Intervention de Édouard Foucaud

Réunion du jeudi 25 novembre 2021 à 10h00
Commission d'enquête sur les dysfonctionnements et manquements de la politique pénitentiaire française

Édouard Foucaud, membre de la CNDPIP :

Les services se sont structurés, mais nous sommes encore au milieu du gué. Les SPIP sont pluridisciplinaires. Actuellement, les postes d'assistants sociaux, de psychologues ou encore d'assistants culturels ne sont toujours pas internalisés à nos services. Nous devons formuler des propositions très concrètes à ce sujet : ces postes doivent faire partie de nos effectifs, et ne plus dépendre de marchés publics, ou de budgets contractuels. Nous devons stabiliser nos équipes afin de pouvoir réaliser une analyse pertinente de notre public qui devient de plus en plus complexe. Nous avons besoin de regards croisés.

Je tiens par ailleurs à souligner une démarche portée par notre nouveau directeur de l'administration pénitentiaire, fortement soutenue par la CNDPIP : la professionnalisation des personnels administratifs à travers la création de greffes, à la fois dans les établissements pénitentiaires et dans les SPIP. Cette démarche revêt deux intérêts. Elle permet une valorisation du travail effectif et une évolution statutaire des personnels administratifs, qui ne sont souvent pas assez reconnus, et présente également un intérêt en matière d'exécution des peines et leur efficacité. Plus nos greffes seront performants, plus nous aurons la capacité de prendre en charge rapidement les peines en provenance du service des exécutions des peines – SEP – des tribunaux. C'est une réalité. Nous serons en mesure de procéder de façon très professionnelle. Il existe pour cela des pistes, par exemple rapprocher l'École nationale d'administration pénitentiaire et l'école des greffes. Il est nécessaire de soutenir cette démarche pertinente. Un important recrutement a été réalisé au niveau des CPIP, qui s'est accompagné d'une évolution statutaire en catégorie A. C'est une bonne chose. Toutefois, au sein de la CNDPIP, nous considérons que l'encadrement de tous ces personnels nécessite des compétences extrêmement techniques, les DPIP sont en difficulté. En effet ils sont soumis à de nombreuses contraintes juridiques, sociales, de management. Une revalorisation de leur statut est nécessaire. Si cette revendication ne relève pas de la CNDPIP, nous attendons un travail important des organisations syndicales et de la nouvelle direction des SPIP.

Pour ce qui est de l'évaluation des retombées de notre travail, l'enjeu réside dans la stabilisation des postes. Des millions d'euros ayant été investis pour renforcer les SPIP, il est légitime que nous rendions compte de leur utilisation. Nous sommes actuellement en train de réfléchir à la mise en place de pôles d'évaluation et de communication dans chaque SPIP, autrement dit dans chaque département. Ces pôles accueilleront des personnels différents, des attachés présentant par exemple des profils de statisticiens ou de sociologues, afin de réaliser des suites de cohorte de personnes prises en charge par le SPIP selon la façon dont elles sont prises en charge, bénéficiant par exemple d'un programme de prévention de la récidive. Nous pourrions ainsi constater les incidences de notre travail sur la récidive au bout de quelques années. Il n'est pas normal que ce type d'outils ne soit toujours pas mis en place. Je voudrais par exemple pouvoir me rendre à un Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – CLSPD – et informer les élus du nombre de personnes suivies par le SPIP, du nombre de personnes sortant de détention, et des actions déployées auprès d'elles. En France, nous avons la chance de pouvoir nous appuyer sur des chercheurs, je pense notamment à l'université de Rennes qui pourrait nous accompagner dans la création d'outils de suivis destinés à ces pôles.

Enfin, l'administration pénitentiaire doit pouvoir contrôler la communication autour de la délinquance afin d'éviter les éventuelles instrumentalisations politiques. La dimension départementale de ces pôles se révélerait très pertinente à l'occasion d'un état-major de sécurité élargi. Dans notre conception, l'administration pénitentiaire y aurait toute sa place et apporterait une valeur ajoutée aux éléments fournis habituellement uniquement par la gendarmerie et la police.

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