Intervention de Anne Coquet

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 17h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Anne Coquet, sous-directrice des missions de protection judiciaire et d'éducation :

L'incarcération des mineurs constitue en effet l'un des sujets de préoccupation majeurs de la sous-direction des missions de protection judiciaire et d'éducation. Actuellement, 733 mineurs sont concernés. Dans le cas de la justice des mineurs, la détention constitue toujours la dernière réponse pénale apportée. Cette problématique concerne à la fois le dedans, à travers l'incarcération des mineurs, et le dehors, à travers l'élaboration de projets sportifs et de travaux éducatifs. En effet, le projet de sortie se prépare dès le premier jour d'incarcération du mineur.

Les directions de la PJJ et de la DAP partagent une histoire commune. Auparavant en effet, la direction de la PJJ était une sous-direction de la DAP avant d'en être détachée. La PJJ n'est plus intervenue en détention à la suite d'une décision politique prise en 1978 et mise en œuvre en 1979. L'objectif consistait à limiter la détention des mineurs, et cette décision a conduit à mettre provisoirement fin à l'intervention de la PJJ en établissement pour mineurs. Le rôle institutionnel de la PJJ en détention a été réaffirmé dans une circulaire fondatrice datant du 24 mai 2013. Cette dernière consacre toutes les modalités d'intervention et de prise en charge des mineurs en détention, et réinstaure le partenariat de la PJJ avec la DAP. Elle définit notamment une intervention pluridisciplinaire impliquant quatre partenaires : la PJJ, la DAP, l'éducation nationale et la santé. Nous construisons depuis une culture commune. Il s'agit d'un rapprochement entre deux entités du ministère de la justice – la DAP et la PJJ – dont les identités s'étaient parfois construites en opposition, mais aussi d'un rapprochement interministériel avec l'éducation nationale et la santé. Si le rapprochement avec l'éducation nationale s'est déroulé très naturellement, celui avec la santé s'est avéré un peu plus délicat. Nous nous sommes en effet heurtés à la question du secret professionnel et à la difficulté de construire un secret partagé dans l'intérêt de la prise en charge des détenus. Cette articulation autour d'un travail pluridisciplinaire guide notre action depuis le retour de la PJJ.

La généralisation de l'intervention éducative en détention ainsi que sa continuité, ont permis aux professionnels de la PJJ d'opérer en quartiers pour mineurs et dans les établissements pénitentiaires. Cette généralisation a été renforcée par l'ouverture des EPM, en 2007-2008, qui a conduit à un travail conjoint entre la DAP et la PJJ. Nous avons effectivement contribué à élaborer et à façonner ce partenariat à quatre dans le cadre de la construction des EPM. Ces derniers ont servi de laboratoires et nous ont permis d'étendre notre action aux quartiers pour mineurs.

Les EPM et les quartiers pour mineurs ne relèvent pas du même cadre d'intervention et ne disposent pas des mêmes moyens humains et matériels. Pourtant, ces deux modèles tendent à se rapprocher sur le plan de la prise en charge des mineurs, du cadre de référence et de la commission pluridisciplinaire unique dans les deux types d'établissements. Une mission de l'inspection générale de la justice sur la détention des mineurs est d'ailleurs arrivée à cette même conclusion en 2017. Elle a également constaté que même si les quartiers pour mineurs ne disposaient pas de moyens aussi importants que les EPM, ils pouvaient être tout aussi efficaces pour raccrocher les mineurs aux apprentissages et aux activités, quand cela n'avait pas été possible auparavant dans un cadre moins contraint.

Parallèlement à cette mission d'inspection, les administrations de la PJJ et de la DAP ont lancé un groupe de travail interne composé de directeurs d'EPM et de directeurs intervenants en quartiers pour mineurs ; il s'agit le plus souvent de directeurs adjoints dédiés à l'intervention en quartiers pour mineurs. L'objectif de ce groupe de travail consistait à refixer le cadre de la prise en charge dans une logique de labellisation des quartiers pour mineurs, en travaillant notamment sur les problématiques de l'accueil, du déroulement de la prise en charge et de la préparation à la sortie. Je répète que les activités sont essentielles.

Les EPM ont été construits et conçus comme de petites structures n'obéissant pas à une logique pénitentiaire, y compris sur le plan architectural. Depuis lors, des mesures de sécurité ont été mises en place et les rapprochent davantage de certains quartiers pour mineurs. À l'origine, un EPM était une sorte de petit foyer. On y trouve une école, des espaces pour les activités, un pôle santé et des îlots composés d'unités de vie structurées autour du temps collectif. En effet, l'idée est de raccrocher le mineur à cette vie en collectivité dans le but de lui permettre de sortir de la logique de délinquance et de s'insérer scolairement ou professionnellement. La question des activités et de l'enseignement est très importante. Nous constatons que le volume horaire de l'enseignement et des activités varie selon les établissements. L'administration centrale et l'administration pénitentiaire ont d'ailleurs pour objectif de développer ces activités au maximum en vue d'occuper les jeunes, de les raccrocher à des dispositifs de droit commun et de les réinsérer.

Le partenariat mis en place avec la DAP et l'éducation nationale est très actif. Nous organisons tous les ans des comités de pilotage autour de la détention des mineurs. Nous participerons également au comité de pilotage sur l'enseignement en milieu pénitentiaire le 10 décembre prochain. En outre, l'élaboration d'une circulaire commune de travail avec la direction générale de l'enseignement scolaire – DGESCO – pour la prise en charge scolaire des mineurs détenus ou placés en centres éducatifs fermés figure parmi nos actions prioritaires pour l'année prochaine. Nous avons en effet constaté une similitude entre le profil des mineurs suivis et les problématiques scolaires. Nous avons donc prévu de travailler ensemble au renouvellement des cadres de notre intervention.

Un grand nombre des mineurs accueillis sont des mineurs non accompagnés, ou MNA. Ils sont même parfois majoritaires dans certains établissements. Ce public présente des besoins spécifiques tant sur le plan de la santé que de l'école et de la préparation du projet de sortie. Nous travaillons en étroite collaboration avec la DAP dans le but de ne pas créer de lieux de surconcentration de ces jeunes. Nous nous assurons ainsi qu'ils soient accueillis dans des établissements permettant une prise en charge adaptée à leurs besoins spécifiques. Nous travaillons notamment à leur répartition géographique, en particulier en région parisienne. Nous avons en effet constaté qu'une surconcentration de ces jeunes pouvait les mener à adopter des comportements préjudiciables. Nous préparons ainsi un dispositif permettant de les relocaliser dès le début de leur détention afin de favoriser la continuité de leur prise en charge et d'éviter les ruptures provoquées par d'éventuels transferts. En effet, les quartiers pour mineurs arrivent à saturation. Ce projet fait suite à l'une des préconisations de la dernière mission d'inspection interministérielle pour la prise en charge des MNA.

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