L'incarcération des mineurs dans des établissements pénitentiaires pour mineurs – EPM – s'inscrit dans le cadre réglementaire issu de l'ordonnance de 1945 et du code de justice pénale des mineurs entré en vigueur le 30 septembre 2021. La convention internationale des droits de l'enfant de 1989 édicte également le principe selon lequel les mineurs doivent disposer d'un traitement spécifique en détention. Le cadre de l'incarcération des mineurs est en outre explicité dans la loi d'orientation pour la justice de 2002 qui édicte la construction des EPM, lesquels sont au nombre de six depuis 2007 : outre les EPM de Marseille et de Porcheville, les établissements à vocation régionale d'Orvault, Meyzieu, Lavaur et Quiévrechain maillent le territoire national. La loi pénitentiaire de 2009 opère une évolution en mettant l'accent sur le fait que le mineur, même à l'intérieur des établissements carcéraux, doit bénéficier d'un accès prioritaire à l'éducation et aux soins ; ce droit est développé plus spécifiquement dans une circulaire d'orientation de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse au niveau des EPM ainsi que dans la circulaire du 24 mai 2013. Cette dernière représente le document fondateur sur lequel nous nous appuyons afin de définir le cadre de fonctionnement des EPM et des quartiers pour mineurs – QM. Une note de 2014 rappelle également l'importance des projets d'établissement et détaille la manière de prendre en charge les mineurs en EPM de façon pluridisciplinaire. Enfin, le guide méthodologique de 2019 sur la prise en charge sanitaire ainsi que la circulaire commune de la direction de l'administration pénitentiaire et de la direction générale de l'enseignement scolaire de 2020 viennent réaffirmer la prédominance et l'importance de l'éducation nationale dans le cadre de la prise en charge des mineurs en détention.
Au-delà de ce cadre réglementaire, les spécificités de l'incarcération en EPM tiennent à différents facteurs, le premier étant la mixité. Des jeunes filles et garçons peuvent normalement s'y côtoyer. Ce n'est toutefois pas le cas à l'EPM de Marseille, qui souffre d'un sureffectif chronique depuis son ouverture en 2007 : il a donc été totalement dédié aux garçons, et un QM pour filles de dix places a été créé au centre pénitentiaire des Baumettes.
Notez également que l'architecture des EPM est particulière : il s'agit de petits établissements. L'EPM de Marseille bénéficie d'un effectif théorique de cinquante-neuf places réparties en sept unités de dix places, et l'encellulement individuel y est normalement de mise. Tous les mineurs sont incarcérés seuls et bénéficient dans leur cellule d'un accès à une douche et au téléphone. Les repas sont pris de façon collective dans les unités de vie. Les établissements possèdent en outre de petits patios de promenade, et leur architecture en arène s'organise autour du terrain de sport central et des infrastructures sportives. Tout cela contribue à une prise en charge individualisée des mineurs en détention.
Les EPM bénéficient de moyens humains spécifiques. Compte tenu du nombre de mineurs que nous accueillons, nos organigrammes sont extrêmement riches. Ainsi, nous disposons d'à peu près quatre-vingts personnels pénitentiaires, dont cinquante de la PJJ– protection judiciaire de la jeunesse –, une quinzaine de l'éducation nationale et plus d'une dizaine à l'unité sanitaire. Un prestataire privé est également présent pour la restauration, l'entretien des espaces verts et du bâti. La prise en charge des détenus en EPM coûte en moyenne 500 euros par jour et par mineur, ce qui représente le prix moyen de prise en charge de notre public le plus élevé au niveau de l'administration pénitentiaire. Cette dernière a fourni un véritable effort dans le but d'allouer des moyens humains à la prise en charge des mineurs.
Les EPM se distinguent également par l'articulation du temps de détention autour de l'éducation nationale, colonne vertébrale de la prise en charge des mineurs dans nos établissements. Du lundi au vendredi, comme au collège ou au lycée à l'extérieur, le mineur suit un temps de scolarité qui consiste soit en une reprise d'études soit en de l'alphabétisation pour les MNA – mineurs non accompagnés. Rappelons que ces derniers représentent environ 20 % du public accueilli à l'EPM de Marseille. Chaque mineur reçoit entre dix-huit et vingt heures de cours dispensés par l'éducation nationale, auxquelles s'ajoutent le mercredi et le samedi les activités de la PJJ, les parloirs, etc. Le temps de détention des mineurs est beaucoup plus rempli que celui des détenus majeurs.
L'implication de l'administration pénitentiaire dans le fonctionnement des EPM est dérogatoire à plus d'un titre. Les mineurs sont pris en charge par un binôme d'intervenants au niveau des unités de vie. Ce binôme est composé d'un surveillant pénitentiaire et d'un éducateur de la PJJ, qui travaillent ensemble tout au long du parcours de détention du mineur, pendant les temps collectifs des repas ou les activités. À l'EPM de Marseille, par exemple, certaines actions comme des courses sportives ou des activités jardin sont menées de concert par les différentes institutions qui œuvrent au sein de l'établissement.
Au moment de leur ouverture, les personnels affectés aux EPM étaient tous profilés, ce qui n'est plus le cas désormais. Les seuls postes actuellement profilés sont ceux de directeur et de chef de détention, le plus haut grade au niveau des officiers chefs de service pénitentiaire. En revanche, tous les personnels pénitentiaires affectés en EPM bénéficient d'une formation d'adaptation à la prise de fonction dispensée par l'école nationale d'administration pénitentiaire et l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse de Roubaix. Il s'agit d'une formation très courte de deux semaines qui ne permet pas toujours d'appréhender toutes les subtilités de la prise en charge des mineurs. Cette spécialisation est loin d'incarner notre cœur de métier, les mineurs détenus représentant environ 3 % de la population carcérale totale.
Depuis plusieurs années, la population pénale de l'EPM de Marseille est composée à 90 % de prévenus et 10 % de condamnés en moyenne. Plus de 75 % des infractions pour lesquelles les mineurs sont détenus sont délictuelles. Dans notre EPM, l'infraction à la législation sur les stupéfiants est, de loin, la plus fréquente, représentant en effet plus de 50 % des infractions délictuelles. Les mineurs incarcérés sont souvent des mineurs marseillais impliqués dans le narcotrafic, dans les mêmes proportions que chez les majeurs. Un grand nombre d'entre eux sont issus des quartiers nord de Marseille. Ils se regroupent à l'intérieur de l'établissement et retrouvent le fonctionnement qu'ils pouvaient adopter à l'extérieur.
Les MNA représentent 20 à 25 % des jeunes accueillis dans notre EPM. Cela nous oblige à réfléchir à des modalités de prise en charge adaptée, tant au niveau pénitentiaire pour l'accès à la langue, qu'au niveau de la PJJ ou de l'éducation nationale avec la mise en place de modules d'apprentissage spécifiques.
Je terminerai en soulignant les conséquences que le CJPM risque d'entraîner sur l'incarcération des mineurs. Depuis l'entrée en vigueur de la réforme, le 30 septembre dernier, nous observons une recrudescence des détentions provisoires. Ces dernières sont beaucoup plus courtes, les mineurs étant renvoyés en jugement entre dix jours et un mois après leur incarcération, ce qui nous oblige à repenser la façon dont nous les prenons en charge. Auparavant, une incarcération durait en moyenne quatre mois. Les EPM sont-ils amenés à devenir des établissements pour peine comme il en existe pour les majeurs, et les QM des maisons d'arrêt ? Il s'agit d'une réflexion à mener autour du CJPM.