Je suis un avocat pénaliste de province et je connais bien les sujets de comparution immédiate, de droit pénal provincial classique et des maisons d'arrêt et centres de peine de la Gironde. Mon intervention s'appuiera sur ma connaissance de la juridiction correctionnelle de Bordeaux.
Il me semble tout d'abord que votre commission devrait réfléchir au positionnement des aménagements de peine lorsque le juge est amené à prononcer une condamnation. Les aménagements de peine avaient pour objectif de remplacer la détention, en exécutant la peine en milieu ouvert. Je suis avocat depuis trente-sept ans. Avec la détention provisoire et la création du contrôle judiciaire dans les années 80, j'ai observé que les aménagements de peine sont généralement utilisés non pas lorsque le juge s'apprête à prononcer une peine ferme, mais lorsqu'il se trouve dans une situation intermédiaire, entre une peine d'emprisonnement avec sursis et une peine ferme. Les peines d'emprisonnement courtes existent toujours, et les peines fermes aménagées ont été créées comme intermédiaire, en compagnie de la peine d'emprisonnement avec sursis ou de la mise à l'épreuve. Par conséquent, le nombre de personnes incarcérées ne diminue pas. Il en était de même lors de la création du contrôle judiciaire qui, au lieu de se substituer à la détention provisoire, a finalement empiété sur des situations qui ne suscitaient autrefois pas d'incarcération.
J'ai donc le sentiment que l'aménagement de peine mordra sur une catégorie intermédiaire de peines qui ne donnaient pas lieu à une peine ferme auparavant, et non sur les peines fermes telles qu'elles sont prononcées. Il faudrait sans doute que la jurisprudence redéfinisse ce qu'est un aménagement. Je n'ai pas mené d'étude sur le sujet et mon constat est de l'ordre de l'intuition, mais il risque d'être confirmé les chiffres et la durée d'enfermement.
Les détenus sont de plus en plus nombreux. La surpopulation pénale ou carcérale n'existe que dans les maisons d'arrêt avant la condamnation. De nombreux centres pénitentiaires, comme ceux de Neuvic ou Mauzac, ne rencontrent pas les problèmes d'encombrement qui se traduisent par des matelas au sol dans les cellules ou des cellules qualifiées de chauffoirs, occupées par cinq ou six détenus. L'encombrement dans les établissements pénitentiaires n'a jamais concerné non plus les quartiers pour femmes. L'idée selon laquelle, si plus de places sont construites en prison, les prisons seront davantage remplies, n'est pas toujours vérifiée.
Les centres de Gironde et d'Aquitaine ne rencontrent pas de problèmes importants de conditions de détention insalubres ou portant atteinte à la dignité. La maison d'arrêt de Gradignan connaît parfois de forts taux d'encombrement, souvent par pics, issus de jurisprudences de comparution immédiate ou de l'actualité de la pénitentiaire. La question des violences conjugales a par exemple suscité un goulot d'étranglement avant l'emprisonnement. Outre des places de prison, il faut aussi des magistrats pour juger. En Gironde et en Aquitaine, le logement pourrait être amélioré et nous attendons la construction de la nouvelle maison d'arrêt de Gradignan avec beaucoup d'impatience, en projet depuis cinq ou six ans.
Il existe deux approches concernant la prise en charge médicale. La première concerne les premiers entrants, et la seconde des catégories de personnes spécifiques. Le constat selon lequel l'incarcération permettrait de bénéficier de soins est caricatural. Il manque des médecins dans les prisons, notamment pour la prise en charge des premiers jours qui sont difficiles pour le détenu. L'incarcération, notamment dans une situation d'infraction complexe sur le plan intrafamilial, peut générer des compensations et des pathologies. En cas d'urgence, le système de prise en charge est efficace, mais la médecine traditionnelle reste quelque peu sous-équipée.