Intervention de Charlotte Caubel

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 17h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Charlotte Caubel, directrice de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) :

En effet ? les critères d'incarcération ne sont pas les mêmes pour les 13 à 16 ans et pour les 16à 18 ans, l'approche de ces deux tranches d'âge étant juridiquement différente. La prise en compte de l'âge est une réalité naturelle dans la décision de l'incarcération. Nous recherchons d'autres réponses pénales pour les mineurs les plus jeunes.

Il est nécessaire de prendre en compte le temps de la jeunesse ainsi que le problème de la réitération. La plupart des mineurs sont incarcérés en détention provisoire, le plus souvent au titre d'infractions correctionnelles. Il s'agit là du sujet principal que nous entendons résoudre avec la réforme du CJPM, et qui démontre l'essoufflement de l'ordonnance de 1945.

Pour l'instant, il faut attendre plus de quinze mois pour que les premiers faits soient jugés, laissant le temps au mineur de réitérer les infractions commises. Au bout de trois ou quatre affaires, le parquet finit par solliciter et obtenir la détention provisoire au prétexte d'éviter la réitération de l'infraction. De fait, la détention provisoire émane directement de la réitération. En offrant la détention provisoire comme réponse naturelle à la réitération, les jeunes qui commettent de nouvelles infractions en sortant de prison sont amenés à y retourner. Nous nous retrouvons alors face à un cercle vicieux entraîné par la détention provisoire comme réponse à la réitération. En fin de compte, très peu de peines sont mises à exécution, puisque la prison est exécutée par le mineur sous le régime de la détention provisoire. Je crois que cela explique pourquoi les 16-18 ans sont davantage incarcérés. Ils ont davantage réitéré. Les mineurs de 14 ou 15 ans sont certainement envoyés en détention en raison d'une forme d'exaspération.

Il convient d'ajouter une catégorie entre les mineurs et les majeurs que j'appellerais les jeunes majeurs ou vieux mineurs. Les mécanismes de résilience chez les majeurs et les mineurs diffèrent, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont pas la même maturité, le même rapport au temps ou au risque. Nous avons pu constater que l'incarcération n'a pas la même incidence chez un majeur que chez un mineur. Ce dernier ne dispose pas nécessairement de la même liberté d'aller et venir et de décider de sa vie qu'un majeur. Au contraire, certains mineurs incarcérés trouvent en détention un cadre de vie inexistant chez eux. Ils suivent un rythme quotidien du lever au coucher, ne subissent pas de violences physiques et se trouvent en présence d'adultes qui s'occupent d'eux. Ce mécanisme sera moins utile dans le cas d'un majeur.

Pour un mineur, la détention a parfois encore plus d'effets contre-productifs que chez un majeur, surtout lorsqu'elle est très courte dans le cadre de la détention provisoire. Contrairement à ce qu'on pourrait imaginer, elle n'aboutit pas toujours à stopper la pratique délinquantielle. Le mineur en ressort en effet avec une sorte d'aura liée à son séjour en prison. C'est pour cela que nous considérons par principe et par méthode éducative que la détention doit rester une exception et reprendre du sens.

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