Intervention de Laurent Michel

Réunion du mercredi 27 octobre 2021 à 10h30
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Laurent Michel, administrateur de la Fédération Addiction :

Les chiffres ne sont pas récents. On estime que 40 % des détenus entrants présentent des conduites addictives à l'alcool ou aux drogues. Environ 9 % de détenus bénéficient des traitements de substitutions aux opiacés, avec des disparités importantes d'un établissement à l'autre. Cependant, ces traitements ne concernent que les personnes dépendantes aux opiacés, soit un nombre restreint d'usagers de substances illicites. Un grand nombre de détenus sont usagers de cannabis, de cocaïne, de crack, et il n'existe pas de traitement de substitution pour ces cas. Beaucoup de personnes sont également concernées par l'addiction à l'alcool.

En tant que psychiatre en détention, j'ai en effet constaté ce que vous soulignez sur l'accès aux soins. Un certain nombre de personnes initient des soins en prison, car ils viennent d'horizons qui ne leur ont pas offert cette opportunité. L'effet pervers est que certains magistrats décident d'incarcérer une personne afin qu'elle bénéficie de soins. C'est une situation fréquente, que des détenus rapportent également.

La RDR est une stratégie de prévention. Une étude menée avec l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales montrait des signes indirects de pratiques d'usages de drogues, notamment des seringues retrouvées en prison. Les usagers eux-mêmes déclaraient des pratiques consommation de drogues illicites en détention ou de médicaments détournés de leur usage, prescrits en détention ou à l'extérieur. Devant la clandestinité des pratiques, un certain nombre de personnes augmentent encore plus leurs pratiques en détention. Devant l'absence d'outils, ces usagers réutilisent leurs outils et les diffusent à d'autres détenus. L'accès aux outils de réduction des risques se fait également dans la clandestinité, car il ne bénéficie d'aucun statut légal et les directions sont inquiètes et ne maîtrisent pas le sujet. Nous avons tenté de déployer un projet de recherche sur la prévention du risque infectieux chez les détenus – PRIDE, afin d'évaluer les conditions d'acceptabilité des mesures de RDR en prison. Nous avions signé une convention avec la direction générale de la santé, la direction générale de l'offre de soins et la direction de l'administration pénitentiaire, et bénéficiions des financements Sidaction, de l'INSERM et de l'ARS de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Alors que tout était mis en place, incluant l'ensemble des mesures de réduction des risques prévues par les recommandations de l'OMS, l'administration pénitentiaire a décidé de suspendre cette démarche. Aucune évolution n'a eu lieu depuis lors. Le texte de la loi de santé de 2016 et son article sur le principe d'équivalence de la RDR en prison n'a pas vu le jour. Cette attente est toxique tant pour les usagers que pour les professionnels, confrontés à des pratiques à risque qui mettent en danger les usagers, mais aussi les professionnels et les autres détenus. Seules des interventions occultes sont mises en place, à cause de l'omerta qui entoure ces pratiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.