de cette commission. Or ces dernières sont souvent utilisées par l'administration pénitentiaire au détriment du patient détenu, ce qui nous place dans une situation inconfortable vis-à-vis de ce dernier.

Nous cherchons à mettre en place avec l'administration pénitentiaire des procédures pour mieux respecter ce secret. Par exemple, l'administration pénitentiaire utilise un logiciel informatique Genesis, purement pénitentiaire. Nous bénéficions pour notre part de logiciels informatiques strictement sanitaires. Or l'échange d'information entre ces deux systèmes n'est actuellement pas sécurisé.

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Dr Marie Bur, psychiatre au centre pénitentiaire du Havre, vice-présidente de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

Vous évoquiez l'article 122-1, alinéas 1 et 2. Je suis aussi psychiatre experte au département de la cour de Rouen. L'article 64 permettait auparavant une expertise psychiatrique pour éviter l'incarcération des malades mentaux. Cet article a évolué et identifie l'abolition du discernement et le contrôle des actes. Nous observons une présence majeure en détention de troubles mentaux graves, notamment de patients schizophrènes et bipolaires. Une fois incarcérés, il est difficile de faire sortir ces patients du système pénitentiaire. Je parlais de gardiens de la folie. En attendant son passage devant la chambre d'instruction, le patient peut être reçu par le psychiatre et les infirmiers, mais il ne peut être hospitalisé de manière continue. Ces patients sont généralement attribués aux quartiers d'isolement et disciplinaires sous un régime pénitentiaire. Lorsqu'ils sont hospitalisés lors de phases aiguës de décompensation, ils ne restent pas plus de deux semaines à l'hôpital, faute de places en UHSA.

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Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)

Certains troubles liés à des syndromes démentiels chez les personnes âgées ne sont jamais explorés. On retrouve des détenus en unités sanitaires envoyés à l'hôpital de Fresnes qui ignorent qu'ils se trouvent en détention. Ce ne sont pas des malades psychiatriques, mais des personnes souffrant de démence, c'est-à-dire d'une maladie neurologique. Or cette distinction est rarement prise en compte.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

J'ai participé à la révision de la loi sur la suspension et l'aménagement de peine pour raison médicale. Il est difficile de faire valoir les cas de démence auprès du magistrat qui prononce l'incarcération ces questions. En général, durant la période où le patient est prévenu, le magistrat ne prend pas de décision et attend le jugement pour envisager un aménagement ou une suspension de peine. La loi autorise pourtant l'aménagement pour les patients prévenus. Les magistrats souhaitent souvent des garanties à des aménagements de peine, comme une place en établissement de santé. Or ces places sont très rares et il faut parfois attendre six ou neuf mois pour les obtenir. Durant cette période, les personnes restent en détention et leur état neurologique se dégrade fortement.

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Dr Patrick Serre, chef de l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire de la maison d'arrêt du Mans-les Croisettes, vice-président de l'APSEP

La construction de nouveaux bâtiments où sont implantées les unités sanitaires est souvent réalisée par des sociétés privées. Il faudrait que les utilisateurs ces services soient associés à la construction pour une meilleure appropriation et pour réaliser un projet médical d'équipements et de soins adapté aux populations qui occuperont ces locaux. Or des quartiers de préparation à la sortie construits ou réhabilités sans que les soignants aient été associés aux projets ouvriront en 2021 et en 2022. En 2010, j'ai eu la chance de participer à la construction de la maison d'arrêt au Mans, et je suis assez satisfait de mes locaux.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Si les architectes hospitaliers ne sont pas consultés pour la création d'un service, nous pouvons nous retrouver confrontés à situations insensées. La maison d'arrêt de la Santé a été rénovée récemment. La porte de la salle d'urgence pour les patients en détresse vitale ne permet pas le passage du brancard du SAMU.

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Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)

J'ai souligné précédemment que, pour garder des patients dépendants ou présentant des polyhandicaps, la solution n'était pas seulement architecturale, mais nécessitait une aide humaine. Il serait par exemple possible d'associer des professionnels du soin à la construction de quartiers situés en rez-de-chaussée, proches de la porte d'entrée pour que les services de soins puissent facilement apporter de l'aide.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Les MIG sont les missions d'intérêt général qui forment le budget de fonctionnement des unités sanitaires. Nous ne dépendons pas du budget de l'hôpital, mais disposons d'un budget propre défini au niveau du ministère et donné par l'ARS aux établissements de santé pour faire fonctionner nos unités. Le problème est que les MIG n'ont pas été révisées pour les USMP depuis longtemps et qu'elles sont calculées sur la base du nombre théorique de patients, alors que le taux d'occupation en Île-de-France dépasse 160 %.

