Intervention de Dr Anne Dulioust

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 9h05
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Dr Anne Dulioust, cheffe de pôle et directrice médicale de crise de l'Établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) :

L'EPSNF a en charge l'hospitalisation des personnes détenues à côté des UHSI. Sa particularité est d'être placé sous double tutelle, à la fois du ministère de la santé et du ministère de la justice. Cet établissement dispose de quatre-vingts lits d'hospitalisation, dont seize lits de court séjour et soixante-quatre lits de soins de suite et de réadaptation, parmi lesquels quarante-deux lits sont fléchés rééducation neurologique et locomoteur avec une compétence nationale. Les patients peuvent venir de territoires métropolitains et hors métropole.

L'EPSNF dispose également d'un plateau de consultations spécialisées accueillant des patients en provenance de toutes les détentions d'Île-de-France, voire d'autres régions, un plateau technique de radiologie avec scanner et échographie, un plateau de rééducation dédié essentiellement aux quarante-deux patients de rééducation où travaillent des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes, une diététicienne, une neuropsychologue, un enseignant d'éducation physique adaptée et une orthophoniste à temps partiel.

La mission de l'EPSNF est celle de tout établissement de santé : soigner et non garder les personnes détenues pour lesquelles, en raison de leur âge, de leurs déficiences ou de leur dépendance, l'administration pénitentiaire ne dispose pas de solutions d'hébergement adaptées. Le problème n'est pas seulement architectural et ne saurait être résolu en construisant de nouvelles prisons. Le principal obstacle est humain, il relève de l'absence d'aides à la personne et d'auxiliaires de vie en prison. Or de plus en plus de magistrats ordonnent la mise sous écrou de personnes très âgées, parfois sous prétexte que les médecins des unités de soin en milieu pénitentiaire pourront les réorienter vers l'EPNSF. Actuellement, 30 % des patients hospitalisés à l'hôpital de Fresnes ont plus de 60 ans, âge à partir duquel l'administration pénitentiaire considère qu'il s'agit de personnes âgées en raison de leur parcours de vie.

Les chiffres fournis par l'administration pénitentiaire en 2018 évaluent à 3,8 % de la population pénitentiaire âgée de 60 ans et plus, soit 2 626 personnes. Les personnels médicaux et paramédicaux déplorent que certaines personnes soient hospitalisées depuis plusieurs années en raison de l'absence de possibilité d'intervention dans les établissements pénitentiaires des services d'aide et d'accompagnement à domicile.

Les professionnels médicaux et paramédicaux tiennent à souligner les difficultés à trouver des solutions d'hébergement, que ce soient des dispositifs d'accueil adaptés, des EHPAD – établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes –, des maisons d'accueil spécialisées, des foyers d'accueil médicalisés ou des unités de soin de longue durée gérontopsychiatriques. Cette carence en places d'accueil n'est pas spécifique au public justice, mais les structures d'hébergement sont souvent réticentes à accueillir ce public âgé en raison de la stigmatisation des auteurs d'infraction à caractère sexuel.

Nous souhaitons qu'une évaluation neurocognitive soit réalisée avant la mise sous écrou de personnes âgées. Les situations individuelles étant très diverses en raison du parcours de vie, le critère de l'âge ne peut être le seul pris en compte. Pour les personnes qui ont vieilli en détention, une telle réévaluation paraît nécessaire. Nous aimerions que le centre socio-médico-judiciaire de sûreté de dix studios ouvert en 2010, qui a accueilli moins de dix détenus en dix ans, soit transformé en unité de soin de longue durée, fonctionnant comme une SAS – structure d'accompagnement vers la sortie. Cette unité faciliterait l'acclimatation à une vie semi-collective de personnes parfois détenues depuis vingt ou trente ans, ou ayant un parcours de vie très chaotique, avec une orientation dans un établissement adapté aux besoins spécifiques des personnes accueillies.

Enfin, il est important de rappeler les difficultés de recrutement de personnel médical et paramédical, notamment des ophtalmologues, psychiatres, dermatologues, médecins généralistes, infirmiers, aides-soignants et rééducateurs. Il est indispensable de renforcer l'attractivité des métiers du soin en milieu pénitentiaire. Ces difficultés de recrutement obligent à mobiliser des moyens d'escorte pénitentiaire pour se rendre dans les hôpitaux qui acceptent de prendre en charge les personnes détenues. Le développement depuis plusieurs années de solutions de télémédecine permet parfois d'éviter ces déplacements, notamment pour des avis de dermatologie et d'ophtalmologie. Ils permettent également de préserver la confidentialité, ce qui n'est pas toujours le cas lors des extractions vers des consultations publiques.

Concernant nos relations avec l'administration pénitentiaire, les principales difficultés rencontrées sont liées au fonctionnement des escortes et à leur nombre limité, qui réduit les sorties possibles. Une autre difficulté est posée par le refus de certains services préfectoraux de mettre en place des gardes statiques pour les hospitalisations de détenus nécessitant des actes non réalisables dans les UHSI, conduisant à l'annulation de certaines interventions. Ces obstacles sont chronophages et alourdissent notre charge de travail.

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