Intervention de Nathalie Jaffré

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Nathalie Jaffré, directrice de l'établissement pour mineurs de Porcheville :

L'établissement de Porcheville fait partie des derniers EPM à avoir ouvert en 2008. Il est le seul en Île-de-France. Les établissements de Villepinte, Nanterre et Fleury-Mérogis disposent de QM. Le plus important est celui de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, qui dispose de quatre-vingt-dix places, quand un EPM en offre soixante. À Porcheville, notre effectif théorique est de cinquante-neuf places, notre dernière cellule ayant été aménagée en cellule de protection d'urgence. Comme à Marseille, nous accueillons exclusivement des garçons. En Île-de-France, les jeunes filles sont incarcérées dans le QM de la maison d'arrêt des femmes de Fleury-Mérogis.

Notre établissement dispose de sept unités de vie fonctionnant sous la forme de régimes différenciés, tel que préconisé par la circulaire de 2013. Ainsi, l'unité de vie du quartier arrivant est composée de six places. Nous disposons également de quatre unités de vie de dix places en régime de détention classique, d'une unité de dix places en régime de responsabilité et d'une unité de vie de trois places en régime à prise en charge renforcée. Enfin, l'établissement possède également un quartier disciplinaire de quatre places. Chaque unité de vie dispose d'entre trois et dix cellules, toutes équipées d'une douche, de sanitaires et d'un téléphone. Les unités de vie possèdent également une salle de détente, une cuisine ainsi qu'une cour de promenade centrale constituée d'un petit patio.

Le pôle sportif est pour sa part constitué d'un gymnase, d'une salle de musculation, d'une salle de renforcement musculaire et d'un terrain de sport extérieur. Nous disposons aussi d'une unité sanitaire dont l'équipement est tout à fait satisfaisant. Elle se compose d'une salle de soin, d'une salle de consultation pour le généraliste, d'une salle pour le dentiste, d'une salle pour le psychologue et d'une salle pour le pédopsychiatre. D'autres salles sont également disponibles en cas de besoin. Nous disposons également d'un centre scolaire composé d'une dizaine de salles de classe, d'une médiathèque, d'une salle polyvalente ainsi que d'une salle polycultuelle.

Contrairement aux établissements pour majeurs, les visites n'ont pas lieu dans des boxes, mais dans une salle des parloirs commune à tous.

Enfin, nous disposons de deux ateliers permettant de mettre en place des actions autour de la découverte professionnelle. Ainsi, notre infrastructure est tout à fait adaptée à la prise en charge de notre public. Nous ne rencontrons pas les mêmes difficultés que les QM qui doivent par exemple partager leurs salles avec les quartiers majeurs. Nous jouissons de toute la latitude possible pour organiser les activités correspondant à nos besoins.

Comme le disait Mme Bouchard, toute la vie de l'établissement est organisée autour du temps scolaire. Nous nous adaptons à l'emploi du temps établi par l'éducation nationale, et ne proposons pas d'activités sur les heures de cours. Toute la matinée et le début d'après-midi sont consacrés au temps scolaire. Les activités sportives, culturelles et d'insertion ne sont proposées qu'à partir de seize heures. Les mineurs se rendent à l'école au quotidien, les groupes classes étant composés de cinq mineurs maximum. Notre équipe est composée de dix enseignants et d'un proviseur. Les temps scolaires varient selon la situation des mineurs. Globalement, les jeunes que nous accueillons sont scolarisés, et les cas de déscolarisation que nous rencontrons sont récents, remontant à un an maximum et souvent liés à des problèmes d'orientation. Nous rencontrons peu de cas de non-alphabétisation, à l'exception des MNA. Les jeunes présentent un bon niveau scolaire et l'enseignement dispensé relève bien du niveau collège-lycée, et non du premier degré. Les mineurs qui étaient peu scolarisés suivent souvent environ douze heures de cours par semaine, les niveaux lycée pouvant suivre jusqu'à vingt-deux heures de cours hebdomadaire.

Le code de procédure pénale prévoit qu'un mineur peut être maintenu en EPM ou en QM jusqu'à six mois après sa majorité. Or les effectifs de l'établissement ne nous permettent pas toujours de garder les mineurs devenus majeurs. Nous ne souffrons certes pas de surpopulation, mais nous rencontrons parfois des problèmes d'encombrement nous menant à la limite du maximum. Si les effectifs ont aujourd'hui largement baissé, c'était notamment le cas avant la crise sanitaire. Notre effectif moyen était de cinquante-trois mineurs, alors que, pour l'année 2020, il est descendu à quarante-quatre.

Il est difficile de garder un mineur devenu majeur lorsqu'on atteint des effectifs aussi élevés. Nous le faisons quand il s'agit d'un souhait du jeune ou que la situation le nécessite. Un mineur peut devenir majeur en mars ou avril alors qu'il doit passer un examen en juin, notamment le bac. Nous pouvons aussi garder un majeur si nous savons que sa détention prendra fin et que nous souhaitons éviter un passage en maison d'arrêt.

Si, au contraire, nous savons que la durée de détention se prolongera et que le passage en détention majeure est inévitable, nous y procédons. L'arrivée en détention majeure peut donner lieu à un second choc carcéral. Les éducateurs de la PJJ accompagnent alors les mineurs détenus pour les préparer à la transition de la structure très protectrice de l'EPM au contexte de la détention majeure. À Porcheville, les éducateurs de la PJJ continuent parfois à les suivre en maison d'arrêt.

Comme à Marseille, 92 % des détenus de l'EPM de Porcheville sont des prévenus. Ce taux est stable depuis plusieurs années. Il convient de noter une évolution du rapport entre les procédures correctionnelles et criminelles : 38 % des mineurs sont placés sous le coup de procédures criminelles et 62 % de procédures correctionnelles, alors que ces pourcentages étaient de 25 % et 75 % respectivement il y a quelques années. Analyser ces données demanderait de connaître les chiffres à l'échelle nationale. Il peut s'agir d'un choix des magistrats parisiens d'orienter davantage les procédures criminelles vers l'EPM. L'établissement de Porcheville a une vocation très régionale. Nous recevons des jeunes de toute l'Île-de-France. Nous savons que les magistrats font parfois le choix de placer un mineur à l'EPM plutôt qu'au QM en fonction de son profil et au regard de la prise en charge proposée. Ce changement de profil peut être analysé de deux façons.

En 2020, la durée moyenne des séjours était de quatre mois, contre trois mois les années précédentes ; la crise sanitaire est peut-être responsable de cet allongement.

Par ailleurs, 15 % des mineurs accueillis ont moins de 16 ans, et 85 % plus de 16 ans. Nous avons enregistré une forte augmentation du nombre de MNA écroués sur l'année 2020, avant que ce nombre diminue à nouveau en 2021. Nous accueillons régulièrement des mineurs écroués dans le cadre d'affaires de terrorisme, notamment trois en 2020 et deux en 2021. C'est un profil que nous suivons régulièrement sans qu'un problème de prosélytisme soit constaté chez ces mineurs.

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