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Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)

Concernant les studios, je vous ai décrit le centre socio-médico-judiciaire de sûreté de l'hôpital de Fresnes, dont toute une aile a été transformée en dix studios. D'une taille d'environ 20 mètres carrés, ces studios ont accueilli moins de dix détenus en dix ans. L'aile comprend également une salle d'activité, une salle de soin, une salle informatique, un salon. Cet étage coûte environ 50 000 euros de frais de maintien chaque année alors qu'il n'est pratiquement pas utilisé. L'ensemble du personnel pénitentiaire, médical et paramédical de l'hôpital de Fresnes souhaiterait que l'étage soit transformé en unité de soins longue durée SAS pour nous permettre d'observer l'adaptation de personnes en détention depuis vingt-cinq ou trente ans à la vie en semi-collectif, avant de les orienter vers des EHPAD.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Le manque de ressources humaines reflète la difficulté à trouver des professionnels en général. Le travail en détention pose des difficultés supplémentaires, car il implique des conditions compliquées telles que le bruit ou la violence. C'est un milieu peu attractif pour les médecins ou le personnel paramédical.

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Existe-t-il des primes pour ce personnel médical et paramédical ?

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

La prime de risque, pour les infirmiers, s'élève à 96 euros par mois. Cette prime n'a pas été davantage réévaluée que la MIG. Les primes ne suffiraient cependant pas à redonner de l'attractivité à ces métiers. Il faut un travail sur la reconnaissance et l'évolution des carrières.

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Comment le personnel médical et paramédical en milieu pénitentiaire est-il recruté ?

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Le recrutement s'effectue par l'hôpital de rattachement. L'administration pénitentiaire n'a d'autre droit de regard que la vérification du casier judiciaire.

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Pourriez-vous revenir sur la question du suicide ?

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Dr Marie Bur, psychiatre au centre pénitentiaire du Havre, vice-présidente de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

Le milieu carcéral est un milieu d'isolement vis-à-vis de la famille et de la société. Lorsqu'il arrive en prison, le détenu est soumis au choc carcéral. La première solution fournie est généralement médicamenteuse et s'appuie sur des produits psychoactifs. La sur-prescription est un problème répandu contre lequel il faut lutter. Le milieu carcéral est un environnement où chacun vit et agit par le passage à l'acte. Les détenus sont dépendants à l'égard de tout : les horaires de repas, de sortie, de visites, de visites médicales leur sont imposés, et cette situation peut engendrer le passage à l'acte.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Le milieu pénitentiaire est en effet un milieu d'isolement. Les nouveaux établissements prévus sont tous extrêmement éloignés, ce qui engendre des difficultés vis-à-vis des familles qui ne peuvent rendre visite aux détenus et peut favoriser les passages à l'acte.

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Nous sommes conscients de ce problème qui isole encore davantage les détenus.

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Je souhaitais savoir si la surpopulation avait un impact sur le suicide. Un directeur pénitentiaire m'a rapporté que l'encellulement individuel dans certains établissements a pu entraîner davantage de risques de suicide.

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Dr Marie Bur, psychiatre au centre pénitentiaire du Havre, vice-présidente de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

La majorité des détenus placés en encellulement individuel demandent la présence d'autrui. En maison d'arrêt, un détenu passe en moyenne vingt-trois heures sur vingt-quatre seul en cellule.

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Vous avez évoqué le chiffre de 119 suicides, très élevé. Comprend-il les tentatives de suicide ?

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Dr Marie Bur, psychiatre au centre pénitentiaire du Havre, vice-présidente de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

Il s'agit de 119 suicides commis. Les tentatives de suicide sont quotidiennes. Ce chiffre est une moyenne annuelle, il ne concerne pas uniquement l'année 2020. Il connaît même une légère augmentation.

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Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)

Concernant l'accès aux soins avant et après la prison, il faut reconnaître le rôle important joué par les unités sanitaires dans la prise en charge somatique des personnes détenues, notamment dans le dépistage des MST – maladies sexuellement transmissibles –, des hépatites, de la tuberculose et d'autres maladies. La première consultation permet une première esquisse d'accès aux soins de ces personnes.

Dans le cadre de sa thèse, une étudiante a travaillé sur la vaccination antitétanique des détenus de Fresnes en 2019. Le taux de sérologie positive, qui s'élevait à 85 %, était donc plus important que celui de la population générale. Beaucoup de détenus étaient jeunes et le rappel vaccinal à l'adolescence était à l'origine de cette immunité. Cependant, sur 500 détenus, ceux présentant le meilleur taux de sérologie positive étaient ceux qui avaient déjà été incarcérés. C'est un exemple du travail remarquable de vérification de l'état de santé à l'entrée en détention.

