Intervention de Éric Le Grand

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 10h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Éric Le Grand, chargé de mission santé et prévention en milieu pénitentiaire à la Fédération nationale d'éducation et de promotion de la santé (FNES) :

La FNES est une association loi 1901 qui s'inscrit dans les questionnements autour de la promotion de la santé et qui propose de concevoir la santé comme une ressource et non seulement comme un but. La FNES se décline au niveau régional autour des instances régionales d'éducation et de promotion de la santé. Ces instances interviennent pour certaines dans le milieu pénitentiaire sur des volets de formation des professionnels, avec des volontés d'intersectorialité consistant à mélanger surveillants et professionnels de santé pour définir ce qu'est la santé et les moyens de mieux agir conjointement. Il s'agit parfois également d'interventions directes auprès des publics détenus.

Avant de s'interroger sur le soin, la question de la santé en général se pose. Le rapport du Haut Conseil de la santé publique rappelle que les populations incarcérées sont socialement défavorisées et cumulent un certain nombre de risques, de handicaps et de vulnérabilités qui peuvent s'accroître à l'intérieur de la prison. Nous cherchons les moyens d'éviter de renforcer les inégalités sociales de santé à l'intérieur de la prison pour assurer une meilleure réinsertion par la suite. Le milieu carcéral doit être conçu comme un milieu de vie dont les conditions de suroccupation ou de bruit pèsent aussi sur la santé des personnes détenues.

Concernant l'accessibilité aux soins, outre le manque de personnel, il faut prendre en compte les difficultés de compréhension avec les personnes détenues qui peuvent émerger pour éviter le non-recours aux soins en prison. Dans ce cadre, un travail permanent entre l'administration pénitentiaire et les soignants est nécessaire. Or sécurité et santé peuvent parfois s'opposer. La création de binômes en santé au sein de l'administration dans un établissement et au sein de l'unité sanitaire permettrait une meilleure collaboration et une réflexion commune sur cet aspect. L'accessibilité des soins soulève également la question des week-ends sans permanence sanitaire, que les personnes détenues évoquent comme un frein. Les extractions médicales et l'accueil à l'hôpital sont également identifiés comme des obstacles à l'accès aux soins.

Nous travaillons en partenariat avec la direction générale de la santé et l'administration pénitentiaire pour renforcer le volet de promotion de la santé au sein des établissements pénitentiaires. Des projets sont mis œuvre, comme des réunions au niveau régional rassemblant des professionnels des établissements de santé, sociaux et éducatifs, en lien avec les ARS et les directions interrégionales des services pénitentiaires (DISP).

Le rapport du projet PRISCA – recensement des projets de promotion de la santé en milieu pénitentiaire – présente un état des lieux sur les actions de promotion de la santé réalisé en 2020 auprès des établissements pénitentiaires. Il ne s'agit pas d'un recensement exhaustif. Soixante-quatorze établissements ont répondu à l'enquête, signe que la santé intéresse l'administration pénitentiaire. Des stratégies validées scientifiquement de manière nationale, voire internationale, ont pu être proposées. Les stratégies mobilisatrices et émancipatrices comprennent la participation des personnes, non seulement dans le cadre d'ateliers, mais aussi dans un processus de co-construction. L'éducation par des pairs, qui existe dans d'autres pays, ainsi que d'autres démarches communautaires en santé, permettent aux personnes détenues d'élaborer leurs propres programmes et de développer des compétences psychosociales.

Les stratégies plurithématiques prennent en compte la dimension intersectorielle de la santé, qui est encore trop souvent abordée dans des approches en silo. Nous cherchons par exemple à mêler les dynamiques liées au sport, à l'alimentation ou à la culture avec les questions de santé.

Nous avons également proposé des approches populationnelles. Les addictions ne sont pas les seules problématiques de santé rencontrées par les personnes détenues. Certaines souffrent de pathologies chroniques, tandis que d'autres développent des pathologies au cours de leur détention.

Enfin, nous avons repéré en France des stratégies organisationnelles et structurelles. Il s'agit de mettre dans le projet d'établissement la question du bien-être et de la promotion de la santé des personnes, en s'appuyant notamment sur la formation des professionnels.

Je conclus en soulignant qu'il est également important de penser aux professionnels qui exercent dans ce milieu, à la fois surveillants et professionnels de santé.

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