Intervention de Michaël Gilmant Merci

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Michaël Gilmant Merci, directeur de la maison d'arrêt de Villepinte :

Les QM tels que ceux de Villepinte ou Nanterre ne bénéficient pas des mêmes ressources qu'un EPM totalement dédié aux mineurs. La maison d'arrêt de Villepinte ouverte en 1991 dispose de 587 places, occupées par 978 personnes détenues, 40 places étant dédiées aux mineurs et occupées aujourd'hui par 26 jeunes hommes. Au 1er octobre 2021, nous accueillons au niveau national 733 mineurs pour 69 000 personnes détenues au total.

Un QM est inséré dans un établissement majoritairement occupé par les majeurs. Nous devons nous adapter à la prise en charge des majeurs, et non l'inverse. Nous parlions d'un coût de 500 euros par jour et par mineur en EPM. Dans un établissement comme celui de Villepinte, il est de 100 euros, soit cinq fois moins. Cela se traduit au niveau des moyens alloués, notamment en matière de ressources humaines, de prise en charge et d'immobilier. À Villepinte, les mineurs se trouvent dans un bâtiment éloigné de la détention pour les majeurs, qui abrite toutefois le quartier arrivant des majeurs, ainsi que des majeurs dits « spécifiques », présentant une pathologie psychologique. Deux unités de vie sont dédiées aux mineurs, qui ne croisent jamais les majeurs. Néanmoins, en matière de prise en charge, de bruit et d'ambiance au sein du bâtiment, nous sommes aux antipodes de ce que peut offrir un EPM.

La maison d'arrêt de la Seine-Saint-Denis dispose de sept surveillants dédiés aux quarante mineurs lorsque l'effectif est complet, mais il faut savoir que nous n'atteignons jamais ce chiffre. En effet, dès lors que nous arrivons à trente-cinq détenus, nous envoyons un courrier aux magistrats pour les prévenir et qu'ils puissent orienter les mineurs sur d'autres structures. Cela nous permet d'éviter d'être complets et de conserver une souplesse de gestion sur notre public. Contrairement au reste de l'établissement, l'encellulement individuel est effectivement assuré chez les mineurs, ce qui n'était pas le cas lors de mon expérience en outremer, à Mayotte, où, pour quarante places, nous accueillions cinquante mineurs.

Parmi les sept surveillants alloués à notre QM, deux sont cadres et un officier. Nous disposons également de huit éducateurs de la PJJ à plein temps sur la structure et d'une psychologue dédiée. Évidemment, les ressources humaines sont très différentes des EPM. Toutefois, en dépit de ce nombre d'acteurs plus restreint, notre fonctionnement en binômes permet une véritable richesse de la prise en charge. Les QM ont tendance à se rapprocher de la prise en charge proposée par les EPM. Ainsi, les surveillants travaillent en binôme avec les éducateurs, et un surveillant référent est affecté à chaque mineur afin qu'il dispose d'une facilité de dialogue avec lui en cas de difficulté.

Comme dans les EPM, la primauté de l'éducatif est inscrite dans la prise en charge des mineurs. L'éducation nationale est au centre de la prise en charge du mineur, et douze heures hebdomadaires sont dédiées à l'enseignement. Quatre professeurs interviennent à temps plein dans l'établissement. Hormis les vacataires, ils s'occupent également des détenus majeurs. De fait, les heures de cours allouées aux mineurs sont autant d'heures dont ne bénéficient pas les majeurs, lesquels rencontrent souvent des problématiques similaires aux mineurs en matière d'éloignement de l'enseignement scolaire, voire d'analphabétisme. Il s'agit là d'un véritable problème. La prise en charge des mineurs au niveau de l'éducation nationale mange la majeure partie du quota horaire attribué à l'établissement. En plus de ces quatre professeurs titulaires dédiés à la structure, des vacataires interviennent pour tous les enseignements de spécialité, notamment lorsque certaines personnes de l'établissement, majeures ou mineures, doivent passer des diplômes comme le diplôme d'accès aux études universitaires, les diplômes universitaires, etc.

Notre établissement n'accueille ni femmes ni jeunes filles. Au regard de la spécificité et de la présence majoritaire des majeurs dans la structure, il est difficile d'assurer une prise en charge entièrement dédiée dans les salles d'activités et dans les locaux mis à disposition des détenus. La maison d'arrêt de Villepinte ne compte par exemple qu'une seule salle de sport, utilisée par un peu plus de 900 majeurs, le service pénitentiaire d'insertion et de probation – SPIP –, organisateur des activités, la PJJ, les moniteurs de sport et parfois l'éducation nationale. Cette forte fréquentation ne laisse que deux créneaux par semaine pour les mineurs.

Je tiens à souligner le travail réalisé par les équipes pénitentiaires et de la PJJ dans cet établissement plus ancien que les structures datant des années 2000, ainsi que l'investissement quotidien que cela représente. En 2021, nous avons enregistré quatre-vingt-dix-sept écrous, dont un certain nombre de transferts ou d'exclusions d'autres établissements, quand nous n'avons exclu que trois jeunes mineurs en raison d'incidents. La prise en charge assurée dans l'établissement nous permet de désaxer la violence. Nous avons vécu une année 2020 assez compliquée. Nous avons donc mis en place des politiques de prise en charge de la violence qui ont abouti aux dispositifs de binômage et de surveillant référent que j'ai déjà mentionnés, ainsi qu'à une prise en charge pluridisciplinaire encore plus riche que celle qui existait auparavant.

En 2018, les MNA représentaient 15 % de notre public, contre 38 % en 2020. Toutefois, en 2021, seuls quatre des vingt-six détenus mineurs à Villepinte sont des MNA. Ce nombre est donc très variable. Jusqu'à l'année dernière, nous observions que ce nombre avait tendance à augmenter, apportant un cortège de difficultés propres à ce public, comme la désocialisation ou la polytoxicomanie.

Contrairement aux EPM, le vol représente 60 % des motifs d'incarcération, ce qui est sans doute lié à la proportion de MNA accueillis en 2020. Il s'agit de vols sous différentes formes, accompagnés de circonstances aggravantes ou d'agressions. Le second motif est lié aux infractions à la législation des stupéfiants, ce qui s'explique au regard de la structure délinquantielle du département où nous nous trouvons.

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