Intervention de Fanny Bouchard

Réunion du mardi 9 novembre 2021 à 18h15
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Fanny Bouchard, directrice de l'établissement pour mineurs de Marseille :

Cette durée moyenne de détention de quatre mois recouvre des réalités différentes à l'EPM de Marseille. La question met en relief tout l'enjeu de l'entrée en vigueur du CJPM qui devrait totalement inverser la tendance. Grâce aux audiences à un mois, nous accueillerons plus de condamnés que de prévenus, et nous connaîtrons ainsi la date de la fin de peine, ce qui nous permettra de travailler différemment. La proportion entre prévenus et condamnés n'est pas du tout la même chez les majeurs, et fait la spécificité de la gestion de la population pénale mineure. Son inversion va également transformer le travail de l'ensemble des personnels.

Pour les professionnels intervenant dans les EPM, ces quatre mois de détention représentent souvent un temps de bilan et d'analyse. Au niveau de la PJJ, cette période permet de reconstruire le parcours du mineur qui est souvent morcelé, entre suivis en milieu ouvert, aide sociale à l'enfance, PJJ, passages en centre éducatif fermé ou en centre éducatif renforcé. La détention offre également l'occasion à l'éducation nationale de reconstruire le parcours scolaire du mineur. Certains sont déscolarisés depuis l'école primaire, ou sont passés par des cursus spécifiques, en institut thérapeutique éducatif et pédagogique – ITEP – et autre. Sur le plan de la santé, ce temps permet aussi de dresser un vrai bilan somatique et psychiatrique, même si assez peu de mineurs sont suivis pour des troubles psy. Enfin, ces quatre mois permettent d'établir un bilan au niveau pénitentiaire. Ils offrent la possibilité aux jeunes de se poser.

Normalement, l'encellulement individuel est la règle. Toutefois, le « stop écrou » n'existe pas à la direction interrégionale de Marseille – j'en découvre l'existence aujourd'hui. Ainsi, en 2019, l'EPM s'est régulièrement retrouvé en sureffectif, accueillant jusqu'à soixante-sept mineurs contraints d'occuper des matelas à même le sol. En EPM, les cellules ne sont pas doublées. L'encellulement individuel offre au jeune la possibilité de se poser, souvent pour la première fois. Ils ne parlent d'ailleurs parfois plus de cellule, mais de chambre. Ils n'ont plus à faire le guet dans des points de deal, la détention représente ainsi un moment d'apaisement dans leur parcours de vie.

Nous essayons de valoriser le parcours des mineurs détenus. De façon générale les familles ne sont approchées par la justice qu'à travers le prisme des travers de leurs enfants. Nous cherchons à les toucher en valorisant le travail des jeunes, notamment grâce à l'éducation nationale et aux diplômes qu'ils sont amenés à passer. Nous essayons de montrer aux familles qu'ils sont capables d'autre chose que de délinquance.

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