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Notre action est également la promotion à la santé. En raison du manque de personnel, il est difficile de mettre en place cette promotion à l'entrée, mais elle est très importante pour l'avenir de nos patients. Le côté pervers de la performance de ces unités de soin est qu'elle pousse certains magistrats à penser que des personnes à la rue, dont la santé est mal prise en charge, trouveront un meilleur accès aux soins en prison.

Concernant la sortie, la situation dépend des établissements. Les maisons d'arrêt dans lesquelles les sorties ne sont pas programmées posent des difficultés pour organiser la sortie et entretenir des liens avec les structures de soin à l'extérieur pour poursuivre la prise en charge. Dans les établissements où la sortie est prévue, un projet de soins peut être mis en place. Le projet de soin doit être déconnecté du parcours pénal.

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Dr Patrick Serre, chef de l'unité sanitaire en milieu pénitentiaire de la maison d'arrêt du Mans-les Croisettes, vice-président de l'APSEP

Il faut utiliser au mieux le temps de l'incarcération. La durée moyenne de séjour en maison d'arrêt est de quatre mois et une semaine. Il faut pendant ce temps proposer des actes de soin aux patients, des actions de prévention et de promotion de la santé, en pensant immédiatement à la sortie. Nombre de patients se retrouvent en liberté après une ordonnance de remise en liberté immédiate sans la prescription médicale qu'ils requièrent. Il faudrait pouvoir partager avec les organismes des informations qui permettent une meilleure continuité de la prise en charge sanitaire à l'extérieur. Pendant le temps d'incarcération, la télémédecine, qui ne doit pas prendre le pas sur toutes les consultations, permet de proposer des actions de prévention et de promotion de la santé sur des groupes de détenus, assurées par des infirmiers ou des médecins de l'hôpital de référence.

Il faut améliorer les circuits des patients détenus au sein des établissements de santé de référence somatiques ou psychiatriques. Certains détenus refusent d'aller à l'hôpital, car ils refusent de se trouver menottés dans la salle d'attente. Il faut travailler pour faciliter l'accès aux soins à tous les niveaux.

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Dr Marie Bur, psychiatre au centre pénitentiaire du Havre, vice-présidente de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP)

Concernant le refus d'aller à l'hôpital, l'hospitalisation des détenus en hôpital psychiatrique ordinaire est compliquée, car le patient passe son séjour en chambre d'isolement. L'instauration d'un lien de confiance est alors difficile. L'incarcération doit permettre un temps de pause et de soins.

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La reprise de la compétence d'extraction par l'administration pénitentiaire a-t-elle changé la situation ? La gestion des niveaux de sécurité a-t-elle toujours été problématique ? Pensez-vous qu'il faudrait travailler sur les niveaux de sécurité ?

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Dr Béatrice Carton, cheffe de l'unité de consultations et de soins ambulatoires de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy, présidente de l'Association des personnels de santé exerçant en prison (APSEP)

Le travail sur les niveaux de sécurité relève de la compétence du pénitentiaire. Les extractions ont toujours fait partie de la compétence pénitentiaire ou de la police. Cependant, nous souhaiterions des escortes pénitentiaires dédiées, avec des équipes formées aux problèmes médicaux et au respect de la confidentialité. Nous voudrions également que les extractions que nous demandons pour raison médicale ne soient pas annulées en raison des transferts pénitentiaires ou des extractions judiciaires. En effet, les mêmes escortes accompagnant les détenus lors de ces transferts, certaines extractions médicales sont fréquemment annulées et reportées.

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Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF)

En dehors du critère de dangerosité, la garde statique n'est pas indispensable pour les femmes. Or l'hôpital de Bicêtre dispose de deux gardes statiques, car la préfecture refuse d'en accorder un troisième. Il faut constamment lutter contre l'administration pénitentiaire qui refuse de faire sortir certains patients, quand bien même leur santé en dépend, en invoquant le manque de gardes statiques. J'ai beaucoup d'expérience médicale et je reste ferme dans ma décision, car elle va dans l'intérêt des patients, mais certains jeunes médecins moins expérimentés ignorent comment réagir face à l'administration pénitentiaire dans ces situations.

La réunion se termine à dix heures et vingt-cinq minutes.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Présents. - Mme Caroline Abadie, M. Philippe Benassaya, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Stéphane Trompille

Excusé. - M. Alain Bruneel