Intervention de Anne Rouville-Drouche

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Anne Rouville-Drouche, directrice de la maison d'arrêt de Nanterre :

Comme l'établissement de Villepinte, le centre pénitentiaire de Nanterre date de 1991. Cette maison d'arrêt comporte 592 places. Un QM de 18 places y a été installé dans les années 2000. À ce jour, 17 places sont occupées. L'encellulement individuel y est garanti sauf exception, par exemple lorsque nous lançons un « stop écrou » ou que les juridictions ont besoin d'incarcérer des mineurs, notamment la nuit. Cela tombe régulièrement le vendredi soir, lorsqu'il est compliqué de trouver une place dans un établissement puisque tous sont surencombrés.

Le quartier mineur du centre pénitentiaire de Nanterre pourrait sembler un peu anecdotique. En 2018, nous accueillions par exemple 1 100 détenus majeurs, les 18 mineurs ne concentrent donc forcément pas toute notre attention. Nous avons ouvert un quartier de semi-liberté en 2019 dans un nouveau bâtiment. Aucune place n'y a été prévue pour les mineurs. Cela peut paraître surprenant, mais nous proposons plutôt des alternatives à l'incarcération en lien avec des projets montés par la PJJ en ce qui concerne les mineurs.

Actuellement, nous accueillons trois MNA. Comme l'expliquaient mes collègues, ce nombre est très fluctuant.

La scolarité est au cœur du projet de détention, les mineurs suivant douze heures de cours par semaine. Comparés aux autres établissements représentés ce soir, nous sommes une toute petite structure, et accueillons de fait des profils plus particuliers. Régulièrement, nous recevons des jeunes qui ont fait l'objet d'une mesure d'ordre, par exemple lorsqu'ils sont arrivés au bout de la chaîne de gestion proposée par l'établissement précédent. Nous accueillons également des jeunes qu'il a parfois fallu séparer d'un environnement où ils étaient trop connus, ou encore où les faits commis ont été médiatisés, générant de la dangerosité pour leur intégrité physique. Ainsi, nous essayons d'adopter une approche pédagogique pointue.

Quatre éducateurs de la PJJ interviennent auprès de notre public dans le cadre d'une mission, et non d'un service. Cela signifie qu'ils sont rattachés à l'action éducative en milieu ouvert – AEMO – de proximité, et que l'équipe se renouvelle tous les trois ans. La prise en charge des mineurs n'étant jamais très longue, ce renouvellement permet d'éviter l'habitude et la monotonie et de proposer de nouveaux projets dynamiques à chaque changement d'équipe, ce qui est important dans un petit secteur comme celui-là. Nous disposons de cinq personnels de surveillance.

Notez que les établissements parisiens présentent la particularité d'employer une majorité de jeunes professionnels tout juste sortis de l'école. Il s'agit souvent de ceux qui ne sont pas rétifs à l'idée de travailler en région parisienne. Il est en effet difficile de devoir encadrer un mineur de 17 ans faisant la même taille que soi et qui maîtrise l'art de provoquer et de trouver ce qui nous pique au vif lorsqu'on a soi-même entre 20 et 25 ans et qu'on embrasse une carrière de sécurité publique. Nous avons la chance de pouvoir compter sur des surveillants sportifs et calmes au regard de leur parcours personnel. Cette équipe se renouvelle également régulièrement. Nous travaillons actuellement avec cinq personnels masculins, mais nous employons aussi régulièrement des femmes et nous attendons de nouvelles candidatures féminines. Cette attente participe à la reconnaissance de la mixité, sachant qu'une femme ne fouillera pas un jeune homme au même titre qu'elle ne fouillerait pas un homme adulte. Pour autant, elle permettra une complémentarité avec ses collègues en matière de qualité de la prise en charge et d'accompagnement. Nous choisissons des personnels présentant un état d'esprit constructif. Il est impossible de se concentrer uniquement sur la sécurité avec un public mineur, il faut bien sûr prendre en compte les questions éducatives et liées à l'accompagnement.

Dans les établissements accueillant à la fois des majeurs et des mineurs, les commissions de discipline imposent au président, aux assesseurs et aux membres de la commission de connaître la discipline spécifique aux mineurs. À Nanterre, nous considérons que l'objectif est le même pour les majeurs et les mineurs, et qu'il est avant tout pédagogique. Les quantums décidés sont évidemment différents. Nous avons la chance de pouvoir compter sur une équipe d'assesseurs civils comprenant un personnel de l'éducation nationale, qui nous aide notamment lors des commissions des mineurs, un personnel de direction plutôt dédié au QM et qui vient régulièrement présider les commissions de discipline des mineurs. Il s'agit de présidences dédiées en présence d'avocats spécialisés. Cela permet de respecter les droits de l'enfant et de mieux comprendre le contexte.

Deux professeurs spécialisés de l'éducation nationale interviennent dans un centre scolaire consacré aux majeurs, et deux autres interviennent dans les locaux du QM. Nous disposons de toute une zone d'activité dédiée exclusivement au QM. Elle se compose d'une salle de musculation, d'une cour de promenade, de locaux ludiques et éducatifs. Il est possible de mélanger les mineurs avec des adultes dans la mesure où le respect de leurs droits et donc de leur intérêt est garanti. Nous nous sommes prêtés à l'exercice et avons constaté qu'il s'agissait d'une situation difficile à maintenir, l'expérience est ainsi restée anecdotique.

Pour le mineur, l'accès à la majorité dans un établissement comme celui de Villepinte ou de Nanterre signifie qu'il aura accès au tabac, et qu'il aura officiellement le droit de fumer et de cantiner des cigarettes. Le tabac représente un véritable enjeu de prise en charge. Il n'est normalement pas prévu que des patchs de nicotine soient prescrits à un mineur. Toutefois, il me semble que l'unité sanitaire leur en prescrive malgré tout et les accompagne pour arrêter de fumer. Il s'agit d'une question qui mériterait d'être approfondie. L'unité de soins se doit avant tout de prendre en charge les majeurs. Le QM de Nanterre ne dispose d'ailleurs pas de pédopsychiatre, et le psychiatre n'intervient pas auprès des mineurs de moins de 16 ans, ce qui peut considérablement compliquer leur prise en charge. Bien sûr, notre objet ici n'est pas de faire le procès de la psychiatrie. Nous avons des besoins, et des moyens sont développés en partenariat avec l'hôpital et l'ARS – agence régionale de santé. Il s'agit en effet d'une problématique cruciale de la prise en charge des MNA et des personnes détenues mineures criminelles.

Au niveau de l'établissement, il est très difficile de mettre le « stop écrou » en place et d'obtenir des résultats. Notre « stop écrou » se situe à quinze détenus, mais une cellule peut facilement se retrouver hors d'usage et nous faisons parfois face à une arrivée massive provoquée par une affaire impliquant de multiples personnes. Il nous est arrivé ponctuellement d'accueillir une dix-neuvième personne. L'établissement où je travaillais avant, à Perpignan, possédait un QM de la même taille, et servait de structure de désencombrement pour les mineurs. Les jeunes aiment être à deux, mais cela génère des tensions. Pour nous, le QM offre également la possibilité de travailler avec les familles, que la PJJ rencontre régulièrement en vue de faire le point en associant les enseignants.

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