Intervention de Charlotte Caubel

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 17h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) :

De manière générale, on ne peut pas se satisfaire de la présence d'un mineur en prison. Par définition, cette situation doit rester une exception. Le nombre de mineurs détenus en France est relativement stable et s'élève à environ 700 individus à ce jour. Ce nombre reste faible par rapport à la population pénale totale et par rapport à la population suivie par la PJJ dans le cadre de la justice pénale des mineurs. Il est intéressant de noter que cette proportion est stable, alors même que l'imaginaire collectif considère que la délinquance des mineurs s'est aggravée, à la fois en quantité et dans la gravité des faits perpétrés.

La grande majorité des mineurs incarcérés le sont dans le cadre de la détention provisoire, régime insatisfaisant pour de nombreuses raisons. Contrairement à une détention classique, il ne permet pas d'installer un travail avec le mineur détenu. En effet, il est impossible de déterminer à l'avance la durée de la détention. Les mineurs détenus sont par définition présumés innocents, ce qui complique les modalités de leur prise en charge.

La PJJ travaille depuis longtemps avec la direction de l'administration pénitentiaire – DAP. La création des établissements et des quartiers pour mineurs – EPM et QM – ainsi que le retour de la PJJ dans les espaces carcéraux ont fait évoluer les pratiques éducatives en prison. Des améliorations restent bien sûr toujours possibles, mais la coordination entre la DAP et la PJJ est bien installée et fait l'objet de travaux réguliers. Le travail de ces derniers est parfois nourri par un regard extérieur apporté par l'inspection générale de la justice – IGJ.

Je souhaiterais également évoquer le nouveau cadre posé par le code de la justice pénale des mineurs – CJPM –, récemment créé par le Parlement. Notre objectif, grâce à ce texte, est de limiter les placements de mineurs en détention provisoire, dont il restreint les conditions. Le second but poursuivi consiste à redonner du sens à la peine, y compris à la peine de prison le cas échéant, en faisant intervenir beaucoup plus rapidement la décision de culpabilité et la sanction.

Notez que, jusqu'à présent, le bloc peine prévu dans la loi de programmation judiciaire ne s'applique aux mineurs qu'en de très rares occasions. En effet, ils exécutent leur peine en détention provisoire. Le tribunal pour enfants intervenant longtemps après les faits et la prise en charge éducative, la peine de prison prononcée couvre généralement la détention provisoire. Par conséquent, le bloc peine n'est pas appliqué et le mineur ne comprend pas pourquoi sa peine de prison est allongée sans pour autant être mise à exécution, puisqu'elle a déjà été exécutée. La réforme de la procédure pénale avait pour mission de s'attaquer à ce problème en se fixant pour objectif de limiter la détention provisoire et de redonner du sens à la peine – qu'il s'agisse d'une peine de prison ou d'une peine d'alternative à l'incarcération – en mettant en œuvre le bloc peine tel que prévu par la loi de programmation et de réforme pour la justice.

En matière carcérale, la PJJ agit en tant que partenaire de la DAP. Les équipes éducatives intervenant en prison sont liées aux équipes du milieu ouvert qui suivent le mineur de manière continue. Toutes sont censées travailler ensemble. Toutefois, cette tâche ainsi que l'accompagnement éducatif pendant et après la sortie de prison sont rendus difficiles par le caractère bref et imprévisible de la durée de la détention. Nous attendons beaucoup de la réforme à venir afin de pouvoir stabiliser les travaux éducatifs en cours.

La crise sanitaire a mis à l'épreuve la capacité des équipes de la PJJ et de la DAP à prendre en charge les mineurs. Nous avons globalement traversé cette période sans difficulté, à l'exception de quelques établissements qui ont moins bien fonctionné, notamment en raison de la suspension de certaines activités.

Contrairement aux quartiers pour majeurs, les QM ne connaissent pas de problème de surpopulation carcérale. Cette situation nous permet d'appliquer l'emprisonnement en cellule individuelle, droit reconnu aux prisonniers.

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